CULTURE. L'architecte-paysagiste Michel Desvigne donne à voir ses "jardins suspendus", des espaces hybrides où le minéral devient fertile, dans une nouvelle exposition. Photographies, maquettes et vidéos rythment cette installation qui interroge le rapport entre architecture et paysage.

On est loin des grands processus de transformation de territoires, comme son agence nous y a accoutumés. À la Galerie d'architecture, à Paris, l'architecte-paysagiste français Michel Desvigne s'intéresse plutôt aux jardins suspendus. Dans une exposition dédiée à ces projets menés par son agence (MDP) et visible jusqu'au 17 avril 2025, Michel Desvigne relate la conception d'une quinzaine de jardins sur dalles.

 

"Ces jardins hors sols, allant de 170 m² à un kilomètre, souvent en centre-ville, sont parfaitement imbriqués dans l'architecture qui les entoure: ils se construisent, se lisent, dialoguent avec ces architectures, raconte le paysagiste à Batiactu. Ces opérations interrogent le rapport entre bâtiments et jardins." Une manière habile, pour le professionnel, de s'adresser aux architectes dans une galerie qui leur est réservée.

 

"Renzo Piano, Norman Foster, David Chipperfield, Rem Koolhaas… Nous avons eu la chance de collaborer avec d'excellents architectes qui nous mettaient en situation pour permettre ces jardins", confie Michel Desvigne.

 

Miniaturiser une forêt

 

Japon, États-Unis, Russie, Monaco… Il a imaginé d'innombrables projets en France et dans le monde. Celui du parc urbain du quartier d'affaires La Défense, de 600 mètres de long, est en cours et permettra la transformation de son esplanade actuellement très minérale.

 

"Ces jardins, que l'on pourrait dire presque impossibles car ils n'ont pas de rapport avec un véritable sol, sont hautement nécessaires, estime-t-il. Ils ont des vertus climatiques évidentes, offrent beaucoup aux villes et à la biodiversité, et peuvent être aménagés avec des masses critiques de sol fertile. Ils posent des questions climatiques, techniques et esthétiques." Étanchéité, sol, irrigation… Les défis sont nombreux lors de la conception de ces espaces végétalisés.

 

Michel Desvigne cherche, parfois, à miniaturiser un milieu forestier, en reprenant les codes de sa densification, de sa stratification et de sa palette de végétaux. C'est notamment le cas au ministère de la Culture, où un jardin reprenant le thème du sous-bois avait été imaginé en 2011. Il compte plus de 100 essences. "L'exposition montre les recherches empiriques que nous menons pour s'adapter au dérèglement climatique, en favorisant des milieux plutôt que des essences", ajoute Michel Desvigne.

 

Michel Desvigne exposition
Une quinzaine de projets de son agence sont présentés. © L-A F. pour Batiactu

 

Tokyo végétal

 

Les enjeux techniques ont une place prépondérante dans ses projets. Dans la capitale japonaise, MDP a, par exemple, signé la conception d'un jardin contemporain sur le toit d'un édifice de l'université Keio. Le nouveau bâtiment se dresse à l'emplacement d'un jardin conçu par le sculpteur japonais Isamu Noguchi.

 

"La fondation Noguchi nous a demandé d'évoquer ce jardin sur la toiture. Nous avons créé un sol fertile composé de pierres volcaniques et de terre, permettant la croissance de végétaux." Une dalle perforée par de hautes herbes et des arbres a été aménagée en 2005. L'agence a sélectionné des bosquets et de clairières miniatures, aux densités variables.

 

Toujours à Tokyo, Michel Desvigne est intervenu, entre 2009 et 2013, dans le quartier d'affaires d'Otemachi, qui jouxte le Palais impérial. "Dans les années 1980, l'empereur du Japon a réintroduit une forêt à l'intérieur du parc du palais. Nous avons créé les mêmes conditions au pied d'une tour du quartier", poursuit le paysagiste. Une forêt urbaine de 3.600 m² jalonne la zone, sur un sol entièrement artificiel. Riche de plus de 200 arbres, elle est inspirée de celles qui se trouvent en montagne, non loin de la capitale.

 

Paysage méditerranéen

 

À Monaco, MDP a collaboré avec le cabinet de Renzo Piano et Valode & Pistre sur le projet Mareterra, un nouveau quartier de six hectares, livré fin 2024 et conçu comme la prolongation du littoral. "Les dimensions et les continuités physiques de cette zone l'apparentent à une presqu'île naturelle. La considérant comme une 'unité paysagère', un paysage méditerranéen endémique, tel qu'on l'observe aux alentours de Monaco, est reconstitué avec rigueur", explique-t-il.

 

L'agence a œuvré à produire un milieu naturaliste dans un contexte totalement artificiel, en installant un substrat à l'échelle d'un paysage naturel. Pour constituer le paysage, une masse critique de sols fertiles a été nécessaire. Un travail de nivellement très fin a été mené sur les épaisseurs de terre, et les profils de pentes ont été dessinés en cohérence avec le paysage méditerranéen pour permettre la plantation d'arbres de grandes tailles. Tous les "jardins suspendus" sont à retrouver à la Galerie d'architecture.

 

Informations pratiques
Exposition "Michel Desvigne Paysagiste : Jardins suspendus, conversations avec les architectes"
Jusqu'au 17 avril 2025, entrée libre

 

Deux tables rondes sont organisées les 3 et 10 avril 2025, à 19h00.

 

La galerie d'Architecture
11 rue des blancs manteaux, 75004 Paris

 

 

 

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