ECLAIRAGE. Le ministère de l'Economie a présenté ce mercredi la réforme du prélèvement de l'impôt à la source, prévue pour le 1er janvier 2018. Parmi les nouveautés, la création d'un taux neutre pour sauvegarder la confidentialité des ressources des salariés.
Ça se précise. Alors que le prélèvement à la source doit entrer en vigueur au 1er janvier 2018, Bercy vient de publier, dimanche 30 juillet 2016, un deuxième point d'étape dans lequel il explique le futur dispositif. Ce document fait suite aux échanges avec les partenaires sociaux et les acteurs institutionnels et associatifs. En mai dernier, un sondage révélait en effet que 54% des chefs d'entreprises étaient inquiets de la mise en place de l'impôt à la source. Plus récemment, Jacques Chanut parlait même de "vraie mauvaise idée" et dénonçait notamment un manque de confidentialité. Pour répondre à cette crainte, Bercy annonce la possibilité, pour les salariés qui souhaitent que leur entreprise ne connaisse pas leur imposition réelle, d'opter pour un taux neutre.
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Le taux neutre
Les salariés qui le souhaitent pourront refuser que l'administration fiscale transmette leur taux d'imposition à leur entreprise. A ce moment-là, l'employeur appliquera un taux neutre, calculé sur la base du montant de la rémunération versée au salarié et basé sur un barème semblable à celui appliqué pour une personne célibataire sans enfant. Le ministère précise cependant que pour les salariés touchant moins de 1.361 € net par mois, l'application de ce taux sera nul pour tenir compte du fait que ces personnes ne sont en général pas imposables.
Pourquoi le demander ? Comment ça marche ? Les raisons dépendent de chacun mais globalement cela concernera essentiellement les contribuables dont le taux d'imposition est plus élevé qu'il ne devrait. Par exemple, un salarié touchant des revenus fonciers peut avoir un taux d'imposition élevé et ne pas vouloir que son entreprise le sache. Bercy prend l'exemple d'un salarié de 30 ans gagnant 2.000 € net par mois et percevant un revenu foncier mensuel de 1.500 €. Son imposition est donc de 14,9% (pour un impôt annuel de 6.241 €). Ce taux sera alors appliqué sur sa fiche de paie sauf s'il demande le taux neutre. Dans ce cas, alors, l'administration fiscale communiquera un taux de 9% (dans ce cas présent, compte tenu de son salaire) à l'employeur. Mais l'application de cette option ne modifie pas le montant de l'impôt. Le salarié devra alors verser chaque mois le restant dû directement à l'administration fiscale.Si la question de la confidentialité préoccupe nombre d'entreprises et de contribuables, Bercy rappelle toutefois que 90% des Français sont imposés entre 0 et 10% et que derrière un même taux se trouvent des situations bien différentes.
Indépendants et bailleurs : des acomptes facilement actualisables
Quant aux indépendants et aux bénéficiaires de revenus fonciers, avec cette réforme ils paieront leur impôt sur le revenu via des acomptes calculés par l'administration sur la base de la situation passée et prélevés mensuellement ou trimestriellement. Le document précise que "ces acomptes correspondront aux prélèvements actuellement à leur charge, sous réserve, pour les acomptes mensuels, d'un étalement sur douze mois et non sur dix". En cas de forte variation des revenus, ils pourront être actualisés à l'initiative du contribuable en cours d'année, dans les mêmes conditions que le prélèvement à la source applicable aux revenus versés par un tiers.
Une collecte simplifiée selon Bercy
Face à l'inquiétude des chefs d'entreprises pour la mise en place de cette réforme, le ministère des Finances vante la simplicité du dispositif. Ainsi, il est prévu que l'administration fiscale calcule le taux de prélèvement et continue d'être "responsable de la collecte de l'impôt". Sur ce point, Jacques Chanut nous avait d'ailleurs confiés, début juillet, qu'il estimait que l'Etat prenait l'entreprise "comme un auxiliaire, contraint et gratuit".
Ensuite, les entreprises recevront par le même système informatique que celui par lequel elles transmettent la déclaration sociale nominative (DSN), le taux de prélèvement à appliquer sur le salaire. Comme pour les taux de cotisations sociales, l'introduction du taux de prélèvement sur le salaire se fera directement via le logiciel de paie, assure Bercy. Et face aux critiques jugeant cette mesure complexe et chère pour les entreprises, il annonce aussi qu'une "concertation a été menée avec les éditeurs de logiciels pour que la collecte soit la plus aisée et la moins couteuse possible". Bercy estime même que cette collecte permettra aux entreprises de bénéficier d'un "effet positif sur leur trésorerie de 8 jours, 15 jours ou 3 mois" selon leur taille.
Quid des revenus 2017
En 2017, les contribuables déclareront leurs revenus 2016. Et dès le 1er janvier 2018, ils seront directement prélevés sur leur salaire pour leurs revenus de 2018 donc. Mais alors, quand payer les impôts de 2017 ? Il n'y aura pas de double imposition assure Bercy. En revanche, le ministère refuse de parler d'année blanche. Mais dans les faits, les salariés ne paieront pas vraiment ceux 2017. "La loi prévoira des garde-fous pour éviter que les contribuables qui peuvent le faire ne gonflent artificiellement leurs revenus de 2017 ou ne reportent des dépenses déductibles par exemple la rénovation d'un logement) sur 2018", a expliqué le ministre des Finances, Michel Sapin, au Journal du Dimanche. Ainsi, les revenus 2017 devront être déclarés et les recettes exceptionnelles feront l'objet d'un prélèvement distinct en 2018. Par ailleurs, le bénéfice des réductions et crédit d'impôts acquis en 2017 sera maintenu et ils seront versés au moment du solde de l'impôt à la fin de l'été 2018.
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Ce qui ne change pas
Bercy rappelle enfin que cette réforme ne modifie pas les règles de calcul de l'impôt. Ainsi, le barème de l'impôt n'est pas modifié et restera progressif. L'impôt prendra toujours en compte l'ensemble des revenus perçus par un foyer, la familiarisation et la conjugalisation seront conservées. Le ministère des Finances précise aussi que l'imputation de réduction et l'octroi de crédits d'impôts seront maintenus ainsi que la déclaration de revenus et l'avis d'imposition.
Mais avant que cette réforme ne soit appliquée, le texte sera soumis aux parlementaires dans la deuxième quinzaine d'août, selon Bercy et inscrit dans le projet de loi de finances 2017, examiné à l'automne.