L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ont publié les premiers résultats d'une étude sur la présence de médicaments dans l'eau du robinet. Un quart des échantillons analysés contenaient des résidus médicamenteux. Reste encore à définir leurs effets sur la santé.
Où finissent les médicaments que vous ingérez ? Dans votre sang, bien sûr. Après avoir agi, les résidus de médicaments sont retenus par les reins. Ces substances passent ainsi dans les urines et finalement... dans la cuvette ! Si les stations d'épuration filtrent de nombreuses substances, elles laissent passer certaines d'entre elles, que l'on retrouve logiquement dans l'eau du robinet.
Cette eau porteuse de résidus médicamenteux, on la retrouve aussi dans les ruisseaux. Depuis quelques années, la communauté scientifique soupçonne ces substances d'avoir un effet reprotoxique féminisant* sur certaines populations aquatiques. Pire encore, elles pourraient causer chez l'humain certains cancers et des baisses de la fertilité masculine...
Des inquiétudes qui justifient une étude
Suspicions seulement, car les chercheurs ont encore beaucoup à apprendre sur ces produits et leur innocuité. Le Ministère de la santé tient à rappeler "qu'aucune étude n'a démontré à ce jour de risque sanitaire lié à la présence de résidus de médicaments dans l'eau". Tout de même méfiant, l'Etat avait lancé en 2009 un plan national de maîtrise des résidus médicamenteux dans l'eau, dans le cadre du Plan national santé environnement 2 (PNSE2). Première étape : déterminer quels médicaments sont présents dans l'eau, et en quelle proportion.L'étude, diligentée par la Direction générale de la santé (DGS), était menée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Une opération d'envergure, puisque les prélèvements ont été effectués dans les eaux brutes ou traitées de tous les départements français (métropole et DOM) et couvraient environ un quart de la population. Les scientifiques du laboratoire d'hydrologie de Nancy ont recherché 45 substances, d'origine humaine ou vétérinaire.
Des résultats "conformes aux attentes" mais pas rassurants
Les premiers résultats de l'étude, publiés le 10 février dernier, sont "conformes aux attentes" selon le Ministère. Seules 19 des 45 résidus ont été détectés au moins une fois, parmi lesquels cinq "à des concentrations trop faibles pour pouvoir être quantifiées" précise le rapport. "Hormis la caféine" que l'on retrouve dans presque tous les échantillons, les molécules les plus fréquentes sont ainsi la carbamazépine (issue d'un anti-épileptique) et l'oxazépam (un anxiolytique).Principale information du rapport : 75% des échantillons d'eau traitée sont vierges de toute substance médicamenteuse. Dans les 25% restants, on détecte une à quatre des molécules recherchées. Les concentrations de médicaments restent plutôt basses (moins de 25 ng/L dans 90% des échantillons), soit "1.000 à un millions de fois inférieures aux doses utilisées dans le cadre des doses thérapeutiques".
L'impact sur la santé reste la grande inconnue
Reste à savoir si, oui ou non, ces substances peuvent avoir un effet sur la santé à terme. Le principe ancestral veut que ce soit la dose qui fasse le poison, mais l'on sait aujourd'hui que certaines molécules ont un effet accentué lorsqu'elles sont présentes ensemble : c'est ce que les scientifiques appellent l'effet "cocktail". L'Anses et L'Afssaps travaillent aujourd'hui à la mise en place d'une méthodologie pour l'évaluation des risques.En attendant, d'autres polluants des eaux inquiètent aussi les associations : le WWF sort aujourd'hui "Eure et Loir : du poison dans l'eau", un reportage vidéo qui dénonce la présence de résidus agricoles (pesticides et nitrates) dans les eaux des nappes phréatiques. Des substances suspectées d'être la cause notamment de cancers. Quand la nature trinque à notre santé...
*Certaines substances, appelées reprotoxiques, agiraient comme des hormones féminines, et induiraient la naissance d'un plus grand nombre de femelles que de mâles, ce qui peut devenir à terme très grave pour l'espèce.