Côté diagnostic, Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF) a dressé d'emblée, mercredi lors du débat organisé par les associations d'élus, le constat du manque de liquidité patent en 2012 : « Sur 17 Mds € de besoin de financement, le marché bancaire s'engage à fournir 8 Mds € de crédits nouveaux.» Ce volume de 17 Mds € n'est pas particulièrement conséquent alors que 2012 devrait être une année d'investissements élevés en raison de son positionnement dans le cycle électoral. « L'ensemble du secteur bancaire en France apportera en 2012 environ 10 Mds € de crédits nouveaux aux collectivités locales », affirmait le ministère de l'Economie en février 2012.
Le constat est donc clair : au lendemain de la chute de Lehman Brothers en 2008, la perte de confiance entre investisseurs et banques se traduit par une extrême rareté e la liquidité et la facturation d'une prime de risque importante lorsqu'elle existe. A l'été 2011, la crise des dettes souveraines perturbe à nouveau les marchés, faisant à nouveau craindre un « crédit crunch ». En parallèle, elle précipite la chute de Dexia, en convalescence depuis 2008. « L'impact sur les collectivités locales a été immédiat, poursuit M. Pélissard. Une enquête de l'AMF et de l'AMGF en 2011 démontre la diminution de l'offre bancaire en volume et l'augmentation des marges. » Le Gouvernement a alors mis sur la table une cagnotte de crédit sur fonds d'épargne de 3 Mds €, rapidement porté à 5 Mds €. De plus, la CDC aura ainsi réalisé 22,1 % des nouveaux prêts en 2011, d'après l'observatoire de Finance Active.
La raréfaction brutale de l'accès au crédit au regard des contraintes de marché et des ratios de fonds propres imposés par les accords de Bâle 3 aux banques, ainsi que la disparition de leur prêteur historique Dexia imposent une triple contrainte financière aux collectivités : une moindre quantité de crédit, des durées plus courtes (Ndlr : 15 ans est désormais la règle) et un coût plus élevé. Même si le secteur public local représente toujours un faible risque, le temps du financement global de la section « investissement » est révolu !
Les travaux publics en font les frais
Conséquence : sans investissement des collectivités locales, ce sont en premier lieu les travaux publics qui trinquent. En effet, 45% du chiffre d'affaires du secteur provient des collectivités. «Les problèmes de nos clients sont nos problèmes », explique Patrick Bernasconi, président de la Fédération nationale des travaux publics.
Et lors d'un débat organisé par la FNTP, le 15 mai dernier, sur le même thème « Crise des finances publiques, redéploiement bancaire : les collectivités locales face aux défis du financement des investissements », Laurent Amar, président de la Fédération régionale des travaux publics de Provence-Alpes-Côte d'Azur observait : « Aujourd'hui, nous n'avons aucune visibilité et des craintes pour notre activité fin 2012, début 2013.» Et Philippe Dallier, sénateur UMP et maire de Pavillons-sous-Bois en Seine-Saint-Denis confirmait ce jour-là : « Les élus locaux sont prudents. Nous avons retardé certains investissements ou les étalons sur deux ans, faute de financement. Même pour trouver 1,5 million d'euros nous sommes obligés d'aller voir plusieurs banques, ce qui était impensable avant !».
Ariane Obolansky, directrice générale de la Fédération bancaire française réagit aux observations des élus. « Les règles de Bâle III ont d'abord pour vocation de renforcer la solvabilité des banques, plaide-t-elle. D'une part en augmentant les ratios de fonds propres, mais aussi et surtout celui des liquidités. C'est cela qui provoque la frilosité des banques et leurs difficultés croissantes à prêter».
En résumé, jusqu'à aujourd'hui, un établissement bancaire pouvait prêter plus d'argent que ce dont il disposait, c'est-à-dire que ses dépôts. C'est terminé. « Si ses clients ont déposé 100, elle ne peut prêter que 100 », glisse un élu. Lorsqu'un particulier ou une entreprise sollicite un prêt envers une banque, celle-ci devient généralement sa banque de dépôt. Alors quelle est la problématique ? « Les investissements publics ne génèrent pas de dépôts, souligne Ariane Obolansky. Mais nous ne nous retirons pas pour autant. Les banques vont prêter 10 milliards en 2012.» Le constat est là. Les banques prêtent moins. L'enjeu est d'anticiper un avenir « flou », au-delà des enveloppes débloquées ponctuellement par la Caisse des Dépôts, c'est-à-dire que 2 Mds € ont été distribués sur la deuxième enveloppe de 5 Mds € ouverte en début d'année 2012. « Il faut aller vers un système pérenne, nous confie Jean-Pierre Balligand, député PS de l'Aisne, membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Je ne suis pas inquiet pour les mois qui viennent. En revanche, la vraie question concerne le moyen terme. »
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