ADAPTATION. Les bâtiments et infrastructures, et plus largement le milieu urbain, seraient frappés de plein fouet par les vagues de chaleur amenées à se multiplier avec le réchauffement planétaire, selon le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. C'est notamment sur l'isolation et la régulation de la température des bâtiments que devront se concentrer les efforts en la matière.
Difficile pour le dernier rapport du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), de se faire une place dans l'actualité de ces derniers jours, dominée par le conflit russo-ukrainien après des mois consacrés à la gestion de la crise sanitaire et économique.
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Et pourtant, le sujet qu'il aborde est tout aussi important, pour ne pas dire vital : le changement climatique. "Le monde sera confronté à de multiples aléas climatiques inéluctables au cours des deux prochaines décennies avec un réchauffement planétaire de 1,5°C. Le dépassement, même temporaire, d'un tel niveau de réchauffement entraînera des conséquences graves supplémentaires, dont certaines seront irréversibles. Les risques pour la société augmenteront, y compris pour l'infrastructure et les établissements humains sur les côtes de basse altitude", peut-on lire dans le communiqué résumant le très volumineux rapport de l'organisation internationale (3.675 pages).
Il s'agit plus exactement d'un des volets du sixième rapport d'évaluation du Giec - émanation de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) créée en 1988 et chargée d'évaluer les travaux scientifiques consacrés aux changements climatiques -, volet réalisé par le deuxième groupe de travail, lui-même composé de 270 auteurs représentant 67 pays. Les travaux sont en fait répartis entre trois groupes : le premier est chargé des "éléments scientifiques" de l'évolution du climat ; le deuxième de la vulnérabilité, des impacts et de l'adaptation des sociétés ; et le troisième de l'atténuation du changement climatique. Au total, le Giec compte 195 États-membres, soit la totalité des nations officiellement reconnues par l'ONU.
Les villes vont devoir anticiper
Si tant est qu'il soit possible de synthétiser en quelques paragraphes un si long travail, il s'avère donc que l'augmentation exponentielle des phénomènes climatiques extrêmes, des canicules aux inondations en passant par les sécheresses, vont avoir un impact colossal sur la faune et la flore, mais également sur la population humaine. "Si l'on veut éviter de perdre toujours plus de vies humaines, de biodiversité et d'infrastructures, la prise accélérée de mesures ambitieuses est requise pour s'adapter au changement climatique, tout en réduisant rapidement et fortement les émissions de gaz à effet de serre", notent les spécialistes. Ajoutant : "À ce jour, les progrès en matière d'adaptation sont inégaux et les écarts se creusent entre l'action engagée et ce qui est nécessaire pour faire face aux risque croissants (...)".
Souvent employé à tort et à travers, le terme résilience prend ici tout son sens : dans la mesure où les zones urbaines concentrent plus de 50% de la population mondiale, elles vont devoir anticiper les risques et faire preuve d'adaptation face aux menaces climatiques. "La santé, la vie et les moyens de subsistance des gens, de même que les biens matériels et les infrastructures cruciales comme les systèmes d'énergie et de transport, sont de plus en plus touchés par les aléas dus aux vagues de chaleur, tempêtes, sécheresses et inondations, ainsi que par les phénomènes à évolution lente telle l'élévation du niveau de la mer", pointe le Giec. Et ce alors que l'urbanisation continue à s'étendre et que les agglomérations doivent déjà composer avec une "croissance mal planifiée", un manque de "services de base" et des "niveaux élevés de pauvreté et de chômage". Autrement dit, la lutte contre le changement climatique passerait aussi par une composante de "justice sociale".
"Volonté politique" et financements "adéquats"
Des solutions existent cependant, et certaines sont même déjà à l'oeuvre : "des bâtiments écologiques, un approvisionnement fiable en eau propre et énergie renouvelable, des modes de transport durable" connectant les villes aux campagnes permettent non seulement de réduire l'empreinte environnementale de l'Humanité mais également d'intégrer le plus grand nombre à la société, selon les experts du climat. Encore faut-il agir rapidement : s'il constitue un enjeu mondial, le réchauffement climatique implique des "solutions locales" et surtout très réactives. "Tout retard dans l'action mondiale concertée nous ferait perdre un temps précieux et limité pour instaurer un avenir viable", prévient le co-président du groupe de travail, Hans-Otto Pörtner.
Assurer un développement économique et social résilient dans ces conditions représentera déjà un défi ; cependant ce défi pourra être relevé sans trop de difficultés si l'on parvient à contenir la hausse du réchauffement planétaire à 1,5°C. En revanche, "dans certaines régions, il sera impossible [s'il] dépasse 2°C". Sans grande surprise, le Giec explique qu'il faut mobiliser "volonté politique" et financements "adéquats", tout en réalisant un "transfert de technologies" entre pays.
L'Europe particulièrement exposée aux vagues de chaleur ?
La publication de ce rapport a évidemment suscité des réactions parmi les institutions et entreprises françaises. Rattaché à la Fédération française du bâtiment (FFB), le groupement Actibaie, qui réunit les professionnels des portes, portails, volets et stores, s'inquiète des prévisions alarmistes des spécialistes par rapport aux vagues de chaleur et de sécheresse pouvant frapper le continent européen : "Les bâtiments très isolés, conformes aux normes de construction actuelles, seront vulnérables à la surchauffe (...), à moins que des mesures d'adaptation adéquates ne soient appliquées", d'après le rapport.
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Et Actibaie de confirmer que les pays d'Europe de l'Ouest "sont d'autant plus vulnérables car les installations de protections solaires restent encore limitées", regrettant au passage que volets et stores ne soient pas "valorisés" dans les dispositifs d'aide à la rénovation actuels "alors qu'ils permettent de réduire la température intérieure d'un bâtiment de 3 à 5°C, voire plus si le système est automatisé", précise le délégué général du groupement, Hervé Lamy.
Adapter l'architecture
Le rapport met également en garde sur la hausse de la consommation énergétique pour le refroidissement dans les bâtiments, qui est estimée pour l'Europe du Nord de 31% à 73% d'ici 2050, et même de 165% à 323% d'ici 2100 en comparaison à la période 1996-2005. "En France, le recours à la climatisation dans les logements est passé de 14% en 2016 à 25% en 2020 selon l'Ademe (Agence de la transition écologique). La climatisation est aujourd'hui responsable de près de 5% des émissions d'équivalent CO2 (dioxyde de carbone) du secteur bâtiment. Le rapport du Giec ne fait que confirmer que cette tendance va s'accentuer si nous n'adaptons pas l'architecture de nos bâtiments", poursuit Hervé Lamy.
Du côté du Gouvernement, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili assure que "la France prend toute sa part de l'effort et les travaux sur la nouvelle Stratégie française énergie-climat (Sfec) permettront de renforcer nos actions en ce sens". Comme l'avait expliqué Batiactu en octobre dernier, c'est de la Sfec révisée que découleront les nouvelles versions de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), dont les textes actualisés devraient en principe être adoptés durant le premier semestre 2024.