ECONOMIE CIRCULAIRE. Le rapport Vernier sur la "Responsabilité élargie des producteurs" en matière de prévention et de gestion des déchets générés par leurs produits préconise la création d'une filière spécifique pour les déchets de la construction. Mais les industriels du secteur sont absolument contre cette idée, qui leur imposerait une participation financière.
Dans le cadre de la prochaine feuille de route de l'Economie circulaire, promise par Nicolas Hulot et Brune Poirson, le gouvernement a sollicité Jacques Vernier, le président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques, pour rédiger un rapport rassemblant des propositions pour améliorer le recyclage des déchets. Et, parmi les idées avancées, figure la création d'une nouvelle filière REP (pour "Responsabilité élargie du producteur") consacrée aux déchets du bâtiment. Le document fait valoir que ces matériaux issus de déconstructions et de rénovations, sont produits "en quantités considérables" et qu'ils sont hautement recyclables : 42 millions de tonnes de briques, bois, béton, verre, plastiques et laines minérales qui sont généralement inertes (75 % des cas).
à lire aussi
Celui qui a aussi été président de l'Ademe et de l'Ineris note : "Il paraît impérieux que ces énormes quantités ne soient plus mises en décharge et soient recyclées, de façon à diminuer la double pression foncière, 'à l'aval' du fait des sites de décharge des déchets, et 'à l'amont' du fait des sites d'extraction de matériaux". Et il fait remarquer que l'obligation de reprise des déchets serait un dispositif insuffisant : "Certes la loi a prévu que tous les distributeurs de matériaux (sauf les grandes surfaces de bricolage : Castorama, Leroy Merlin… on se demande pourquoi !) doivent reprendre les déchets (des matériaux qu'ils vendent) sur leurs sites de distribution ou à proximité (10 km) de ceux-ci (…) Problème : rien n'assure que les entreprises du bâtiment (gros œuvre, second œuvre, démolition) y amèneront leurs déchets, car la loi n'a nullement prévu que l'accès à ces lieux de reprise soient gratuits. Et que la tentation peut être grande d'évacuer les déchets vers des décharges beaucoup moins onéreuses…". Jacques Vernier propose donc que cette obligation de reprise soit assortie d'une éco-contribution qui servirait à financer leur tri, leur collecte gratuite et leur recyclage, à l'image d'autres familles de produits (emballage, électroménager). Le rédacteur du rapport souligne qu'une taxe générale sur les activités polluantes existe déjà pour l'extraction des granulats, mais que son montant est douze fois plus faible qu'en Grande-Bretagne.
Levée de boucliers chez les producteurs et les recycleurs
Mais face à ces propositions, plusieurs secteurs industriels s'insurgent. La Confédération des métiers de l'environnement (CME) qui rassemble les spécialistes du recyclage et de la valorisation des déchets (Fnade, Federec) s'inquiètent du risque économique qu'elles font peser sur leurs propres activités. Elle explique que la nouvelle filière REP envisagée pour les déchets issus du BTP pourrait "se substituer à des dispositifs existants et éprouvés". Puis la CME craint que la vente des matières premières issues du recyclage ne soit confiée "à des intermédiaires inexpérimentés", et fait valoir que ses membres investissent 1,1 Mrd € par an dans des installations de recyclage, démontrant par-là la dimension industrielle de la chose.
La filière du bâtiment s'oppose également à la mise en place de cette REP. Dans un communiqué conjoint, l'AIMCC (association des industries de produits de la construction), la FNBM (fédération du négoce de bois et des matériaux de construction) ainsi que la Capeb (confédération des artisans du bâtiment) s'étonnent tout d'abord de la méthode employée. Pour elles, le rapport Vernier n'aborde la difficile question du recyclage des déchets de la construction que de façon "superficielle", sans avoir "auditionné aucun acteur du secteur", pour asséner "de manière déconnectée des réalités du terrain le prétendu échec des initiatives en cours" et conclure "sans aucune justification chiffrée" à la nécessité de créer cette nouvelle REP. Solution qui serait, à les en croire, celle que privilégierait désormais le gouvernement pour la future feuille de route… Hervé de Maistre, le président de l'AIMCC, nous révèle : "Les différentes filières des industriels des matériaux de construction ont engagé depuis de nombreuses années de multiples actions visant à réduire l'empreinte environnementale de leurs produits, et mis en place des filières de recyclage. Et il y a une volonté de l'ensemble des acteurs réaliser des choses durables, qui marchent économiquement".
Une éco-contribution répercutée sur les prix des produits de la construction…
Celui qui représente les fabricants de produits de la construction fait remarquer que certains matériaux sont d'ores et déjà performants : le plâtre en tout premier, qui fait figure de pionnier, mais également le PVC (menuiseries, revêtements de sol), le verre ou l'acier. "Pour les isolants, c'est à venir", assure-t-il. "Cela se met en place dans toutes les filières importantes". Cependant, la nature complexe de certains déchets où les matériaux qui les composent sont difficiles à séparer, rend la tâche plus ardue. Des produits mélangés ou disponibles en faible volumes rendront moins pertinents la création de procédés industriels de récupération et valorisation. Hervé de Maistre poursuit : "La problématique première est que les entreprises qui produisent ces déchets doivent disposer de moyens pour effectuer réellement l'effort du tri selon la nature des matériaux plutôt que de mettre le tout en décharge ou même en décharge sauvage…". Il souhaite de ce fait la mise en place de mesures incitatives plus efficaces qu'une éco-contribution pour les producteurs de matériaux, qui aurait un impact sur leur chiffre d'affaires et, par répercussion, sur les coûts de la construction. Selon le président de l'AIMCC, c'est le coût de mise en décharge, trop faible, qui n'inciterait pas au tri et à la valorisation en France. Une hausse des tarifs serait, pour lui, "un signal pas inutile".
à lire aussi
Autre contre-proposition des industriels, celle de valoriser la R&D dans le domaine du recyclage de leurs produits. Hervé de Maistre nous explique : "Il faut en effet les soutenir, pour que les filières fassent le travail par elles-mêmes plutôt que de les taxer". Il plaide donc pour un soutien des initiatives vertueuses du privé. "Les progrès qui doivent être faits sur la consommation d'énergie, sur la consommation d'eau ou sur la réduction des émissions de CO2 ne se feront jamais sans les acteurs économiques !", conclut-il. Les producteurs de matériaux de construction assurent ne pas vouloir faire de marge sur les activités de tri-recyclage mais estiment ne pas avoir à en supporter tout le poids non plus. Recycleurs et industriels appellent le gouvernement à un dialogue constructif avec tous les intervenants de l'économie circulaire, depuis les fabricants jusqu'aux collecteurs de déchets et aux entreprises de valorisation. Ils rappellent que la France a pour objectif de valoriser sous forme de matière 70 % des déchets du bâtiment et des travaux publics en 2020, un taux déjà presque atteint en 2017 avec 67 %. De son côté, Jacques Vernier insiste sur la responsabilisation des producteurs qui mettent sur le marché des produits dont ils sont responsables jusqu'en fin de vie et sur le coût de gestion des déchets que supportent à présent les collectivités territoriales et qui pourraient en être soulagées.
- Emballages
- Piles et accumulateurs portables
- Produits de l'agrofourniture
- Pneumatiques
- Equipements électriques et électroniques
- Automobiles
- Papiers graphiques
- Textile, linge de maison, chaussures
- Médicaments
- Mobil-homes
- Cartouches d'impression
- Gaz fluorés
- Déchets de soins à risques infectieux des ménages
- Ameublement
- Produits chimiques des ménages
- Bouteilles de gaz
- Bateaux de plaisance
- (Jouets)
- (Articles de sport et loisirs)
- (Déchets du bâtiment)
- (Huiles alimentaires)
- (Huiles moteurs)