MÉTIER. Trois jeunes ont travaillé durant six mois sur une maquette de la charpente de la cathédrale Notre-Dame de Paris, similaire à celle endommagée par l'incendie de 2019. Le modèle souligne la noblesse des métiers des compagnons, qui allient tradition et modernité.
Trois itinérants du Tour de France ont reproduit sous forme de maquette la charpente de Notre-Dame de Paris, une façon de rendre hommage à la cathédrale et de célébrer le savoir-faire si particulier des charpentiers qui ont bâti cet ouvrage. Armand Dumesnil, Yann Férotin et Valentin Pontarollo ont travaillé environ 3.500 heures pour réaliser ce modèle, intitulé "La forêt", exposé en ce moment dans le cadre de l'expérience immersive "Éternelle Notre-Dame" à l'Espace Grande Arche de la Défense.
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C'est à Charritte-de-Bas, une commune du Pays basque, que les compagnons ont réalisé ce projet, sous l'œil avisé du charpentier Jean-Michel Hourcade, qui a officié comme "gâcheur" (chef de chantier). La maquette a été construite à l'échelle 1/20e. C'est une copie similaire à celle de la cathédrale, qui se veut être dans l'esprit de la charpente d'origine, en respectant le trait de celle-ci. S'il a été impossible de la refaire à l'identique car les archives montraient des variantes, les compagnons se sont attachés à concevoir la maquette en assurant les reprises de charge originelles.
L'idée du projet a été validée en mai 2019, quelques semaines après le drame de la cathédrale. Les trois compagnons se sont réparti les tâches et ont ensuite tracé le plan de la charpente. Jean-Michel Hourcade a, lui, mené un important travail de recherche d'archives pour faire tracer différentes épures par Cadwork, un logiciel de conception 3D pour la charpente. "Le chantier a débuté en septembre 2019", raconte Armand Dumesnil, à la conférence de presse présentant la maquette ce lundi 21 février. "Yann s'est occupé de la flèche, et Valentin et moi de la partie basse de la charpente."
Six mois de travail
Du chêne a été choisi pour réaliser ce projet. Le raccord de la flèche à la charpente a été un travail délicat, en raison de la grande portée des fermes. La conception de la charpente a été faite sur poteaux, laissant ainsi les voûtes passer entre les entrejambes. "La partie la plus compliquée à fabriquer était la première, toute la structure qui vient soutenir les arêtiers", confie à Batiactu Valentin Pontarollo. "Il y a beaucoup de pièces de bois qui se croisent. Il fallait que tous nos assemblages soient réglés, de sorte à ce que nos pièces de bois reçoivent les efforts correctement."
Des statues modélisées en 3D et confectionnées par une machine à commandes numériques ont été ajoutées. Le projet a également nécessité le travail d'autres compagnons, tels que des charpentiers, menuisiers ou encore des peintres. "La maquette a été terminée en six mois, en travaillant les soirs et les week-ends", explique Armand Dumesnil, qui précise que les itinérants travaillaient pour leurs employeurs respectifs les jours de semaine.
Réaliser la charpente de Notre-Dame de Paris, un "rêve"
Tous trois ont été "émus" par l'incendie qui a ravagé une partie de la cathédrale le 15 avril 2019. "Tout le monde a dans son cœur l'envie de travailler sur le chantier de la cathédrale", confirme Valentin Pontarollo. L'itinérant s'est pris de passion pour ce métier, qu'il a découvert après ses études d'ingénieur. "J'ai fait une reconversion en suivant un CAP charpente. L'entreprise dans laquelle j'ai effectué mon apprentissage m'a proposé un contrat au bout d'un an mais je n'avais pas envie d'en rester là. Je voulais aller plus loin dans l'apprentissage, notamment dans l'art de dessiner la charpente. Un art qui se transmet depuis des siècles."
Son formateur, lui-même compagnon, lui propose de partir et de devenir itinérant du Tour de France. "J'ai tout de suite accroché, l'aventure m'a confirmé ce que mon formateur m'avait raconté." Il décrit l'expérience du Tour comme quelque chose de "phénoménale", où les jeunes sont quotidiennement en contact avec des professionnels. "C'est ce qui me plaît", avoue-t-il. Mener ce projet a été un moment "d'échange et de méditation" pour le jeune homme, qui souligne sa joie d'avoir pu travailler "côte à côte" avec d'autres itinérants, en "se serrant les coudes".
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Les compagnons sont avant tout "des bâtisseurs de compétences", témoigne Sylvain Magniat, président de la Fédération nationale des compagnons du Tour de France. La fédération agit pour l'insertion professionnelle, en accueillant des personnes de tous horizons, des migrants aux demandeurs d'emploi. Elle dit également s'attacher à les sensibiliser à l'écoconception et au développement durable. "De plus en plus d'hommes et de femmes nous rejoignent pour changer de voie, donner un autre sens à leur vie et réaliser quelque chose de concret." De son côté, Pascal Jacob, à la tête de l'association Restaurons Notre-Dame, se félicite du travail réalisé par ces trois compagnons. "L'idée en découvrant ce chef-d'œuvre est de véhiculer une image positive de la cathédrale et de montrer les métiers qui assureront le trait et le montage de la charpente."
Yann Férotin, Provençal la Sérénité
Valentin Pontarollo, Bressan la Confiance