Autre affaire relatée par les membres de l'OPECST, celle des isolants minces. "Elle est d'une autre nature. C'est ici la bataille entre mesure théorique et mesure in situ. La culture française privilégie le calcul", détaille le député de Meurthe-et-Moselle. Là encore, le vice-président de l'OPECST regrette qu'aucune médiation ne soit intervenue dans ce dossier qui a donné lieu à des procès à répétition depuis 10 ans. L'office parlementaire se montre critique à l'égard du rôle du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) dans le cadre de l'évaluation technique des produits, une condition non obligatoire mais cependant nécessaire pour l'obtention d'assurances et d'aides. Pêle-mêle, le rapport dénonce des procédures aux coûts trop élevés et des délais trop longs, "même si les choses s'améliorent", précise Jean-Yves Le Déaut. "Il existe des barrières de fait pour les produits étrangers et le processus est trop centralisé, bien que la situation évolue avec les plateformes régionales", poursuit-il. Mais la critique principale tient au fait que le CSTB est à la fois prescripteur et prestataire. Une situation qu'Yves Lafarge, ancien président du conseil scientifique du CSTB, résumait ainsi : "Le CSTB est bien au cœur du sujet avec une schizophrénie certaine, puisqu'il contribue à élaborer des normes et qu'il vit de leur vérification…".
L'OPECST propose donc que les activités de CSTB soient dissociées, en transférant la gestion des laboratoires à une nouvelle entité juridiquement distincte, potentiellement nommée "Laboratoires de la physique du bâtiment". Elle reprendrait les activités de recherche en s'intégrant dans un réseau national associant les autres centres français sur les matériaux, les techniques et systèmes du bâtiment, y compris les huit plateformes technologiques du plan Bâtiment durable. Le CSTB pourrait ainsi se recentrer sur ses missions d'évaluation technique, d'expertise et d'information. L'OPECST suggère que son financement soit alors assuré par le Parlement à partir d'une contribution prélevée sur les primes d'assurance versées dans le cadre de la couverture obligatoire prévue par la décennale.
Le moteur de calcul, une boîte opaque
Autre grief, le rôle du CSTB dans l'élaboration du moteur de calcul de la RT 2012. "L'outil de simulation est géré formellement par la DHUP. Mais en réalité, c'est le CSTB qui a la main sur le moteur de calcul où tout nouveau composant doit être intégré par un titre V", explique Marcel Deneux. Le rapport de l'OPECST souligne le comptage imparfait du recours aux EnR mobilisées à travers les équipements du bâtiment, sans prendre en compte la gestion active de l'énergie, l'absence de plafond d'émission de CO2, et les difficultés rencontrées par certaines solutions comme la géothermie, la ventilation double flux ou le solaire thermique. Les deux parlementaires appellent à une refondation de la gestion de ce moteur de calcul en confiant les décisions à un "Haut conseil de l'efficacité énergétique". Ce dernier intégrerait des universitaires, des architectes et d'autres acteurs du bâtiment à travers des collèges nommés par décret sur proposition d'instances représentatives. La DHUP assurerait le secrétariat tandis que le Gouvernement et l'OPECST désigneraient des personnalités qualifiées."Nous jetons un pavé dans la mare", estime Jean-Yves Le Déaut qui cite les propos d'Yves Farge : "Pouvons-nous nous permettre ce luxe, dans un pays où il manque 1 million de logements, où il faudrait rénover 800.000 logements chaque année ? Nous ne pouvons plus nous contenter de changements à la marge (…) Pour cela il faut une volonté politique forte, capable de mettre au pas une administration vivant de la complexification réglementaire…". Plus diplomate, Marcel Deneux conclut : "Nous ne sommes pas naïfs au point de croire que tout changera tout de suite. Il reste beaucoup de frein culturels à lever chez les professionnels".
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