LÉGISLATIVES 2024. L'ensemble des organisations patronales s'alarme d'une éventuelle application du programme économique du Nouveau Front populaire, première force politique de l'Assemblée nationale issue des législatives anticipées. De nombreux dirigeants rappellent que la France est déjà dans une mauvaise situation financière.

Quelle politique pour les prochains mois ? La question reste entière, 48 heures après le second tour des élections législatives anticipées qui a divisé l'Assemblée nationale en trois blocs : en tête, avec 184 sièges, le Nouveau Front populaire (NFP), suivi par le camp macroniste et ses 166 députés, puis le Rassemblement national et ses alliés, avec 143 élus. Aucune majorité absolue ou coalition "de projet" ne se dégage, laissant craindre un hémicycle bloqué et une vie politique à l'arrêt.

 

 

Une absence de visibilité qui n'est évidemment pas de nature à rassurer les milieux économiques. Face à l'éventualité d'un Premier ministre - et donc d'un gouvernement - venu de la coalition des gauches, l'ensemble des organisations patronales redoute l'application du programme du NFP. Tour d'horizon des réactions.

 

Les indépendants appellent à un "front entrepreneurial" face au programme du NFP

 

Smic à 1.600 € nets par mois, indexation des salaires sur l'inflation, hausse des impôts… autant de mesures qualifiées de "dévastatrices" par les adhérents du Syndicat des indépendants et des très petites entreprises (SDI).

 

"Sans jugement de fond sur les valeurs portées, nous constatons que le programme économique de la coalition en tête des législatives présente des dangers majeurs pour l'économie française et plus particulièrement pour les artisans, commerçants et dirigeants de TPE. Nos premières remontées d'informations démontrent une crainte majeure de ces professionnels qui suspendent voire annulent leurs investissements prévus", alerte le secrétaire général de l'organisation, Marc Sanchez.

 

Le SDI appelle ainsi à constituer un "front entrepreneurial" pour ouvrir "une voie soutenable économiquement et socialement" au sein de l'hémicycle du Palais Bourbon. En attendant, les entrepreneurs se préparent à composer avec "une période d'incertitude politique majeure". Pour le syndicat, la solution pourrait passer par "la capacité des forces politiques responsables à organiser un front républicain", le seul à-même d'après lui à "prendre en compte la réalité économique déjà complexe" des TPME.

 

Les entreprises de proximité souhaitent "apaiser le pays"

 

Même constat du côté de l'Union des entreprises de proximité (U2P), qui souligne que les Français "n'ont pas fait émerger une majorité claire" et qu'il "sera d'autant plus nécessaire de sortir des combats idéologiques d'arrière-garde et d'apaiser le pays en bâtissant des majorités de projets". Confrontée à un manque de visibilité, l'organisation patronale, à laquelle appartient la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), liste un certain nombre de problématiques.

 

Inquiets de "l'endettement de la France" et de "la menace de mesures totalement inadaptées aux petites entreprises", les indépendants appellent les nouveaux députés "à travailler dans un esprit de partenariat, en cherchant à dégager des compromis raisonnables, en sollicitant les partenaires sociaux qui savent trouver des accords dans les domaines économiques et sociaux, et en étant davantage à l'écoute des territoires et de la société civile".

 

"Une nouvelle loi Travail sera nécessaire"

 

Reste à voir si les doléances des professionnels seront entendues. Espérant "des solutions simples et pragmatiques", ils attendent aussi que le chantier de la simplification soit rouvert et que le test TPME soit "rapidement" mis en place.

 

 

À leurs yeux, "une nouvelle loi Travail sera également nécessaire pour traiter du pouvoir d'achat, du financement de la protection sociale mais également de la transposition dans la loi des accords nationaux interprofessionnels" conclus fin avril. Ces derniers ont concerné le CETU (compte épargne temps universel), les reconversions professionnelles et la mutualisation du licenciement pour inaptitude des salariés de plus de 50 ans.

 

L'incertitude politique "n'est pas de nature à rassurer" les dirigeants de PME

 

Le brouillard parlementaire qui tombe sur l'Hexagone empêche donc les chefs d'entreprises de se projeter. Aucun des trois blocs ne pouvant constituer une majorité absolue pour faire adopter le moindre texte, "il est difficile de savoir par qui la France sera gouvernée", regrette la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

 

Une incertitude politique qui "n'est pas de nature à rassurer" les dirigeants, toujours dans l'attente d'un contexte économique et social plus favorable pour confirmer leurs investissements comme leurs recrutements. Pour rappel, les faillites d'entreprises ont déjà bondi de 18% au cours de la première moitié de l'année.

 

Là encore, le programme du NFP est très loin de rassurer les milieux d'affaires. Pour la CPME, dont la Fédération française du bâtiment (FFB) est membre, "augmenter massivement les dépenses et les prélèvements obligatoires dans un pays qui détient le record d'Europe en la matière conduirait infailliblement notre pays vers la mise en défaut financière".

 

"Détricoter la réforme de l'assurance-chômage et revenir sur la réforme des retraites irait à l'inverse des mesures à prendre"

 

Le patronat déplore par ailleurs que certaines thématiques n'aient pas ou peu été abordées pendant la campagne électorale. "L'endettement de notre pays, qui est une des principales menaces actuelles, ne peut plus être considéré comme accessoire. Il n'y a maintenant plus d'autre choix que de réformer l'action publique en cessant d'empiler les échelons et en acceptant de poser des limites à l'augmentation d'effectifs aujourd'hui si mal répartis", épingle encore la confédération.

 

L'épineux dossier de la durée du travail est aussi remis sur la table. Le système de protection sociale, "dont le financement est principalement basé sur les revenus du travail", ne serait ainsi "plus viable sans augmentation du temps de travail". Par conséquent, "détricoter la réforme de l'assurance-chômage et revenir sur la réforme des retraites irait à l'inverse des mesures courageuses à prendre", estime encore la CPME.

 

Mis à la corbeille du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale, le chantier de la simplification administrative devrait aussi être rouvert pour assurer la compétitivité et le développement des petites structures. Enfin, les représentants de celles-ci demandent à ce que la transition climatique "redevienne un vecteur de croissance".

 

Le Medef appelle à "poursuivre" la politique économique "menée depuis 9 ans" et qui a "produit des résultats"

 

Enfin, le Mouvement des entreprises de France (Medef) a également réagi en appelant de ses voeux "une politique économique lisible et stable, garante de la compétitivité des entreprises et seule capable de restaurer la confiance et d'assurer l'emploi". Dans un contexte international toujours complexe et du fait de la volatilité des marchés financiers, le patronat redoute la stagnation de la croissance, voire la récession, et constate la hausse des faillites d'entreprises ainsi que le gel des investissements et des embauches.

 

Alors que les finances publiques sont déjà dans un piteux état, l'organisation rappelle aussi que le respect du cadre européen s'imposera de fait au nouveau gouvernement. "La politique économique menée depuis 9 ans, qui a produit des résultats en termes de croissance et d'emplois, doit se poursuivre et s'amplifier car elle est la bonne réponse pour affronter les défis des transitions écologique et numérique que le pays doit relever", affirme le Medef dans un communiqué.

 

"Faire le choix du pays plutôt que celui des intérêts partisans"

 

Enchaînant : "Elle doit se poursuivre pour répondre à la demande légitime de nos concitoyens de voir leur pouvoir d'achat progresser, pour répondre à la nécessaire réindustrialisation de notre pays. Elle doit se poursuivre enfin pour réduire les déficits et endiguer l'endettement."

 

Les mesures-phares du NFP sont une nouvelle fois ciblées : "Un alourdissement de la fiscalité sur les particuliers comme sur les entreprises, une revalorisation brutale du Smic et une indexation automatique des salaires sur l'inflation, un renoncement à la réforme des retraites ou à celle du marché du travail, un blocage des prix auraient immanquablement des effets récessifs, plongeant la France dans une crise économique profonde et durable."

 

Sans prendre parti, le Medef demande néanmoins à Emmanuel Macron, en lui rappelant qu'il est "garant de la cohésion nationale", de "faire le choix du pays plutôt que celui des intérêts partisans". Au risque, selon le mouvement, de faire décrocher l'économie tricolore et d'accélérer le déclassement de l'Hexagone sur la scène internationale.

 

Retrouvez l'ensemble de nos articles consacrés aux élections législatives anticipées de 2024 sur notre page dédiée.

actionclactionfp