DIALOGUE. Le Premier ministre Édouard Philippe, accompagné de plusieurs membres du Gouvernement, a reçu les présidents de régions afin de s'accorder sur "une nouvelle méthode de travail", et s'est également prononcé sur plusieurs engagements financiers.

Après une actualité pour le moins mouvementée ces derniers mois, les relations entre l'Etat et les régions commenceraient-elles à s'améliorer ? C'est probablement ce qu'espèrent le Gouvernement et les élus locaux rassemblés au sein de l'organisation Régions de France. Vendredi 19 octobre, le Premier ministre Edouard Philippe a reçu à déjeuner les présidents des conseils régionaux et des collectivités de Corse et d'Outre-Mer, en compagnie de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales ; Sébastien Lecornu, ministre auprès de Jacqueline Gourault chargé des collectivités ; Annick Girardin, ministre des Outre-Mer ; Muriel Pénicaud, ministre du Travail ; Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse ; et Nathalie Loiseau, ministre chargée des Affaires européennes.

 

Des réunions de travail plus fréquentes

 

Selon le communiqué de Matignon, cette entrevue a permis au Gouvernement et aux présidents de régions de s'accorder "sur la mise en place d'une nouvelle méthode de travail", suite à un "dialogue nourri et franc". Dans les faits, cela va se traduire par des réunions plus fréquentes entre les principaux intéressés, à raison de trois fois par an, sous la houlette d'Edouard Philippe. En revanche, les ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu organiseront des échanges de manière bien plus régulière avec les élus locaux : tous les deux mois, un ordre du jour arrêté conjointement permettra aux deux camps de débattre des dossiers du moment. De son côté, Annick Girardin pilotera des réunions spécifiques avec les collectivités d'Outre-Mer. Matignon l'affirme : "Les régions seront associées à l'élaboration des politiques publiques qui les concernent". Les sujets abordés dans le cadre de ces réflexions seront également partagés lors de la fameuse Conférence nationale des territoires (CNT).

 

Des engagements financiers de l'Etat

 

Mais au terme de ce déjeuner, le Gouvernement a aussi acté plusieurs engagements : en premier lieu, Edouard Philippe a indiqué que l'article 26 du projet de loi de Finances 2019 serait finalement supprimé. Pour rappel, cet article instituait un mécanisme d'ajustement du fonds de compensation de la TVA aux régions, partant du fait que l'Etat ne pouvait compenser la TVA qu'il reverse depuis 2018 aux régions en remplacement de leur dotation globale de fonctionnement : dans la pratique, cela allait se traduire par une ponction de 110 millions d'euros sur les finances régionales. Ensuite, et en vue de la réforme constitutionnelle voulue par Emmanuel Macron, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu organiseront "des travaux spécifiques" portant sur le droit à la différenciation. Ce dernier consiste à octroyer aux collectivités la possibilité d'adapter le droit à leur propre situation, et d'exercer des compétences différenciées, notamment en permettant l'expérimentation de normes appropriées. Enfin, Muriel Pénicaud pilotera des échanges sur l'application de la réforme de l'apprentissage et le plan d'investissement dans les compétences, tandis que Jean-Michel Blanquer se penchera sur les questions d'orientation, et que Nathalie Loiseau animera des réunions sur le Brexit.

 

Les maires restent sur leurs gardes

 

Suite à ces annonces, l'Association des maires de France (AMF), une des organisations d'élus locaux en fronde contre la méthode du Gouvernement, a réagi. Dans un communiqué, elle précise avant tout que cette "reprise du dialogue […] ne remet pas en cause la détermination de Régions de France à poursuivre l'action engagée à Marseille avec l'AMF et l'ADF [Association des départements de France, NDLR], le 26 septembre, pour la défense des territoires et de la décentralisation". En effet, les trois organisations représentant les trois échelons de collectivités s'étaient réunies dans la cité phocéenne à la fin du mois dernier pour réaffirmer d'une seule voix leur mécontentement face à l'attitude de l'exécutif, jugée trop autoritaire, dans les dossiers les concernant. Les relations entre l'Etat et les élus locaux n'ont eu de cesse de se dégrader, allant jusqu'au boycott de la CNT par les collectivités.

 

Interrogations sur l'attitude gouvernementale

 

Le nouveau calendrier des rencontres entre le Gouvernement et les élus est perçu par l'AMF comme une sorte de réorganisation de la CNT, dont la "première mouture" est considérée "comme un fiasco" par l'organisation ; la seconde s'étant réunie sans les associations d'élus. L'AMF s'interroge également sur la CNT qui était censée se tenir "le 15 octobre", mais qui n'a pas eu lieu, remaniement gouvernemental oblige. L'ordre du jour était pourtant arrêté - réforme de la fiscalité locale et création de l'Agence de la cohésion des territoires, une disposition initialement contenue dans le projet de loi Elan.

 

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D'après les informations de l'AMF, un point d'étape des engagements pris par Edouard Philippe sera effectué le 15 janvier 2019. Mais l'organisation des maires se demande si l'exécutif compte également "remettre à plat ses relations avec l'ensemble des niveaux de collectivités, ou si ces gestes de bonne volonté se limiteront aux seules régions". Le Premier ministre devrait bientôt donner la réponse : le congrès des départements de France a lieu du 7 au 9 novembre prochain à Rennes, et celui de l'AMF se tiendra du 19 au 22 novembre, Porte de Versailles à Paris.

 

Quid de l'Agence nationale des territoires ?

 

L'amendement gouvernemental dans le cadre de la loi ELAN prévoyant sa création par ordonnance ayant été rejeté, c'est désormais une proposition de loi déposée le 2 octobre par des sénateurs RDSE, qui porte la création de l'Agence nationale des territoire. Une proposition de loi soutenue par celui qui était encore il y a quelques jours, le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard et qui devrait être discutée en séance publique le 8 novembre prochain. Annoncée par Emmanuel Macron en juillet 2017 lors de la Conférence nationale des territoires, cette Agence a pour "vocation [d']incarner cette coordination entre l'État avec les collectivités territoriales", en tant qu'établissement public de l'État en permettant à "l'État d'agir en partenariat avec les territoires afin de les aider à développer leurs projets, en tenant compte de leurs spécificités et de leurs atouts", selon le texte des Sages. Pour expliquer sa philosophie, ces derniers reprennent également à leur compte les mots du Président de la République devant l'ensemble des représentants des élus locaux le 17 juillet 2017 au Sénat et devant le congrès des maires de France le 24 novembre 2017 : "L'État doit parler d'une voix et d'une voix cohérente dans le montage de vos projets, que vous n'ayez pas affaire à des guichets avec chacun sa lecture du sujet et je souhaite que les administrations et les opérateurs de l'État, comme de la Caisse des dépôts et consignations, soient mis au service des projets des territoires de manière cohérente. Je veux un État facilitateur de vos projets. C'est précisément le rôle que je veux assigner à l'Agence nationale de la cohésion des territoires dont j'ai annoncé la création lors de la conférence nationale des territoires." Le texte, de 12 articles, s'appuie sur le rapport du rapport remis par Serge Morvan, le commissaire général à l'égalité des territoires à l'occasion de la 3e Conférence nationale des territoires, le 12 juillet 2018.

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