ÉTUDE. Si la France veut atteindre les objectifs de production éolienne qu'elle s'est elle-même fixée dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), elle va devoir passer à la vitesse supérieure : c'est l'objet d'une étude qui table sur l'installation de 2 GW chaque année, soulignant aussi l'intérêt du offshore mais également les limites du traitement des déchets.

Dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) arrêtée au début de l'année 2019, la France s'est fixée un objectif de production cumulée de 24,6 GW d'ici 2023, et d'au moins 34,1 GW d'ici 2028 pour l'éolien. Mais l'Hexagone ne comptait en 2018 que 15,1 GW de puissance cumulée, ce qui suppose donc qu'il passe à la vitesse supérieure s'il souhaite atteindre ce but. Voilà en substance ce qui ressort d'une étude intitulée "Le marché français de l'éolien à l'horizon 2025 - Envol de l'offshore, fin des obligations d'achat, intensification de la concurrence : quelles perspectives pour la filière ?", réalisée par le groupe Xerfi-Precepta, spécialisé dans les études économiques par secteurs d'activité. D'après Damien Nesme, le chargé d'études auteur de cette enquête, la France doit donc atteindre un rythme d'installation d'environ 2 GW par an pour atteindre les objectifs de la PPE, contre un rythme annuel moyen de 1,6 GW sur la période de 2015 à 2019.

 

 

Le secteur de l'éolien aurait cependant le vent dans le dos, si l'on en croit Xerfi-Precepta : le volume de projets de parcs en attente de raccordement augmente, les mesures récemment adoptées par la puissance publique pour limiter les recours juridiques et simplifier les procédures administratives encouragent le développement des installations, les taux d'intérêt demeurent toujours historiquement bas, et le coût des capacités techniques est en baisse du fait des progrès technologiques et des économies d'échelles réalisés par les équipementiers du secteur. Au bout du compte, les projets ne manquent pas, leurs financements restent largement facilités et leurs coûts structurels diminuent au fur et à mesure. Des indicateurs au beau fixe, auquel il faut ajouter la montée en puissance de l'éolien maritime : grâce à l'annulation de plusieurs recours en 2019, cette filière bénéficie désormais d'un horizon dégagé. De fait, tous les projets des appels d'offres de 2012-2014 devraient être mis en service d'ici 2025, ce qui correspond à une puissance cumulée de 2,5 GW. Avec ce complément, la production éolienne tricolore pourrait atteindre les 60 TWh, d'après les calculs des analystes. Et les aérogénérateurs couvriraient ainsi 12% de la consommation française d'électricité, contre moins de 6% en 2018.

 

 

L'évolution de la production éolienne tricolore

 

Selon les calculs de Xerfi-Precepta, la production éolienne n'a cessé de croître depuis 2014 dans l'Hexagone : de 16,2 TWh cumulés en 2014, la totalité des parcs d'aérogénérateurs est passée à 22,6 TWh en 2017, puis 27,8 TWh en 2018. Jusqu'à présent, la hausse globale se serait chiffrée à 3,1 TWh par an depuis 2014. Les estimations tablent sur 31,7 TWh cumulés pour l'année 2019 et 58 TWh en 2025. Entre 2019 et 2025, la croissance devrait cette fois être de l'ordre de 4,4 TWh par an.

 

 

Les équipementiers chinois en embuscade du marché français

 

Dans son étude, Xerfi-Precepta revient également sur la structuration du marché de l'éolien : le secteur s'illustre par une très forte concentration, puisque les 5 premiers fabricants monopolisaient 92% du marché français en mai 2019. Les chefs de file, notamment Siemens et Nordex, ont à cet effet multiplié les opérations de croissance externe depuis quelques années afin d'engranger des économies d'échelles. "Et si aucun des 5 principaux acteurs de la construction d'éoliennes n'est chinois, les équipementiers de l'Empire du Milieu constituent une véritable menace à moyen terme", souligne l'étude. "Le ralentissement attendu de la croissance du parc éolien chinois pourrait en effet les inciter à s'internationaliser davantage."

 

Si la construction des aérogénérateurs constitue un segment dynamique, celui de l'exploitation des parcs s'avère plus calme : 40% de son activité seulement étaient partagés par les 5 premiers acteurs en 2018. Jouant à domicile, les groupes français profitent évidemment d'un avantage non-négligeable : EDF Renouvelables et Engie concentrent 24% du marché à eux deux. Globalement, 7 des 20 principaux exploitants de parcs éoliens de l'Hexagone étaient la propriété d'acteurs étrangers en 2018. Et il faut en plus compter avec le développement des agrégateurs, nouvelle catégorie d'acteurs apparue lors du passage du système d'obligations d'achat à celui de complément de rémunération. Les agrégateurs ne seront néanmoins en position de force que sur le long terme, étant donné que nombre de parcs exploités à l'heure actuelle ont été mis en service avant 2017, donc sous le système des obligations d'achat.

 

 

Obligations d'achat, complément de rémunération... de quoi parle-t-on ?

 

 

Différents dispositifs de soutien à la filière éolienne ont été instaurés par la puissance publique par le biais de la réglementation, comme l'explique l'association France Energie Eolienne. Jusqu'en 2015, le système d'obligations d'achat obligeaient les entreprises locales de distribution, "dans le cadre de ces contrats EDF et si les installations de production sont raccordées aux réseaux publics de distribution dans leur zone de desserte", d'acheter l'électricité produite avec les aérogénérateurs "aux exploitants qui en font la demande, à un tarif d'achat fixé par arrêté". Avec un impact sur le portefeuille du consommateur : "Le surcoût occasionné pour ces acheteurs obligés leur est compensé et est répercuté sur les clients finaux" par la Contribution au service public de l'électricité (CSPE).

 

Depuis le 1er janvier 2016, l'obligation d'achat a été remplacée par le complément de rémunération, instauré par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. "Dans le cadre de ces contrats, l'électricité produite par les installations est vendue directement par le producteur sur le marché de l'électricité, la différence entre un tarif de référence fixé par arrêté et le prix moyen du marché constaté chaque mois est versée au producteur par EDF", explique France Energie Eolienne. "Le surcoût occasionné pour EDF lui est compensé au titre des charges de service public de l'électricité (CSPE)."

 

 

L'impact environnemental des éoliennes n'est pas négligeable

 

Enfin, l'étude de Xerfi-Precepta s'est penchée sur la question du "repowering", ou renouvellement intégral des installations. Un phénomène qui risque de s'accroître au moment où les parcs installés dans les années 2000, les premiers du genre, arrivent au terme de leurs contrats d'obligations d'achat. Mais les spécialistes du secteur s'interrogent sur la pertinence de cette modernisation : "A ceux qui y voient la possibilité d'accroître la capacité du parc existant grâce à des machines plus performantes, la CRE [Commission de régulation de l'énergie, ndlr] a récemment répondu qu'il pourrait être plus intéressant de continuer à exploiter les installations en l'état jusqu'au terme de leur durée de vie", notent les analystes.

 

Et il est une autre problématique qui se pose : celle du traitement des déchets. Comme le rappelle l'étude, "si 90% des matériaux (acier et béton) d'une éolienne sont a priori faciles à recycler, les matériaux composites des pales sont aujourd'hui brûlés ou enfouis. Aujourd'hui, le parc éolien hexagonal compterait 100.000 tonnes de ce type de composants auxquels viendront s'ajouter chaque année 10.000 tonnes supplémentaires à traiter à partir de 2025. Sans parler des fondations en béton ou des aimants permanents à base de terres rares." Comme on l'oublie effectivement un peu trop souvent, les aérogénérateurs produisent certes une énergie "propre" mais impliquent des procédés de construction et sont équipés de composants dont l'impact environnemental est loin d'être négligeable. Reste à voir comment les professionnels de la filière s'empareront de ce sujet.

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