PROPOSITION DE LOI. Dans la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 juin, le Sénat a adopté une proposition de loi PS-LR instituant un « Pacte national pour la revitalisation » de 700 centres-villes et centres-bourgs. Ce texte est perçu comme un complément à la loi Elan, récemment adoptée elle aussi.
Après la loi Elan, le Pacte national pour la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs est dans les tuyaux. Durant la nuit du jeudi 14 au vendredi 15 juin, les sénateurs ont adopté en première lecture une proposition de loi portant ce Pacte, avec 288 voix pour et 0 contre, les groupes LREM (La République en marche), RDSE (Rassemblement démocratique et social européen, à majorité radicale) et CRCE (Communiste, républicain, citoyen et écologiste, à majorité communiste) s'étant abstenus. Malgré cela, le texte a été cosigné par 230 sénateurs (sur 348) de toutes sensibilités politiques. D'après le Palais du Luxembourg, un tel soutien de masse à une initiative parlementaire est rarissime, puisqu'il faut remonter à 1997 pour retrouver pareille unité.
"Les centres-villes et centres-bourgs meurent"
La proposition législative résulte d'un rapport d'information des sénateurs du Doubs Martial Bourquin (PS) et du Cher Rémy Pointereau (LR), rapport fait au nom des délégations sénatoriales aux entreprises et aux collectivités territoriales. Le parlementaire socialiste, cité par l'AFP, a déclaré : "Une chose est sûre, nous ne pouvons pas laisser nos centres-villes et nos centres-bourgs dans l'état où ils sont, c'est un élément d'aggravation de la crise […], un cocktail terrible de problèmes structurels". Pour sa part, le sénateur LR a déclaré : "Les centres-villes et centres-bourgs meurent ; le taux de vacances commerciales atteint dans de nombreuses villes plus de 20%, jusqu'à 29% à Calais et 26% à Vierzon. Plus de 700 villes sont en grande difficulté, plusieurs centaines de bourgs également. […] C'est que nous avons autorisé beaucoup trop d'implantations commerciales".
Un texte qui "vise à en finir avec la culture de la périphérie et à réguler l'e-commerce"
Alors concrètement, de quoi s'agit-il ? La proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ambitionne d'en "finir avec la culture de la périphérie et à réguler l'e-commerce", selon Rémy Pointereau. Ce Pacte, présenté comme autofinancé, prévoit un certain nombre de mesures qui seront à disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements. Sont ainsi proposées la réduction de la fiscalité en centre-ville, l'offre de logements et de locaux adaptés et à un prix abordable en centre-ville, ou encore la réduction du poids des normes freinant l'installation dans des immeubles de centres-villes, considérés comme complexes et coûteux à réadapter. Pour mettre en œuvre ces mesures, il sera possible de recourir à des Opérations de sauvegarde économique et de redynamisation (Oser) créant des régimes dérogatoires ainsi que des dispositifs exceptionnels. De plus, la modernisation du commerce de détail, qui passe selon les sénateurs par la professionnalisation, la formation, et la mise à profit de l'évolution vers le e-commerce (avec instauration d'une taxe sur les livraisons découlant de ce dernier), est également mentionnée dans le texte. Les parlementaires de la Chambre haute ont en outre créé la possibilité légale d'organiser des moratoires locaux, notamment pour réguler les implantations de grandes surfaces.
Elus et professionnels soutiennent le Pacte
L'initiative sénatoriale a d'ores-et-déjà suscité beaucoup d'adhésions, à commencer par les élus locaux. Par la voix de François Baroin, son président, l'Association des maires de France s'est positionnée en faveur du texte, tout comme l'Association des maires ruraux de France ainsi que l'Association des petites villes de France. Le monde professionnel s'est également déclaré favorable à la mise en place du Pacte, à l'instar de l'Union des entreprises de proximité (U2P). La Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF), la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteurs (CFBCT) ont elles aussi apporté leur soutien à la proposition, en publiant une tribune dans Les Echos et en lançant une pétition en faveur du texte législatif.
Un complément à la loi Elan ?
Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires qui s'est récemment félicité de l'adoption par l'Assemblée nationale de la loi Elan, a affirmé que la proposition de loi des sénateurs comprenait des mesures "innovantes, notamment en matière d'urbanisme commercial". D'après l'AFP, il a même déclaré aux parlementaires du Palais du Luxembourg : "Faisons de la concomitance de l'examen de cette proposition de loi avec le projet de loi sur le logement Elan, une force". Les deux textes législatifs peuvent-ils se compléter et contribuer ainsi à atteindre leur objectif commun ? L'affaire reste à suivre. Sachant que de toute façon, le Pacte national de revitalisation des centres-villes doit maintenant être adopté dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale pour pouvoir entrer en vigueur. Mais les sénateurs espèrent bien que leur initiative complètera le plan "Action cœur de ville" porté par le gouvernement (et dont une liste de villes a été établie), et que ce dernier renforcera son dialogue avec la Chambre haute sur l'aménagement des territoires.
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L'association Villes de France appelle aussi l'Etat à faciliter le plan "Action cœur de ville"
L'association Villes de France, qui regroupe 600 agglomérations et 300 intercommunalités, pour un maillage territorial couvrant 32 millions d'habitants, était réunie en congrès ces 14 et 15 juin 2018 à Cognac. Dans une résolution diffusée le vendredi 15 et citée par l'AFP, l'organisation demande à l'Etat de faciliter la mise en œuvre des projets portés par les maires et présidents d'intercommunalités dans le cadre de ce plan à 5 milliards d'euros sur 5 ans. Les édiles attendent du gouvernement "les simplifications normatives en matière de construction et d'habitat, la mise en place du cadre juridique pérenne des Opérations de revitalisation des territoires". De même, ils réclament "de nouvelles mesures législatives pour maîtriser les effets parfois négatifs de la concurrence des grandes surfaces commerciales en périphérie de villes", rejoignant ainsi la proposition de loi sénatoriale.