CONJONCTURE. La crise russo-ukrainienne risque d'aggraver les difficultés d'approvisionnement en ressources premières et l'inflation qui va avec, exposant encore un peu plus les trésoreries des entreprises du bâtiment. Interpellé sur le sujet, Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB), demande "un moratoire sur toutes les normes" en attendant que la situation s'améliore.

La construction risque-t-elle de faire les frais de la guerre russo-ukrainienne ? Déjà confrontés depuis la crise sanitaire à des difficultés d'approvisionnement en ressources premières et aux hausses de prix qui les accompagnent, les professionnels du secteur se prépareraient maintenant à une nouvelle aggravation de leur trésorerie causée par le déclenchement du conflit aux portes de l'Europe. L'inflation de certains produits a effectivement atteint dès 2021 des sommets ahurissants, si l'on en croit les chiffres avancés par la FFB (Fédération française du bâtiment) : +90% pour l'acier, un triplement pour le bois, entre +30% à +60% pour les peintures et PVC...

 

 

Moins de brames d'acier et moins de fils béton

 

À quoi est venue s'ajouter la crise des prix énergétiques causée par la reprise économique mondiale, avec une explosion des prix de l'électricité et du gaz qui ont obligé le gouvernement français à prendre des mesures pour limiter les hausses de prix. C'est donc dans un contexte déjà très troublé que les entreprises doivent maintenant composer avec la guerre à l'Est, ce qui fait dire à Olivier Salleron, le président de la fédération, que la filière est face à "un éternel recommencement".

 

"On sait très bien que l'Ukraine, la Russie, la Biélorussie sont de forts producteurs d'acier mais aussi de minerais, d'aluminium, de cobalt, etc. Ce qui nous intéresse aujourd'hui, c'est l'acier. Pourquoi ? Parce que les fonderies ukrainiennes ne produisent évidemment plus de brames d'acier, c'est-à-dire de grosses quantités d'acier un peu grossières qu'elles livrent à un très gros fournisseur de la France basé en Italie, la société Riva, qui elle fabrique des filières, c'est-à-dire des fils béton pour les armatures", a-t-il expliqué au micro de BFM Business le 8 mars.

 

Et de mettre en garde sur les conséquences techniques et, par extension, économiques pour les entreprises du secteur : "Quand on construit un bâtiment lourd, haut et puissant, évidemment il faut qu'il soit armaturé, donc il faut qu'il y ait de l'acier à l'intérieur. Si jamais on ne peut pas faire de fondations, si jamais on ne peut pas monter les poteaux avec de l'acier, du béton ou autre (...), demain nous pourrions être très fortement impactés au niveau de la pénurie."

 

"Un coup de pouce momentané sur quelques années pour aider nos concitoyens à mieux se loger"

 

Rappelant que "80% de nos prix sont non révisables", Olivier Salleron craint "des pertes" et "des bilans dégradés" dans les comptes des entreprises. Le président de la FFB a aussi estimé que la résilience du secteur, qui se traduirait notamment par les 70.000 recrutements effectués en deux ans, ne pourra toutefois pas perdurer si cette nouvelle crise se concrétise. "C'est peut-être la troisième lame qui va nous mettre un genou à terre", s'est-il encore alarmé. "Les prix vont continuer à augmenter, donc au bout on ne trouvera pas de client final et le bâtiment va s'écrouler."

 

La hausse généralisée des prix du bâtiment pourrait de surcroît entraîner un renchérissement du coût du logement, ce qui ne serait pas non plus une bonne nouvelle pour le portefeuille des Français. Une solution pourrait alors consister à mettre en place "un coup de pouce momentané sur quelques années pour aider nos concitoyens à mieux se loger car la pénurie de logements est encore là". L'occasion pour Olivier Salleron de rappeler l'intérêt d'atteindre l'objectif de 500.000 logements construits par an, ce qui éviterait des "conséquences dramatiques au niveau social".

 

Multiplier Ma prime rénov' par 2 voire par 3 ?

 

Le dirigeant a en outre épinglé la Réglementation environnementale 2020, qui participerait aussi de la hausse des coûts. Selon lui, les normes de la Réglementation thermique 2012 "n'étaient pas si mauvaises" en comparaison à celles édictées à la même époque par les autres pays européens, et la nouvelle couche que représente la RE2020 va demander du temps et des coûts avant d'être parfaitement intégrée par les professionnels. D'où la demande de la FFB d'instaurer "un moratoire sur toutes les normes" tout en "mettant le paquet" sur la rénovation énergétique : "Aujourd'hui on peut doubler, tripler Ma prime rénov' si et seulement si, il y a des aides pour les particuliers".

 

La relance de la construction est revenue une nouvelle fois au coeur de la discussion, comme réponse à la démographie croissante et au besoin de loger de manière abordable l'ensemble de la population. Si un certain nombre de logements vides et de résidences secondaires se trouvent dans la fameuse "diagonale du vide", c'est surtout dans les métropoles et grandes agglomérations, proches des bassins d'emplois, que les Français ont besoin de se loger.

 

 

"Il nous faut une politique de l'offre du logement"

 

"Il faut des mesures pour que les Français primo-accédants, les jeunes ménages aient un avantage fiscal", a insisté Olivier Salleron, citant par exemple des prêts à taux zéro plus "généreux" et une simplification des permis de construire pour le logement collectif, "qui s'écroule". Autrement dit, le retour d'une politique de l'offre : "C'est la politique qu'on nous a promise il y a 5 ans mais qu'on n'a pas eu ; à partir du mois de juin, il nous faut donc une politique de l'offre du logement, parce que se nourrir et se loger sont les besoins primaires de tout être humain", a-t-il conclu.

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