Le tarif d'achat du courant électrique produit par les éoliennes est considéré comme une intervention de l'Etat non notifiée depuis 2008 par la Cour européenne de justice. Une victoire pour les opposants à cette énergie et une inquiétude supplémentaire pour les professionnels du secteur qui craignent une annulation rétroactive aux effets désastreux.
La Cour de justice européenne vient de se prononcer quant au mécanisme de financement de l'obligation d'achat de l'électricité produite par les éoliennes à un tarif bonifié : il s'agit, pour elle, d'une intervention de l'Etat (ou de ses ressources) qui n'aurait pas été notifiée en bonne et due forme à Bruxelles depuis 2008. Une décision, sollicitée par une question soumise par le Conseil d'Etat français, qui enclenche un compte à rebours en France.
Un dispositif qui vit ses derniers instants ?
Depuis cinq ans, EDF était obligée de racheter le courant produit par les turbines éoliennes à un prix de 82 €/MWh, supérieur à celui du marché. Un surcoût qui était ensuite compensé par une partie de la CSPE (Contribution au service public de l'électricité), s'apparentant à une taxe acquittée par tous les consommateurs. C'est ce mécanisme qu'avaient dénoncé les associations hostiles à l'éolien, dont le collectif "Vent de colère". Selon Sonia Lioret, la déléguée générale de France Energie Eolienne, le jugement de la cour européenne aboutira à une "très probable" annulation par le Conseil d'Etat des tarifs bonifiés à un horizon relativement court, "deux ou trois mois". Au mois d'octobre, la France avait cependant notifié la Commission européenne de l'existence de ce système d'achat, afin d'en faire valider la légalité. Bruxelles devrait rendre une décision concernant le dispositif au mois de janvier, ce qui permettrait au ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, de revoir sa copie en prenant rapidement un nouvel arrêté tarifaire, assurant la continuité du soutien à la filière.
La rétroactivité redoutée
De son côté, le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) s'inquiète d'un possible caractère rétroactif de l'annulation de l'arrêté tarifaire de 2008. Une décision qui "génèrerait de très graves conséquences économiques pour la filière", estime le syndicat qui plaide pour une annulation différée. Une nuance qui "éviterait de mettre en péril près de 4.000 MW éoliens, représentant 6 Mrds € d'investissements et plusieurs milliers d'emplois". Le président et le vice-président du SER déclarent : "Alors que la filière vit une période extrêmement difficile, qui se traduit par un net décrochage par rapport à la trajectoire de développement nécessaire à la transition énergétique, cette décision est de nature à générer un chaos économique si le Conseil d'Etat devrait annuler rétroactivement l'arrêté attaqué". Le syndicat encourage donc l'instance suprême à prendre en compte les conséquences de ce jugement pour permettre la publication d'un nouvel arrêté tarifaire notifié aux instances européennes. France Energie Eolienne invite également le gouvernement à agir sans attendre, "sous peine de paralyser à nouveau la filière".
La décision de la Cour européenne de justice pourrait également concerner d'autres pays membres, comme l'Allemagne, qui n'ont pas non plus notifié leurs tarifs d'achat éoliens.