DURABILITÉ. Le gouvernement a proposé à une trentaine de grandes entreprises d'agir pour transformer leurs activités logistiques en une démarche plus vertueuse. Si deux chartes ont été signées à cet effet, cela intervient alors que de plus en plus de contestations contre de nouveaux projets d'entrepôts fleurissent dans l'hexagone.

C'est un petit pas pour la réduction des émissions carbone. Deux chartes d'engagements sur six ans ont été signées le 28 juillet par une trentaine d'acteurs de la filière pour diminuer l'impact environnemental de l'immobilier logistique et du e-commerce, ont annoncé les ministères de l'Économie et de la Transition écologique. Alors que la crise du coronavirus a accéléré l'achat de produits en ligne, le gouvernement espère voir le paysage des entrepôts en France se transformer, pour accueillir la construction de sites plus performants sur le plan environnemental et "mieux répondre aux besoins des territoires".

 

Des panneaux photovoltaïques sur 50% de la toiture

 

Cdiscount, Ebay, Fnac Darty ou encore Maisons du Monde… Ces entreprises signataires ont accepté de mettre en place un certain nombre de mesures, parmi lesquelles la garantie de couvrir 50% de leur surface de toiture avec des panneaux photovoltaïques. Elles se doivent également de privilégier l'installation d'entrepôts sur des friches existantes, plutôt que sur des terres non artificialisées. Les géants du commerce en ligne vont également infiltrer 100% des eaux pluviales au plus près de leur lieu de chute. Le but ? "Limiter la saturation des réseaux d'eaux pluviales et éviter des ruissellements qui peuvent aggraver les inondations", a indiqué le ministère de la Transition écologique, dans une conférence de presse à laquelle Batiactu a assistée.

 

Des haies champêtres composées d'arbres et d'arbustes sur un linéaire au moins équivalent à 50% de la limite de propriété vont également être plantées. La majorité doit être composée d'essences favorables aux pollinisateurs. Un engagement qui s'inscrit dans le plan gouvernemental de protection des pollinisateurs. Enfin, les sociétés devront remettre préalablement à l'autorisation administrative pour les entrepôts supérieurs à 20.000 m2, une étude écologique du site réalisée par un écologue. Ils devront mettre en œuvre les recommandations tout au long de la vie du projet. "Le secteur du e-commerce et de la logistique, une part dynamique de l'économie française, a des responsabilités particulières", a affirmé Cédric O, secrétaire d'Etat chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, à cette conférence de presse. Le géant Amazon n'a pas souhaité signer ces chartes.

 

Des dimensions d'emballage cohérentes avec les produits commandés

 

Showroom Privé, Rakuten et leurs confrères s'engagent également à réduire leur volume d'emballages de livraison et à regrouper systématiquement les expéditions d'un même consommateur en même temps. "Deux modalités de livraison différentes seront proposées aux acheteurs, avec un mode de livraison moins impactant pour l'environnement", a précisé Cédric O. Le gouvernement souhaite s'assurer que les nombres de retours produits seront diminués. "C'est aujourd'hui l'un des plus gros impacts du e-commerce", a-t-il assuré. Les acteurs s'engagent à ne pas conseiller à leurs clients de commander un même produit dans plusieurs tailles mais de plutôt mettre en place un guide des tailles. Les entreprises identifieront également, dans leur catalogue, les produits qui possèdent le meilleur bilan environnemental, comme ceux d'occasion ou fabriqués à partir de matières recyclées.

 

Interrogé sur la volonté de l'Etat d'opter pour une logique incitative plutôt que réglementaire ou punitive, Cédric O a justifié ce choix en affirmant que l'Etat réussit ainsi à aller plus loin dans une démarche vertueuse que si cette volonté s'inscrivait dans un cadre normatif. Il espère désormais que d'autres acteurs de la filière se joignent à cette démarche. Il a également voulu rappeler qu'un premier comité interministériel pour la logistique s'est tenu en décembre 2020, établissant une quinzaine de mesures pour la décarbonation de la logistique et des entrepôts.

 

D'une durée de six ans, ces chartes pourront être "complétées à mi-parcours, du côté de l'Etat ou de l'entreprise", indique Cédric O. Un comité de suivi vérifiera le respect des engagements des signataires et ceux-ci pourront être retirés de la charte en cas de non-respect.

 

Six ans d'engagement

 

Du côté du gouvernement, il s'engage à accompagner ces acteurs dans l'atteinte de leurs engagements, à mettre à disposition un inventaire de friches, tout comme à renseigner les entreprises sur les sites propices à l'accueil d'activités logistiques. Des conférences régionales de la logistique seront organisées, d'ici la fin de l'année, pour discuter des besoins des territoires en matière d'immobilier logistique.

 

Les enjeux environnementaux et économiques seront notamment abordés. Enfin, l'Etat devra "clarifier le droit applicable aux porteurs de projets, notamment au regard des simplifications apportées par la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) et en réponse aux interrogations remontées par les professionnels" de la filière.

 

 

Des objections de plus en plus nombreuses

 

Cette annonce gouvernementale prend effet alors que le débat sur l'installation de nouveaux sites de logistique bat son plein en France ces derniers mois. Les contestations se sont, en effet, multipliées, à l'image de celle concernant la construction d'un entrepôt de logistique de près de 70.000 mètres carrés dans le Tarn. Les opposants au projet, qui le jugent "démesuré", ont saisi la justice le 26 juillet. Un peu plus tôt dans l'année, des opposants à un vaste entrepôt pour Amazon, près de Rouen, ont déposé un recours contre ce projet, en avril dernier.

 

Ce qui inquiète les principaux contestataires de ce type de constructions, c'est l'artificialisation des sols, qui a des conséquences sur l'environnement et sur la vie des habitants. Les risques d'inondations sont accrus, tout comme la possibilité de faire augmenter les températures, accélérant, de ce fait, le réchauffement climatique. Le ministère de la Transition écologique avait même qualifié l'artificialisation des sols comme "l'une des causes premières du changement climatique et de l'érosion de la biodiversité".

 

Mi-avril, un débat houleux à coup d'amendements sur la loi climat avait chamboulé l'Assemblée nationale. La loi, finalement adoptée le 20 juillet, prévoit de diviser par deux l'artificialisation des sols sur les dix prochaines années mais ne concerne pas les plateformes de e-commerce, qui ne représentent "que 1% de l'artificialisation des sols", a clamé en avril la ministre du Logement Emmanuelle Wargon. Cédric O a jugé, lors de la conférence de presse du 27 juillet, que les élus se devraient d'atteindre les objectifs fixés par la loi, afin de réduire les risques d'étalement urbain.

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