Un rapport sénatorial du comité de suivi amiante fait le point sur la lutte contre le matériau cancérogène : il souligne la bonne protection des travailleurs mais pointe également des faiblesses dans le repérage des fibres ou des règles complexes, insuffisamment mises en œuvre. Détails.
Le comité sénatorial de suivi amiante a présenté un rapport sur la situation actuelle de la France dans l'éradication de la fibre tueuse. Selon les rédacteurs du document, "la réglementation actuelle (est) globalement satisfaisante, en particulier son volet de protection des travailleurs, considérablement renforcé par un décret du 4 mai 2012". Un bon point rapidement nuancé : "Le pilotage des politiques publiques en matière d'amiante est défaillant". La première difficulté serait de correctement repérer les traces du matériau. Les membres du comité recommandent "d'augmenter les effectifs des inspecteurs du travail", afin d'améliorer encore la protection des travailleurs exposés. Une cellule nationale d'appui à la Direction générale du travail et des cellules régionales seraient créées.
Autre remarque, le rapport signale "certaines règles complexes, instables, ou insuffisamment mises en œuvre en matière de santé publique". Seraient visés les seuils d'exposition aux poussières d'amiante, et l'information plus le suivi des personnes exposées. Le comité préconise "d'abaisser le seuil d'amiante dans l'air déclenchant des travaux de désamiantage de 5 fibres/litre à 0,47 fibre/litre", soit une division par 10 de la concentration admise, et d'améliorer l'information des particuliers sur les déchets susceptibles de contenir de l'amiante, en prévoyant une collecte et un stockage "à des coûts abordables".
Des propositions attendues par les victimes
Afin de relever le défi du désamiantage total de la France, "dans les décennies à venir", les rédacteurs du rapport proposent notamment la création d'une "plateforme Internet unique sur le risque amiante", afin de permettre aux utilisateurs d'accéder rapidement à des informations remises à jour, alimentées par la constitution d'une base de données "Dossiers techniques amiante". Le comité, créé en 2013, a également noté que, sur 28 propositions formulées en 2005 dans un précédent rapport sénatorial, 17 avaient été mises en œuvre depuis. Parmi les mesures restantes, celles concernant l'indemnisation des victimes sont cependant restées lettre morte.L'association des victimes de l'amiante (Andeva) a réagi : "La création d'une telle base de données, que les gouvernements successifs refusent depuis 15 ans, constituerait une avancée considérable pour la prévention du risque amiante, sous réserve bien sûr que celle-ci soit accessible aux utilisateurs des bâtiments. On peut regretter que la proposition limite la base de données aux établissement publics de l'Etat et des collectivités territoriales, alors que la proposition originale de 1998 (formulée par la mission amiante de Claude Got) concernait tous les bâtiments". A propose de la plateforme Internet unique, l'association admet qu'un "tel outil constituerait assurément un complément important pour inscrire dans la réalité la prévention du risque amiante". La proposition d'abaisser d'un facteur 10 le seuil de gestion de l'amiante, est également très bien accueillie : "Cette proposition, restée lettre morte depuis cinq ans, est aujourd'hui une urgence". L'association soutient qu'aujourd'hui, en France, "plus de 20 millions de tonnes de matériau contenant de l'amiante" sont en cours de dégradation et que seule "une volonté politique tenace, inscrite dans la durée", et disposant de moyens prioritaires pourrait mener à l'éradication de la menace. Elle souhaiterait notamment que les recherches visant à développer des procédés de transformation de l'amiante en matériau inerte soient soutenues.