URBANISME. Derrière le projet "Réenchanter les Champs-Elysées", la Ville et le comité Champs-Élysées prévoient de végétaliser la zone et, à terme, d'y réduire la circulation de véhicules. L'architecte Philippe Chiambaretta et son agence PCA-Stream ont été missionnés pour cela.
Paris veut redonner de la grandeur à l'une des plus célèbres avenues au monde. La Ville veut transformer les Champs-Élysées pour en faire un lieu agréable de promenade, comme cela était le cas il y a une quarantaine d'années, tout en répondant aux défis du changement climatique. Densification, crise des gilets jaunes, attentats… Plusieurs facteurs ont négativement marqué la zone aménagée en 1670 et se sont répercutés sur son activité économique. Une co-construction, entre le public (la Ville) et le privé (le comité des Champs-Élysées), a permis un processus de dialogue sur le futur de cet axe mythique. Ce projet collaboratif a inclus tous les acteurs concernés par l'avenue, qu'ils soient économiques, culturels, institutionnels ou politiques. "Je veux que les Parisiens retrouvent le goût pour les Champs-Élysées, en permettant leur piétonisation", a affirmé l'édile de Paris, Anne Hidalgo, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 11 mai 2022 au Théâtre du Rond-Point, à quelques pas de l'avenue.
Qu'est-il prévu ?
L'artère de deux kilomètres connaîtra des travaux d'embellissement avant 2024, comme l'harmonisation esthétique des terrasses, la rénovation des allées des jardins, ainsi que la plantation d'arbres et un embellissement paysager. Sur la partie haute de l'avenue, les trottoirs seront rénovés, le mobilier urbain restauré, les traversées piétonnes facilitées et les pieds des 400 arbres végétalisés. L'objectif ? Réduire la pollution atmosphérique générée par les automobiles, sans pour autant diminuer le trafic motorisé sur l'avenue.
La maire veut présenter une nouvelle avenue aux habitants comme aux visiteurs en vue des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Au bout des Champs, des jardins abîmés par le temps et très peu utilisés par les habitants seront magnifiés pour devenir des espaces de plantation et de promenade. Au total, 107 arbres seront plantés et des pelouses seront ouvertes, comme sur le carré Marigny. "Nous préparons la ville au réchauffement climatique en apportant de la fraîcheur", explique la maire de Paris. L'architecte Philippe Chiambaretta et son agence PCA-Stream se chargeront de ces mutations. Celui qui souhaite sublimer l'héritage du XIXe siècle des grands jardins des Champs considère la mission "difficile et impressionnante". Avec ce projet, il espère réactiver le lien entre les habitants et l'avenue. "Notre rôle, en tant qu'architectes, est de réfléchir à ce que la ville soit une vitrine plus durable et désirable pour tous", déclare-t-il.
à lire aussi
De nouvelles terrasses
Dans le même temps, le comité a missionné le designer Ramy Fischler pour imaginer l'harmonisation esthétique des 23 terrasses et contre-terrasses de l'avenue. Celui-ci veut leur donner une autre identité, en préservant la personnalité des enseignes. "Nous créerons une signature qui identifiera les Champs-Élysées et permettra un aménagement plus inclusif pour les personnes à mobilité réduite, les familles et personnes âgées", expose le designer. Il travaillera également à la sécurisation de l'avenue en jouant sur le mobilier et l'éclairage. "Notre projet de fabrication sera vertueux et local, avec l'utilisation d'un maximum de matières biosourcées voire réemployées."
Pour Marc-Antoine Jamet, président du comité Champs-Élysées, "ce projet est essentiel et nécessaire, pour faire vivre l'excellence française et l'art de vivre européen. Nous remarquons le retour des touristes internationaux, de plus en plus nombreux." Il considère que l'avenue ne doit pas rater son virage écologique, économique, culturel et numérique. Mais pour cela, il faut permettre d'en "changer les usages et fonctionnalités".
Et après 2024 ?
D'autres travaux sont prévus. Reste que le comité et la Ville doivent définir les contours de ceux-ci. Anne Hidalgo ne s'en cache pas : "Nous allons réduire la place de la voiture, c'est comme ça qu'on doit envisager la ville de demain." L'agrandissement de l'anneau piéton de l'Arc de Triomphe permettra aux visiteurs de faciliter son accès et d'observer l'ouvrage avec plus de sérénité. Pour ce faire, la réduction de la circulation automobile est inévitable.
La place de la Concorde est étudiée pour être modifiée après les Jeux, tout comme l'avenue Montaigne et l'avenue de la Grande Armée. "L'enjeu autour de la place de la Concorde est important. Un flot de visiteurs s'arrête à la fin du jardin des Tuileries et rebrousse chemin, au lieu de continuer vers l'avenue", affirme Philippe Chiambaretta, qui veut faciliter la traversée vers la place et permettre un accès à l'obélisque de Louxor. Post-Jeux olympiques, les jardins pourraient comporter des jeux pour enfants et même des parcours sportifs. Une autre suggestion serait d'ajouter des kiosques gastronomiques, pour retrouver "l'esprit de la promenade". Les porteurs de ce projet souhaitent également que les connexions à la Seine soient développées, ainsi que les souterrains, tunnels et sous-sols.
Pour Jeanne d'Hauteserre, maire du VIIIe arrondissement, cette transformation est une bonne nouvelle pour ce lieu qu'elle qualifie de "vitrine de la capitale, qui souffre de la perte de sa splendeur depuis quelques années". Selon elle, le succès que connaissent les dimanches piétonnisés une fois par mois "atteste de la possibilité pour les Champs-Élysées de devenir un lieu de promenade". Au total, 24 millions d'euros sont investis dans ce projet d'aménagement, avec un apport de la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) de six millions d'euros.