CLIMAT. La présidente du conseil national de l'Ordre des architectes a appelé à débitumer et à se tourner vers les matériaux géo et biosourcés dans les rénovations et constructions neuves. Dans une interview pour Radio Classique, elle a listé un certain nombre de solutions pour s'adapter au réchauffement climatique.
"Nos villes et communes ne sont pas adaptées au réchauffement climatique mais nous avons des solutions de paysage et d'habitat que nous pouvons mettre en œuvre rapidement", a affirmé Christine Leconte, présidente du conseil national de l'Ordre des architectes (Cnoa), dans une interview pour la matinale de Radio Classique ce jeudi 16 juin 2022. Alors qu'une période de canicule s'abat actuellement sur l'Hexagone, elle a été interrogée sur les façons de rendre la ville et les bâtiments plus durables. Elle a appelé notamment à végétaliser et à débitumer les surfaces d'une partie des villes, rappelant que plusieurs degrés de différence s'observent entre le cœur des villes et les campagnes.
Un travail sur les couleurs s'envisage également. "On appelle cela l'albedo, c'est la réflexion de la lumière. Nous allons essayer de faire que les villes aient plus de bâtiments de couleur blanche." Toutefois, c'est la réhabilitation des ouvrages qui a toute son importance dans le monde de demain. "80% de la ville existante compose la ville du futur", a-t-elle estimé.
La rénovation, une solution primordiale
La lutte contre les épisodes de fortes chaleurs est possible en utilisant des matériaux qui possèdent une inertie thermique, en captant la chaleur et en la retenant. "C'est quelque chose que nous savons faire en architecture aujourd'hui", met en avant Christine Leconte. Selon elle, les architectes préconisent de profiter des vents naturels, de construire des logements traversants, d'utiliser des occultations ou encore de travailler la forme et l'épaisseur du bâti. La standardisation de la construction est "une ineptie".
La co-auteure de l'ouvrage "Réparons la ville" (éditions Apogée) a rappelé ce que les climatologues martèlent déjà : "l'augmentation des températures est irréversible". Météo France avait d'ailleurs alerté en 2019 en affirmant que la fréquence des canicules pourrait doubler d'ici à 2050. Face à cet enjeu, la rénovation du parc de bâtiments est inévitable pour la représentante des architectes français. Une façon, selon elle, de lutter aussi contre les pénuries de matériaux. Justement, le choix des matériaux et leurs sourçage deviennent essentiels dans cette équation pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Le bois est une solution "à partir du moment où c'est un matériau local". Celle qui prône les circuits courts souligne que les transports de matériaux jouent un rôle dans la production de CO2. "Il faut utiliser des matériaux ancrés dans leurs territoires, comme le chanvre en Île-de-France, la terre en Rhône-Alpes ou la paille dans d'autres régions." Quant au béton, "l'idée n'est pas de s'en passer", a-t-elle assuré.
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Une autre façon d'aménager le territoire
Interrogée sur la problématique des logements vacants, qui seraient plus de trois millions en France en 2021 selon l'Insee, la porte-parole du Cnoa considère qu'il faut redynamiser les centres-villes, parfois désertés, pour faire face à l'étalement urbain et à l'utilisation de la voiture, nécessaire lorsque l'habitat est éloigné des services et activités. Elle préfère imaginer un nouveau modèle d'aménagement du territoire, qui s'écarterait du concept d'urbanisme industrialisé tourné vers l'usage de la voiture et du 'zoning' [le découpage d'un territoire en zones urbaines] cultivé depuis quelques décennies.
Et si la volonté d'acquérir un logement mêlant confort, calme et proximité avec les services et des espaces extérieurs, l'architecte considère qu'il ne faut plus opposer la maison individuelle aux logements collectifs. "Le parc des maisons individuelles est important, et 60% d'entre elles sont sous-peuplées. D'autres politiques de l'habitat sont à favoriser", a-t-elle ajouté.