ARCHITECTURE. Après avoir expérimenté ce concept à Singapour, le cabinet Safdie Architects monte d'un cran : pour la ville chinoise de Chongqing, il a imaginé un ensemble de quatre tours supportant une vaste promenade plantée qui les relie à 250 mètres du sol. Découverte.
L'idée n'est pas de densifier à outrance une mégalopole de 33 millions d'habitants. Mais au contraire d'offrir aux résidents un espace hors de l'espace et du temps, comme suspendu. Moshe Safdie a déjà développé le concept de structure horizontale soutenue par des tours à Singapour, où l'énorme complexe hôtelier Marina Bay Sands a été inauguré en 2010. Mais pour le projet Raffles City, l'architecte d'origine israélienne établi au Canada, est allé plus loin et plus haut. Là où le SkyGarden venait couronner trois tours incurvées, inspirées de jeux de cartes, le Sky Conservatory voulu pour Chongqing repose sur quatre gratte-ciel de 250 mètres de hauteur, dont deux se prolongent encore sur 100 mètres, en faisant les plus hautes tours d'habitation de Chine !
En résulte un incroyable ensemble totalisant 1,12 million de mètres carrés mêlant habitation, hôtellerie, bureaux et pôle de transport multimodal dans son piédestal. "Raffles City", porté par CapitaLand, s'établit en plus sur un site très particulier pour Chongqing : Chaotianmen, au confluent du fleuve Yangzi Jiang et de la rivière Jialing, en plein cœur de la ville. Le cabinet Safdie explique : "Nous avons soigneusement étudié et intégré l'organisation des rues de la ville, en utilisant celle des rues commerçantes historiques pour nous aider à mettre de l'ordre dans la programmation complexe du projet". Une artère interne traverse donc l'édifice afin de le connecter aux espaces publics alentours.
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Un socle paysager pour rappeler les collines du Sichuan
La ville de Chongqing présente une topographie particulière, liée à la présence des grands cours d'eau, et composée uniquement de collines escarpées qui rendent. Les coupures humides rendent difficiles les franchissements, tandis que les reliefs interdisent l'usage du vélo comme dans les autres mégalopoles chinoises. Corollaire : la ville, située en zone subtropicale, subit un climat à la fois chaud et humide qui entraîne la formation de fréquentes nappes de brouillard ainsi qu'une pollution atmosphérique chronique… Le podium de Raffles City incorpore un véritable nœud de communications, avec station de métro, de bus et terminal de ferries et se trouve revêtu d'un parc public et de résidences privées munies de leurs propres jardins.
Des espaces immenses en cœur de capitale régionale
La structure située à la base, qui s'élève sur 6 niveaux, doit abriter 230.000 m² d'espaces commerciaux, afin de répondre à la demande frénétique d'une population dont le niveau de vie ne cesse de grimper. S'y ajoutent les huit tours (dont quatre connectées par le Sky Conservatory) qui permettront d'installer 160.000 m² d'espaces tertiaires de luxe plus 1.400 appartements de standing, ainsi qu'un hôtel. En tout, le complexe occupe 9,2 hectares de terrain, à deux pas du quartier central des affaires de Jiefangbei.
Une ville suspendue à 250 mètres du sol
A la façon du château dans les nuages, le pont qui relie les quatre tours, est bien éloigné du sol. Et il s'étire en courbe sur 280 mètres de longueur. Outre une belle vue sur la ville-montagne et ses deux cours d'eau (les jours de beau temps), les lieux offriront divers loisirs, comme une piscine, une promenade plantée et plusieurs restaurants permettant de s'échapper quelques instants de la cité en contrebas.
Une réelle recherche de qualité environnementale
La construction de cet énorme ensemble de huit tours sur piédestal plus incroyable plateforme panoramique qui les relie répond tout de même à des impératifs environnementaux. Le projet Raffles City doit en effet obtenir la certification LEED-CS (Leadership in Energy & Environmental Design - Core & Shell) et une pré-certification niveau Gold accordée par l'US Green Building Council. Une première pour un complexe de cette ampleur.
Une nouvelle forme d'urbanisme
La passerelle suspendue ne constituera pas qu'une connexion entre les quatre plus hautes tours mais comprendra une programmation propre et complète, avec des rues, des constructions et des jardins. Le montage de cette structure est en cours depuis la fin de 2017. Des sections de 10.000 m² sont hissées au moyen d'élévateurs hydrauliques parfaitement synchronisés, supportés par les gratte-ciel.
Un chantier bientôt achevé
Débutée voilà 5 ans, la construction de l'immense ensemble est terminée à environ 80 % lors de l'été 2018. La livraison est attendue pour le deuxième trimestre de 2019. L'investissement consenti par CapitaLand Limited, qui a déjà développé de grands complexes mixtes résidence-bureaux-hôtels à Singapour et Hangzhou, dépasserait le montant colossal de 4,2 milliards d'euros !
Fiche technique
Marina Bay Sands (Singapour)
Difficile de ne pas voir la patte de Safdie Architects dans cet autre création suspendue : le complexe touristique Marina Bay Sands de Singapour. Là encore, une structure courbe et arborée relie de hautes tours incurvées.
La folie des hauteurs
Safdie Architects a également envisagé de multiples passerelles et terrasses pour l'opération Sky Habitat, toujours à Singapour.
Maître d'œuvre : Safdie Architects (avec P&T Group International Ltd pour l'exécution)
Bureaux d'ingénierie : Arup (structure), Parsons Brinckerhoff (MEP), ALT (façades), Williams, Asselin, Ackaoui & Associates (paysage), CL3 Architects (intérieurs hôtel), The Buchan Group (intérieur centre commercial)
Superficie : 1,12 millions de m² dont 817.000 m² bâtis (y compris 230.000 m² de commerces, et 160.000 m² de bureaux)
Hauteur : 350 mètres au maximum pour deux tours, 250 mètres pour le Sky Conservatory
Budget : 4,21 milliards d'euros