TRANSITION. Saisi par le gouvernement sur l'article 1er du projet de loi relatif à l'énergie, le CESE a livré, ce 20 février 2019, un avis mitigé sur les modifications apportées au niveau des objectifs nationaux de réductions des consommations et d'émissions de gaz à effet de serre. Décryptage.
Dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour la période 2019-202, plusieurs aménagements ont été apportés par le gouvernement. Le Conseil économique social et environnemental (CESE) a été saisi le 4 février 2019, afin de contribuer au débat sur cette politique publique de l'énergie, se prononçant rapidement, compte tenu du "délai excessivement court qui lui a été laissé". Ce 20 février, Guillaume Duval et Jacques Landriot ont remis l'avis adopté en assemblée plénière par 143 voix pour, aucune contre et 31 abstentions. Et les membres du CESE formulent quelques réserves.
Le rapport rappelle tout d'abord que quatre points ont été modifiés dans les objectifs fixés à la France par la loi de Transition énergétiques pour la croissance verte, adoptée en 2015. Tout d'abord, le fameux "facteur 4" de division des émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990, abandonné au profit d'un objectif de "neutralité carbone" au même horizon. Ensuite, un léger recul sur l'ambition de réduction des consommations d'énergie en 2030, qui passe de -20 à -17 %. En revanche, la PPE modifiée se veut plus exigeante sur la baisse des consommations d'énergies fossiles en 2030, puisque la diminution bondit de -30 à -40 %. Enfin, la programmation recule de dix ans l'abaissement à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique, en le portant à 2035.
Le nucléaire, stop ou encore ?
Le conseil exprime plusieurs recommandations sur ces différents sujets, notamment de "reprendre explicitement (…) l'objectif de baisse de 83 % des émissions de gaz à effet de serre entre 2015 et 2050, prévue dans le projet de Stratégie nationale bas carbone, afin de clarifier les intentions du gouvernement". Sur la cible intermédiaire de 2030, le CESE estime nécessaire de renforcer la réduction des émission de gaz à effet de serre et de maintenir la baisse de consommation énergétique à -20 %. Concernant la consommation spécifique des énergies fossiles, le -40 % semble convaincre les membres du CESE qui souhaitent même aller plus loin, en suivant régulièrement la trajectoire afin de corriger toute dérive, en préparant la fermeture des dernières centrales à charbon du territoire (ou leur mutation vers des solutions décarbonées) et en prévoyant des contrats de transition écologique (CTE) pour leurs territoires. L'impact écologique des véhicules électriques devra être pris en compte puisque les auteurs du rapport souhaitent que les pouvoirs publics incitent d'avantage à une évolution des modes de transport.
Au sujet du nucléaire, le décalage de 2025 à 2035 pour ramener à 50 % sa part dans l'électricité française, le CESE se dit confronté "à un dissensus" en son sein. "Certains groupes considèrent comme possible de ne repousser l'objectif qu'à 2030", tandis que d'autres sont favorables à l'échéance 2035, voire à un report encore au-delà. Un "délai supplémentaire" qui "ne règle en rien la question de l'avenir de cette filière et de sa place future dans le mix énergétique français". Un débat spécifique sur la question de l'atome civil sera lancé au cours de la législature actuelle, débat auquel participera le CESE. Le président de la République avait en effet annoncé, en novembre 2018, qu'il lui faudrait pouvoir trancher en toute connaissance de cause en 2021, suite à la remise d'un rapport d'EDF sur la possibilité d'un programme de construction de futurs réacteurs, à un coût moins élevé que l'EPR de Flamanville. Le conseil économique social et environnemental rappelle "que les capacités en place ne doivent pas conduire à freiner les actions en matière de maîtrise de la demande d'électricité, ni à faire chuter les prix sur les marchés, au risque de mettre l'ensemble des filières de production en difficulté". Enfin, même s'il n'a pas été saisi sur l'article 2 du projet de loi, le CESE s'interroge sur la création d'un Haut conseil pour le climat auprès du Premier ministre, une instance supplémentaire qui ne réglerait pas les difficultés de gouvernance de la transition énergétique. "Pour le CESE la priorité devrait être donnée à une meilleure coordination des instances existantes", conclut le document de synthèse.
"Make our PPE great again" est le slogan choisi par un ensemble d'acteurs du gaz renouvelable (AFG, ATEE, Capeb, Coénove, FFB, FNCCR, GRDF, GRTgaz, Synasav, SER, Uniclima…) pour interpeller le président de la République, en pleine page dans plusieurs titres de la presse quotidienne nationale (dont Le Monde). Ils rappellent les avantages de cette énergie "produite localement et permettant la valorisation de déchets, d'effluents agricoles et de cultures intermédiaires", capable de créer des revenus pour les agriculteurs et des emplois non délocalisables, tout en contribuant à la lutte contre le changement climatique. La quarantaine de signataires exhortent Emmanuel Macron à donner aux acteurs des territoires les moyens d'accompagner l'essor de cette énergie au sein d'un mix énergétique rééquilibré.