LEGISLATIF. La loi Elan est-elle à la mesure du choc de l'offre brandi par Emmanuel Macron en début de mandat ? Pas si sûr, pour les universitaires invités par l'Association française du droit de la construction et de l'immobilier lors d'un colloque sur le texte législatif. Et de pointer une réforme " par petites touches ", qui mériterait d'être clarifiée ultérieurement.

La loi Elan a presque achevé son cheminement législatif avant sa promulgation officielle. Pourtant, les experts du droit de la construction, qui ont scruté ses quelques 280 articles, restent encore suspendus à des interrogations sur certaines dispositions.

 

Gwenaëlle Durand-Pasquier en est. Pour cette professeure à l'université de Rennes, " la loi Elan soulève des problèmes d'articulation et d'imbrication entre les dispositifs. En réalité, on a parfois des difficultés à articuler des dispositions de la loi Elan avec des dispositions de la loi Essoc ".

Allègement versus renforcement

Pour autant, les deux lois pourraient trouver des points de convergence, impactant " de manière plus ou moins immédiate les règles et normes de construction ". Gwenaëlle Durand-Pasquier cite tour à tour les nouvelles opérations d'urbanisme " qui créeront de vastes zones de territoires où il sera possible de déroger via le permis d'expérimenter ". C'est aussi " la mise en cohérence des dispositifs de contrôle dans la lutte contre l'habitat indigne ", ou encore la création de la catégorie des Immeubles de moyenne hauteur (IMH) " qui feront évoluer les normes de construction et créeront de nouvelles règles de sécurité ".

 

Se questionnant sur " la cohérence " de la loi, l'universitaire pointe le paradoxe entre " un allègement assez radical de l'accessibilité, et un renforcement des exigences liées à la performance énergétique et environnemental ". Le premier point suscite des questionnements, notamment sur " la comptabilisation du quota de 20 % de logements accessibles ", notamment " en cas d'évolution d'un programme en cours de chantier ".

 

Spirograph

 

Quant aux " travaux simples " d'accessibilité mentionnés par la loi dans le cadre de l'évolutivité des logements, l'experte en droit de la construction évoque des zones grises entre bailleur et locataire. Sachant que la loi Elan ne précise pas si le premier a pour obligation d'informer son futur locataire sur le coût des travaux d'adaptabilité. Le second, qui en a la charge financière, ne saurait être considéré comme responsable en cas de " désordre ", d'une rampe mal posée au perçage accidentel d'une canalisation. Prenant l'image de l'équerre en « T » utilisée par les architectes et qui constitue la racine étymologique de la norme, Gwenaëlle Durand-Pasquier compare, pour l'heure, la loi Elan à un " spirograph ".

 

Professeure de droit privé à l'université de Poitiers, Marianne Faure-Abbad, s'est, elle, concentrée sur l'impact de la loi Elan sur les contrats spéciaux et la responsabilité des constructeurs. Le texte législatif, " qui retouche dans le détail des régimes juridiques sans être une réforme globale " est plutôt " une loi au service du gouvernement ", relève-t-elle.

 

Lacunes sur la responsabilité des constructeurs

 

L'auteure de plusieurs ouvrages sur le droit de la construction salue néanmoins le fait que la loi Elan " sécurise davantage les propriétaires de logements, techniquement et financièrement ", faisant référence à l'étude géotechnique rendue obligatoire, et l'affinement du régime de garantie financière d'achèvement.

 

Elle l'estime cependant " plus que discrète sur la responsabilité des constructeurs et la garantie décennale ", notamment quand la pose d'un équipement nouveau dans une structure ancienne cause un désordre.


L'inégalité dans la solidarité

 

En matière d'habitat, la loi Elan créé un contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire et un dispositif d'habitat inclusif, explicités par Vivien Zalewski-Sicard, maître de conférences à l'université de Toulouse. L'habitat inclusif, défini dans un unique article de la loi Elan, relève du code de l'action sociale et de la famille . Il " est destiné aux personnes âgée et handicapées qui font le choix à titre de résidence principale d'un mode de vie regroupé avec un projet de vie social partagé et défini par un cahier des charges ", développe Vivien Zalewski-Sicard.

 

Le contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire, lui, figurera dans le code de la construction et concernera les personnes âgées de plus de 60 ans s'engageant à louer ou à sous-louer une partie de leur logement à un locataire de moins de 30 ans, moyennant un loyer modéré.

 

Si ce nouveau contrat " lève des obstacles à la location pour les jeunes ", le conférencier alerte sur " l'absence de règles du code du travail compte tenu des services que le jeune pourrait rendre au senior, le contrat pouvant prévoir un complément de ce type ". " La situation de ce jeune hébergé n'est donc guère enviable, ironise-t-il, mais la mention 'solidaire' du contrat justifie que la protection du jeune soit restreinte au profit du senior, même si la réciproque n'est pas vraie ".

 

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