La compréhension de l'urbanisation et de l'étalement des villes est cruciale dans un contexte de développement durable. Une équipe de scientifiques italiens et français a donc réalisé une étude sur l'évolution des réseaux routiers en milieu urbain. Résultat : plusieurs phénomènes coexisteraient, dont un mécanisme d'exploration suivi d'une densification du réseau. Explications.

L'urbanisation est un phénomène complexe. Selon des chercheurs italiens et un chercheur français de l'Institut de Physique théorique (CEA/CNRS), l'observation des évolutions du réseau routier permettrait de mieux comprendre la croissance des zones urbaines. Ils ont donc réalisé une étude statistique sur les processus de croissance et de connectivité au sein des réseaux viaires d'une zone précise, sur plus de 200 ans. Le choix s'est logiquement porté sur une région de 125 km², au nord de Milan en Italie (zone comprise entre Saronno et Cesano Maderno et comptant 29 centres urbains dans 14 municipalités). Il s'agit en effet d'une aire urbaine en plein essor, qui a connu une forte croissance entre 1933 et 1994, notamment le long de deux axes, vers Varèse et Côme (deux villes situées à une quarantaine de kilomètres de la capitale économique italienne). La première autoroute du monde a même été bâtie là, dès 1924, sous le nom de « Autostrada dei Laghi » (autoroute des lacs).

 

Les scientifiques ont observé plusieurs mécanismes élémentaires. Tout d'abord, les réseaux sont mus par un mouvement « d'exploration », par lequel de nouvelles voies de circulation traversent des régions non urbanisées. Elles définissent ainsi l'avancée du front d'urbanisation. Ensuite, un processus de « densification » s'opère. Il correspond à une augmentation de la densité des voies dans les centres urbains. Les deux mécanismes semblent être constants à travers les décennies, indistinctement des progrès technologiques ou des changements de culture.

 

évolution du réseau routier Milan 1833-2007
évolution du réseau routier Milan 1833-2007 © CEA
Le réseau tend vers un état organisé
D'autre part, les chercheurs ont également mis en évidence une « stabilité des voies à forte centralité » qui constituent l'ossature de la structure urbaine. Il s'agit ici d'une expression de l'importance de la voie historique dans l'évolution de l'agglomération. Une tendance vers l'organisation, avec une augmentation du nombre d'intersections de routes à quatre voies (intersections dites de "degré 4") et une uniformisation de la géométrie des îlots délimités par plusieurs routes, a aussi été mise en lumière. En conclusion, l'évolution du réseau routier tend donc vers un état organisé même en l'absence de toute planification sur des périodes aussi longues que les 200 ans de cette étude. Les enseignements de ces travaux, publiés dans Nature Scientific Reports, pourraient être d'intérêt dans la réflexion sur l'évolution des espaces urbains et sur les politiques d'urbanisation où l'étalement conduit à une augmentation des distances foyer-travail et donc à l'alourdissement des émissions de CO2.

actionclactionfp