ENTRETIEN. La réforme du Régime social des indépendants (RSI), prévue sur la période 2018-2020, est au milieu du gué. L'occasion pour Sophie Duprez, présidente du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI), de faire un point pour Batiactu sur l'évolution du dossier.
Batiactu : Pourriez-vous nous faire un point sur la réforme du RSI, prévue pour s'étaler sur deux ans (2018-2020) ?
Sophie Duprez : En ce début d'année 2019, nous nous situons au milieu du gué en ce qui concerne l'intégration du Régime social des indépendants (RSI) au régime général. L'entité provisoire "Sécurité sociale des indépendants" (anciennement RSI) perdurera tout au long de l'année 2019, mais disparaîtra définitivement au 31 décembre prochain. Pour autant, les effets de la réforme sont d'ores et déjà concrets : en matière de santé, les nouveaux indépendants établis depuis le début de l'année 2019 sont désormais affiliés à une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Il y a déjà plusieurs centaines d'immatriculations, et nous nous réjouissons de n'avoir pas eu, pour l'instant, de remontées de dysfonctionnements. Il faut dire que les services ont beaucoup travaillé en amont. La colère des assurés diminue, et cela nous donne beaucoup d'espoir.Batiactu : Dans le détail, comment s'organise le CPSTI ?
Sophie Duprez : Nous avons créé des commissions sur plusieurs thèmes : action sociale, médiation (en cas de difficultés économiques rencontrées par des entreprises), communication (afin que chaque assuré ait connaissance de ses droits et du fonctionnement général du dispositif), études (pour analyser les chiffres et les statistiques que nous récolterons). Toutes les organisations professionnelles doivent travailler ensemble au sein du bureau, et chacune dispose d'ailleurs d'un membre pour siéger dans chacune de ces instances.Batiactu : Les représentants des entreprises de proximité (U2P) regrettent que le guichet unique ne soit toujours pas une réalité, alors que c'était une promesse de la réforme... [Lire notre article ici]
Sophie Duprez : Le Régime social des indépendants avait été créé pour instaurer cet interlocuteur unique. Mais cela, c'était la théorie. Dans les faits, l'assuré était baladé entre différents guichets. Nous souhaitons faire en sorte que l'indépendant, dès la première personne qu'il contacte (Urssaf, CPAM, Carsat…), obtienne la réponse à sa question. Il ne doit pas avoir besoin de contacter quelqu'un d'autre. Nous avons toute l'année 2019 pour mettre en place ce fonctionnement. Nous devrons avoir à traiter en amont tous les problèmes afin que la transition en 2020 se fasse sans heurts. Dans cet objectif, le CPSTI va naturellement se réunir à de nombreuses reprises durant cette année et travailler en étroite relation avec les branches du Régime général, qui deviennent gestionnaires des dossiers des indépendants.
Batiactu : Quels sont les principaux objectifs que vous vous êtes fixés au sujet de la refonte de la protection sociale des indépendants ?
Sophie Duprez : Ils sont simples. La première priorité est de rendre plus lisible le calcul des cotisations. De nombreux indépendants ne peuvent pas les calculer eux-mêmes, et il faut reconnaître que c'est parfois compliqué. Deuxième point : nous souhaitons faire évoluer l'assiette des cotisations. Cela ne doit s'appuyer que sur le revenu versé au dirigeant, et non pas sur le bénéfice imposable. Nous voulons gommer la différence qui existe selon que l'on a affaire à une entreprise individuelle ou à une SARL. Enfin, il est prévu que le niveau des cotisations dépende du niveau du revenu actuel de l'assuré, sans décalage dans le temps. Ce décalage a en effet été à l'origine de nombreuses difficultés rencontrées depuis la création du RSI. Par exemple, une fois que la réforme des cotisations sera effective avec l'auto-modulation des déclarations il faudra radier, au bout de six mois, les entreprises qui n'ont pas fait de déclarations de chiffre d'affaires, et ne répondent plus aux courriers, plutôt que de leur infliger le paiement d'une taxation d'office de 15.000 euros en l'absence de toute déclaration.Batiactu : L'Union des entreprises de proximité (U2P) a fait savoir son mécontentement à l'issue de votre élection. L'organisation craint d'être mise sur la touche. Que leur répondez-vous ?
Sophie Duprez : Le fonctionnement du CPSTI a été validé à la quasi-unanimité par l'ensemble des personnes y siégeant, y compris les entreprises de proximité. Peut-être que l'U2P a ressenti un peu d'amertume à la suite de mon élection ? Quoi qu'il en soit, nous souhaitons travailler avec tout le monde, y compris évidemment l'U2P, à laquelle nous avons réservé des places dans toutes nos instances. Nous ne souhaitons pas que des clivages apparaissent.Batiactu : D'autres craignent une hausse des taux de cotisation pour les indépendants du fait de l'adossement de la SSI au régime général. Que leur répondez-vous ?
Sophie Duprez : Nous espérons au contraire pouvoir faire baisser les charges pesant sur les indépendants ! Nous allons travailler avec notre commission des études techniques pour faire des propositions aux pouvoirs publics allant dans ce sens. Il est en effet prévu que le CPSTI puisse faire "toute proposition de modification législative ou réglementaire au ministre chargé de la Sécurité sociale, qui peut également le saisir de toute question relative à la protection sociale des travailleurs indépendants".Batiactu : Quel message souhaitez-vous faire passer aux indépendants qui sont au sein de la SSI, à l'aube de cette année de transition ?
Sophie Duprez : Ils doivent nous faire remonter, le plus rapidement possible, toutes les difficultés qu'ils rencontreraient pour que nous puissions en tenir compte. Qu'ils sachent que nous ferons le maximum pour que la transition vers le régime général se déroule bien. Notamment en prenant garde à ce que les Urssaf, qui auront en charge, à compter du 1er janvier 2020, l'instruction des dossiers d'action sociale des cotisants, fassent bien du social et pas uniquement du recouvrement. Ou encore, en prenant garde à ce que le 'trésor de guerre' des indépendants, à savoir les 17 milliards d'euros de cotisations retraite complémentaire, acquis à la sueur de leur front, soit bien à leur bénéfice.