ENQUÊTE. La crise inflationniste touche l'ensemble des artisans du bâtiment, mais certains segments d'activité sont davantage touchés que d'autres. La profession attend ainsi avec "impatience" les "Assises du bâtiment" promises par le gouvernement.
"Nous ne sommes pas complotistes, mais il semblerait que oui." C'est la réponse, teintée d'humour, du président de la Capeb, Jean-Christophe Repon, questionné sur le fait que certains distributeurs ou fabricants de matériaux profiteraient du contexte inflationniste pour augmenter leurs marges. Alors même que celles des artisans du bâtiment, selon la dernière enquête d'opinion réalisée par la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment, semblent maigrir à vue d'œil : 40% des sondés déclaraient ainsi une moindre rentabilité au premier trimestre 2022 (5%, une hausse de la rentabilité), selon des chiffres présentés par le syndicat professionnel lors d'une conférence de presse qui s'est tenue dans ses locaux parisiens, le 12 mai 2022.
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L'apparition d'une multitude de frais annexes
Les TPE du bâtiment, en bout de chaîne juste avant le client final, récoltent de leurs fournisseurs des matériels et matériaux à des prix de plus en plus onéreux, sans toujours répercuter la totalité de la hausse des prix dans leurs devis. Le risque serait en effet, en annonçant un tarif trop élevé à un client particulier, de le perdre. Avec, assure la Capeb, en bonus, l'apparition récente d'une multitude de petits frais annexes, qui n'existaient pas auparavant ; par exemple, l'ajout d'une ligne de coût pour les palettes.
Des "Assises du bâtiment" très attendues
La Capeb compte bien profiter de la tenue des prochaines "Assises du bâtiment" annoncées par les pouvoirs publics pour porter des messages au plus haut niveau. L'État, selon les artisans, devrait inciter l'ensemble de la chaîne de valeur, à commencer par les industriels et les distributeurs, à davantage jouer le jeu, dans l'esprit du comité de crise BTP et des travaux de la médiation des entreprises. "Nous demandons davantage de transparence au niveau des prix", avance également Jean-Christophe Repon. "Que l'on nous explique clairement ce qui ressort de la hausse des prix de l'énergie, de la guerre en Ukraine : nous voudrions comprendre." Si les appels à la solidarité sont nombreux au sein de la filière, "nous attendons des preuves d'amour de cette solidarité", avance-t-il, taquin.
La Capeb reviendra à la charge sur la TVA
L'organisation patronale a, récemment, cosigné avec sept de ses partenaires distributeurs et industriels, un pacte de solidarité de filière. Cette idée de valoriser les acteurs qui jouent le jeu a visiblement interpellé le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet. "J'espère que cette idée fera son chemin", exprime le patron de la Capeb. "Nous ne cherchons pas à stigmatiser qui que ce soit : nous souhaitons que le gouvernement parle aux acteurs." Les artisans du bâtiment profiteront des Assises à venir pour avancer d'autres propositions destinées à ne pas bloquer le marché dans ce contexte inflationniste, comme un chèque rénovation énergétique pour les ménages, une hausse de certains barèmes MaPrimeRénov', ou encore une modification du taux réduit de TVA.
Une hausse de 18% constatée au premier trimestre 2022
Quels corps de métiers, parmi les artisans du bâtiment, supportent les plus fortes hausses de prix ? Et quelle part de ces hausses sont répercutées dans le prix final ? La Capeb a sondé 1.700 entreprises artisanales du bâtiment, avec la société Xerfi, de manière à s'en faire une idée.
Tous segments d'activité confondus, les TPE du bâtiment font état d'une hausse de 18% du prix des matériaux au premier trimestre 2022 - à quoi il faut ajouter les 18% de hausse constatés sur l'année 2021. Une situation qui n'est évidemment pas neutre, puisqu'en moyenne le poids des achats de matériaux et matériels représente 30% des charges dans ces sociétés.
Dans le détail, sur la période, la menuiserie-serrurerie supporte la plus forte hausse, avec 21,5% d'augmentation. Suivent la maçonnerie-entreprise générale (+19,4%), la couverture-plomberie-chauffage (+17%), et à égalité l'aménagement-décoration-plâtrerie et l'électricité (+16,4%).
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Les secteurs à avoir le plus répercuté les hausses de prix dans leurs devis sont les électriciens (75%), déjà habitués en temps normal à tenir compte des évolutions des prix de certains métaux. Suivent les menuisiers (72%), la CVC (68%), les maçons (54%) et l'aménagement-décoration-plâtrerie (46%). Mais quelle part de la hausse de prix est répercutée ? Au mieux, 59% de celle-ci chez les menuisiers, 57% chez les électriciens, 45% en CVC, 37% en maçonnerie et 33% en aménagement-décoration-plâtrerie.
D'où le fait que Jean-Christophe Repon assure attendre avec "impatience" le rendez-vous de filière promis par les pouvoirs publics.