ANNONCES. Le Gouvernement souhaite radicalement monter en puissance en matière de lutte contre le démarchage abusif pour les travaux de rénovation énergétique. Il vient d'annoncer plusieurs axes de travail qui devraient se traduire dans la loi et dans les faits dans les mois à venir.

Bercy vient d'annoncer, lors d'une conférence de presse du 27 janvier 2020 dans les locaux parisiens de la DGCCRF, qu'il soutenait l'idée d'interdire le démarchage téléphonique dans la rénovation énergétique. Un amendement portant cette mesure vient d'être adopté en commission, à l'Assemblée nationale, et se trouve ainsi en très bonne voie pour être définitivement validé, à terme, dans la proposition de loi portant sur ce sujet. Cette mesure est l'une des nombreuses qu'a annoncé Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État au ministère de l'Économie. Les pouvoirs publics comptent ainsi frapper fort sur ce sujet, et viennent d'annoncer ce jour deux sanctions prononcées contre des entreprises de travaux : 50.000 euros pour la Sarl Agence de Courtage des Travaux et de l'Habitat (Ille-et-Vilaine) et 75.000 euros pour le Centre Breton de l'Habitat (Ille-et-Vilaine).

 

Interdire le démarchage téléphonique pour la rénovation

 

L'État a ainsi décidé de franchir le pas : il sera probablement impossible, dans quelques mois, de prospecter des clients (qu'ils soient sur bloctel ou non) pour des travaux de rénovation énergétique. "Ce point sera discuté au Parlement jeudi prochain, et le Gouvernement l'appuiera", a confirmé Agnès Pannier-Runacher. "Les entreprises devront écrire à des prospects ou leur envoyer un mail. Bien sûr, quand un contrat sera en cours, ils pourront continuer à avoir un contact téléphonique avec leur client", a précisé la secrétaire d'État. Les entreprises de rénovation devront en tout cas s'adapter à cette nouvelle donne, soutenue par les organisations patronales du secteur.

 

 

Mettre la pression sur les donneurs d'ordre

 

Le Gouvernement souhaite également responsabiliser les donneurs d'ordres : ils devront s'assurer que les sous-traitants auxquels ils ont recours pour la prospection respectent bien les règles de démarchage en vigueur. Les grands groupes énergéticiens, comme Engie et Enedis, font partie des sociétés faisant l'objet d'attention de la part des pouvoirs publics - la première a d'ailleurs été sanctionnée pour démarchage abusif fin 2019. "Un donneur d'ordres ne peut pas être indifférent à la manière avec laquelle son sous-traitant prospecte les clients", résume Agnès Pannier-Runacher.

 

Pour un représentant de la Capeb d'Île-de-France, présent à la conférence de presse, de grands groupes comme Enedis et Engie "profitent de leur aura pour inciter des clients à faire des travaux", puis "font appel à des sociétés partenaires qui ne sont pas contrôlées, qui sont les mêmes que l'on voit dans les circuits frauduleux".

 

Augmenter les sanctions

 

Agnès Pannier-Runacher a également évoqué le fait d'augmenter "massivement" les sanctions financières en cas de démarchage abusif, et de démarchage tout court, à l'avenir, en matière de rénovation. "Nous multiplions par 25 l'amende maximale à l'encontre d'une société qui contournerait le dispositif Bloctel", précise la secrétaire d'État. L'idée est évidemment d'attaquer les fraudeurs au porte-feuille, en rendant leur modèle d'affaire moins rentable.

 

Les noms des entreprises sanctionnées en matière de démarchage abusif seront également de plus en plus systématiquement publiés sur le site de la DGCCRF. Cet organisme sera également pourvu d'un plan de contrôle renforcé sur la rénovation thermique.

 

Lutter contre les formes émergentes de pratiques déloyales

 

Le "spoofing" est une technique consistant à usurper l'identité électronique d'un autre internaute. Elle est utilisée pour rendre difficilement identifiable un démarcheur d'un client - qui utilise l'adresse d'un autre pour solliciter des gens. Un travail est mené avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (Arcep) afin de remonter jusqu'aux entités employant cette technique.

 

Certains fraudeurs, qui ont peut-être anticipé l'interdiction du démarchage téléphonique pour la rénovation, ont opté pour une autre méthode. Il s'agit de proposer à un internaute de réaliser une étude de faisabilité ; étude qui, en réalité, ne s'avère être qu'un moyen d'obtenir ses coordonnées téléphoniques pour le rappeler. Le procédé a ceci de malhonnête que le prospect a l'impression, dans un premier temps, que l'étude de faisabilité sera faite directement sur Internet, en quelques minutes, sans comprendre qu'il sera sollicité par téléphone derrière.

 

Enfin, les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés pour capter des clients, plus ou moins à leur insu, avec des publications ambiguës ayant notamment recours à des sigles gouvernementaux, ou aux couleurs bleu-blanc-rouge.

 

Quant au démarchage abusif par mail, la secrétaire d'État estime qu'il est moins pénible et intrusif que le harcèlement téléphonique, qui peut aller jusqu'à dix appels par jour.

 

La question de l'efficacité du label RGE

 

Force est de constater que le label RGE ne permet pas de distinguer les escros des entreprises sérieuses et compétentes : en effet, les deux tiers des entreprises sanctionnées par la DGCCRF (2,3 millions d'euros d'amendes en 2019) détenaient le label, comme l'a rappelé la secrétaire d'État. "Le chantier de renforcement du RGE est mené en ce moment par le ministre du Logement Julien Denormandie et la secrétaire d'État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon." - lire notre article ici.

 

La question de la compétence des entreprises est intimement liée, quoi qu'il en soit, à la question de repérer les malfrats. Est-il possible de réaliser dans le respect de la qualité, comme certaines entreprises assurent le pouvoir, 3 à 4 chantiers d'isolation par jour ? Pour Frédéric Utzmann, fondateur d'Effy, délégataire en certificats d'économie d'énergie, c'est possible pour l'isolation des combles, à condition qu'il s'agisse de chantiers simples pour lesquels la visite technique préalable a été effectuée. Il reste sceptique, toutefois, sur le fait de maintenir un même rythme pour les chantiers complexes, l'isolation des planchers bas et l'isolation thermique par l'extérieur, alors même que des opérateurs proposent visiblement de telles offres à un euro, réalisées en un temps record.

 

Et les personnes souhaitant abuser les consommateurs se bousculent au portillon. L'antenne du Val-de-Marne de la DGCCRF reçoit ainsi deux à trois plaintes par jour sur le seul sujet de la rénovation énergétique, ce qui donne une idée de l'activisme de ces acteurs au profil bien particulier. Les procédés peuvent être particulièrement pervers, avec par exemple le fait de supprimer la ligne téléphonique, une fois que le contrat a été passé à la va-vite par téléphone, de manière à ce que le particulier ne puisse plus annuler l'affaire ou un rendez-vous fixé. "Il est comme piégé", témoigne une agente de la DGCCRF. Sans parler de la dangerosité de certains travaux, l'organisme donnant l'exemple d'un départ de feu causé par une isolation posée sur des réseaux électriques...

 

Renforcer la visite technique ?

 

C'est la proposition d'un entrepreneurs spécialisé dans l'isolation, l'encadrement plus sévère de la visite technique. "Il faut laisser quinze jours entre cette visite et la réalisation, que tout ne soit pas fait le même jour, ainsi on rend mécaniquement moins rentable le modèle d'affaires des éco-délinquants."

 

Mieux encadrer le démarchage

 

Le démarchage téléphonique en général va également être encadré, il ne sera possible que certains jours et à certaines heures de la journée, de manière à respecter les moments passés en famille. "Cela sera fait pas décret", a détaillé Agnès-Pannier Runacher.

 

Ce sujet est ainsi devenu majeur en ce début d'année, après une hausse de 20% des plaintes de consommateurs en 2019 sur le sujet de la rénovation. A voir à présent lesquelles de ces mesures seront bien inclues dans le projet de loi, et l'efficacité de leur mise en œuvre dans les mois à venir.

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