DÉVELOPPEMENT DURABLE. Avec 3,1 millions d'hectares de terres artificialisées, la France dépasse la moyenne européenne, selon un rapport de France Stratégies publié le 23 juillet 2019. Alors qu'un retour en arrière par la renaturation semble peu viable économiquement, d'autres pistes pourraient être explorées pour tendre vers l'objectif zéro artificialisation nette.
Mettre fin à l'artificialisation des sols en France, une lubie écologiste ? Le mot d'ordre lancé par le Plan biodiversité en juillet 2018 pourrait se concrétiser, à condition d'explorer de nombreuses pistes, avancées par un rapport de France Stratégie le 23 juillet 2019.
Encourager la densification par des incitations fiscales, intégrer l'artificialisation des sols dans les outils de planification des différents échelons territoriaux, compenser chaque artificialisation par une renaturation…le chantier est vaste pour la France, qui artificialise 5,5% de ses terres, dépassant la moyenne européenne de 4%. Selon le rapport de France Stratégie, l'hexagone consacre 1 million d'hectares aux sols bâtis, 2,5 millions aux sols revêtus ou stabilisés et 1,7 million aux sols artificialisés ou imperméabilisés.
Pour l'organisme de prospective rattaché à Matignon, la France pourrait déjà agir sur les facteurs qui poussent à l'étalement, donc l'artificialisation supplémentaires des sols. Aujourd'hui, "les différentiels de prix du foncier" et la "sous-exploitation du bâti existant" y contribuent largement.
La renaturation loin d'être une recette miracle
"La différence de prix entre les terres agricoles et les terres urbanisables constituent la principale incitation", selon France Stratégie, alors que le coût de l'hectare agricole présente un avantage compétitif en France. Cette propension à l'artificialisation se nourrit notamment de la vacance de logements, les résidences secondaires agissant comme facteur aggravant, et l'obsolescence accélérée de l'immobilier tertiaire, tributaire d'un marché volatil.
Parmi les solutions régulièrement citées, la renaturation n'est pourtant pas la panacée. Le processus consistant à restituer un terrain dans son état naturel initial peut parfois s'avérer infructueux, dans la mesure où "l'artificialisation peut causer une perte irréversible de matière" et "une perte des propriétés des sols".
Si l'évaluation des coûts de ce type de démarche est encore une zone grise, il est certain que la facture s'allonge dès lors qu'il faut prévoir une déconstruction, dépollution, désimperméabilisation des sols. "A ce stade, la renaturation peut être un outil économiquement viable pour les projets ne nécessitant ni dépollution ni désimperméabilisation", suggère France Stratégie dans son rapport.
Distribuer les bons et les mauvais points
Plutôt qu'une opération financièrement dissuasive, mieux vaut freiner l'artificialisation des sols en amont. "Un net ralentissement de l'artificialisation est possible à brève échéance", titre un des chapitres du rapport qui s'est exercé à dérouler trois scénarios en fonction des politiques publiques entreprises.
Si rien n'est engagé, "l'artificialisation continuerait sur un rythme en légère augmentation autour de 20.000 hectares par an à horizon 2030", avec une superficie équivalente au Luxembourg. Dans un deuxième cas de figure, celui de "densification forte", la consommation de terres pourrait être abaissée à 5.500 hectares annuels. Dans un dernier scénario, impliquant toutefois des "mesures difficiles à mettre en œuvre", on pourrait atteindre un seuil de 3.650 hectares de sols artificialisés par an.
Parmi ces mesures complexes, France Stratégies imagine "l'imposition d'un coefficient d'occupation des sols" pour les constructions neuves, l'instauration d'un "niveau minimal de renouvellement urbain" avant d'accorder un permis de construire, ou le renchérissement des prix des terrains.
L'organisme propose par ailleurs de distribuer les bons et les mauvais points à ceux qui privilégient le recyclage du bâti et ceux prenant la voie de l'artificialisation. Les constructions sur des terres non artificialisées pourraient être exclues du dispositif Pinel ou du PTZ neuf pendant que les opérations de surélévation, de reconstruction ou de rénovation seraient exemptées du paiement de la taxe d'aménagement.