CONJONCTURE. Alors que l'activité du secteur menace de chuter de 18% d'ici la fin de l'année, la Fédération française du bâtiment (FFB) a listé les propositions qu'elle souhaiterait voir inscrites au plan de relance du Gouvernement. Davantage d'incitations fiscales sont mises sur la table pour concilier reprise des chantiers et transition écologique.
Si l'exécutif ne se saisit pas rapidement des propositions du secteur du bâtiment pour les intégrer à son plan de relance globale, l'activité de la profession risque de s'effondrer. C'est le message communiqué ce 30 juin 2020 par le nouveau président fraîchement élu de la Fédération française du bâtiment (FFB), Olivier Salleron. Bien que la quasi-totalité des chantiers (78%) ait repris à l'heure actuelle, après un arrêt presque complet sur la deuxième quinzaine de mars et l'ensemble du mois d'avril, la conjoncture reste encore un peu à la peine, dans la mesure où 17% des chantiers s'effectuent encore en activité réduite et 5% sont toujours suspendus. D'après les remontées terrain des différentes organisations représentatives du bâtiment, 90% des professionnels du secteur estiment que leur activité reviendra à un niveau normal au-delà du 1er trimestre 2021, contre un peu moins de 70% d'ici septembre prochain - 10% des chefs d'entreprises sondés affirment même n'avoir aucune visibilité.
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"Notre administration n'était pas prête à télétravailler. Il y a eu un arrêt complet au niveau des appels d'offres pendant deux mois. Il a fallu faire du 'forcing' pour que tout cela recommence à sortir. Toutes les incertitudes sur l'avenir sont peu favorables à l'investissement, notamment privé. On a déjà un million de logements en retard, aussi bien en neuf qu'en rénovation. Notre objectif précis, c'est 500.000 logements rénovés et 500.000 logements neufs." -Olivier Salleron, président de la FFB
Dans de telles conditions, la filière se veut donc prudente, même si un retour à la normale devait s'observer au sortir des vacances estivales. Ainsi, la FFB table sur une chute de l'activité de 17,6% pour l'ensemble de l'année 2020, qui risque d'engendrer la destruction de 120.000 emplois. Dans le détail, l'activité dans le neuf reculerait au final de 18,1% cette année (dont -18,6% pour le logement et -17,3% pour le non-résidentiel), et le segment de l'amélioration-entretien accuserait pour sa part une perte de 17,2%. L'organisation avance même le chiffre de 200.000 postes perdus en 2021 si rien n'est fait d'ici là pour rectifier le tir.
Annulation des charges pour compenser les surcoûts sanitaires
On le sait, le contexte macro-économique demeure extrêmement tendu pour nombre de secteurs d'activité, mais des problématiques spécifiques à certaines filières viennent encore grever la reprise post-confinement. Dans la construction, c'est le cas des surcoûts provoqués par la mise en place des protocoles sanitaires sur les chantiers : selon une récente enquête des Cellules économiques régionales de la construction, 85% des entreprises estiment ces surcoûts inférieurs à 10%, quand la rentabilité moyenne de ces mêmes entreprises du secteur s'établissait à environ 2,5% avant la crise du Covid-19.
Autrement dit, la profession affirme perdre de l'argent en reprenant le chemin du travail, même si elle reconnaît que le soutien de l'Etat a été au rendez-vous dès le début du confinement et permet encore actuellement d'absorber le choc. Attention cependant au retour de boomerang qui pourrait bien faire mal, d'où la demande renouvelée de la FFB de supprimer les charges patronales jusqu'à la fin de l'année pour apporter une bouffée d'oxygène aux professionnels : "L'annulation des charges reste un combat d'actualité pour toute l'année 2020", a confirmé Olivier Salleron. "Ce serait un moyen pour le Gouvernement de contribuer au problème des surcoûts que nous rencontrons."
Un dispositif Ma prime rénov' revu de fond en combles
Plus largement, la fédération propose à son tour un plan de reprise "flash" avec une batterie de "mesures immédiates" qui tentent de concilier relance économique avec transition écologique, et donc, en l'occurrence, rénovation énergétique : concrètement, il s'agit de renforcer le CITE (Crédit d'impôt de transition énergétique) - qui devient progressivement Ma prime rénov' - au moins pour une période couvrant la fin de l'année 2020 et toute l'année 2021. Dans les faits, cette consolidation passerait par quatre mesures : d'abord, ramener à quelques centaines d'euros le reste à charge pour les ménages modestes et très modestes, puis restaurer l'éligibilité complète des ménages dont les revenus correspondent aux déciles 9 et 10, dans l'optique de mettre à contribution l'épargne "forcée" des ménages pendant le confinement, sans oublier la réintégration des chaudières à gaz dans le dispositif.
"Nous demandons que ces mesures soient pérennisées jusqu'en 2021 pour une reprise flash mais prises dès le mois de juillet pour que les commandes repartent dès septembre. Si nos mesures ne sont pas adoptées, nous allons courir à la catastrophe."
La FFB demande également de relever de 150 à 400€/m² le forfait pour les rénovations globales et de rendre éligibles au CITE (puis à Ma prime rénov') les résidences secondaires "en zone de revitalisation rurale". Les Certificats d'économies d'énergies (CEE) sont aussi appelés à être davantage mobilisés via un "coup de pouce" pour la rénovation globale des maisons individuelles, qui consisterait à relever l'aide actuelle de 50€ à 200€/m², et de financer toute ou partie d'un nouveau type de contrat baptisé "Contrat d'accompagnement énergétique". Ce dernier permettrait de conseiller un client après qu'il ait réalisé des travaux de rénovation énergétique afin d'optimiser ses consommations d'énergie et l'amener "progressivement" vers une rénovation globale. Enfin, il est envisagé de faire bénéficier la totalité des travaux d'amélioration-entretien d'une TVA réduite à 5,5%.
Simplifier les dispositifs de soutien pour le neuf
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Les propositions de la fédération englobent aussi le segment du neuf : il est ici suggéré d'améliorer le Prêt à taux zéro (PTZ) avec, d'une part la restauration d'un prêt de 40% du montant de l'opération et ce, sur l'ensemble du territoire ; et d'autre part, une majoration temporaire de 60% de la quotité "pour les opérations affichant une performance meilleure que la réglementation en vigueur dans le neuf ou pour des opérations associées à des travaux permettant un saut de deux classes du Diagnostic de performance énergétique (DPE) dans l'ancien", d'après l'organisation. Pour soutenir l'investissement locatif privé, le secteur propose de passer d'un système de dispositifs dérogatoires multiples à "un système durable, général, simple et lisible".
Lequel prévoirait l'amortissement du bâti pendant 50 ans, l'amortissement des gros travaux sur 15 ans, la déductibilité des intérêts d'emprunt, des petits travaux et des charges locatives des revenus fonciers bruts, l'imputation sans limites du déficit foncier et le maintien du régime actuel de taxation des éventuelles plus-values. Là encore, ce nouveau système pourrait bénéficier d'une touche verte grâce à "un amortissement accéléré pour l'acquisition d'un bien de performance supérieure à la réglementation (la future RE2020 notamment) et pour des travaux permettant de sauter deux classes de DPE". Pour le non-résidentiel, la filière préconise d'ouvrir temporairement le droit à suramortissement pour la construction de bâtiments dans le secteur privé et de majorer la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) d'un milliard d'euros, ceci pour accompagner par exemple le déploiement de centres de collecte des déchets professionnels.
"Recruter 150.000 talents à l'horizon 2023"
Mais pour que ce plan fonctionne, la FFB considère que les pouvoirs publics devront encore actionner d'autres leviers, notamment sur le plan réglementaire. Elle demande ainsi d'assouplir les deux recommandations du Haut conseil de stabilité financière émises fin 2019 et confirmées depuis le déconfinement, à savoir ne pas dépasser le taux d'effort de 33% et la durée d'emprunt de 25 ans. Les professionnels souhaiteraient par ailleurs que la notion d'artificialisation des sols, présente dans nombre de débats et qui peut présenter un "danger" à leurs yeux, soit clairement définie. Et d'insister pour un "nouveau choc de simplification administrative", particulièrement en matière de traitement des permis de construire. Côté commande publique, l'idée serait de relever le seuil des appels d'offres à 100.000 €.
"Nous ne voulons pas d'obligation mais une incitation. On incite à une meilleure rénovation, une meilleure construction verte. Toutes ces mesures représentent un coût budgétaire d'environ 5 milliards d'euros par an pour sauver les emplois et les entreprises d'ici fin 2021", a conclu Olivier Salleron, qui a en outre insisté sur la volonté de la profession de rester attractive auprès du jeune public et de continuer à recruter des apprentis en dépit de la crise économique : "Nous nous fixons l'objectif de recruter 150.000 talents à l'horizon 2023, puis pérenniser ce chiffre autour des 100.000 par an. Mais s'il n'y a pas d'activité, il n'y aura pas d'apprentis."
Que pense la FFB du nouveau "combat" d'Emmanuel Macron sur le travail détaché ?