EMPLOI. Crise économique du coronavirus oblige, le marché de l'emploi des cadres a dégringolé de 17% en 2020, selon l'étude annuelle du cabinet Robert Walters. Une certaine résilience a pourtant été observée, même si, dans le BTP, les défis et les incertitudes ont été - et restent - nombreux.
Comme on pouvait s'y attendre, le marché du travail a fait les frais de la crise sanitaire et économique du coronavirus. Mais les cadres n'ont pas été davantage protégés que les autres catégories socio-professionnelles : en 2020, leur emploi a dégringolé de 17% par rapport à 2019, d'après l'étude annuelle sur la rémunération des cadres (tous secteurs d'activité confondus) réalisée par le cabinet de recrutement Robert Walters. Rien qu'entre avril et mai, les embauches se sont même effondrées de 50% ! Au final, environ 200.000 recrutements de cadres auront été réalisés sur l'année, selon les statistiques de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec). Malgré cela, tout n'est pas négatif dans le bilan de l'année écoulée aux yeux des analystes : "Le marché a pourtant été incroyablement résilient : en France, les cadres ont résisté grâce au télétravail, aux CDI... Bien sûr, l'avenir reste incertain, et il existe des disparités très fortes entre secteurs et même dans les secteurs, selon les stratégies des chefs d'entreprises", note la directrice générale de Robert Walters France, Coralie Rachet.
Les entreprises de la construction misent sur des "postes d'experts" en vue de l'entrée en vigueur de certaines textes, comme la RE2020 et du décret tertiaire
Dans le secteur de la construction, les rémunérations ont stagné "après l'euphorie de ces dernières années", relève Arnaud Monteil, directeur associé chez Robert Walters. "2020 a été une année extrêmement challengée pour le BTP, avec beaucoup de projets immobiliers qui ont été stoppés et qui ont eu, par ricochet, des incidences sur le secteur de la construction. Le calendrier électoral n'a pas non plus aidé." Notant au passage le "manque chronique, conjoncturel" de "talents" dans le bâtiment et les travaux publics, l'analyste affirme aussi que l'arrivée de textes particulièrement importants pour le secteur, comme le décret tertiaire ou la Réglementation environnementale 2020, obligent les professionnels à "miser sur des postes d'experts" pour anticiper au mieux la prise en compte de ces nouvelles contraintes.
"La sécurisation du fixe est l'élément de décision le plus important" poursuit Arnaud Monteil, citant l'exemple de la prise en compte du montant du panier-repas dans la réflexion des candidats. Quant à l'immobilier, "il a été très impacté avec une baisse de 25%, surtout les métiers de la promotion", tandis que ses salaires suivent également une tendance plate. En revanche, les filières des énergies renouvelables - photovoltaïque, éolien, hydrogène... - profitent d'"une très bonne dynamique qui devrait se poursuivre", selon Philippe Artero, directeur associé.
Le télétravail, "une révolution"... et "des risques"
Un constat qui rejoint un autre chiffre mentionnée par l'étude : tous secteurs confondus, 26% seulement des cadres s'attendent à recevoir une augmentation en 2021 - ils étaient 73% début 2019. Avec 63% qui se disent confiants quant au marché de l'emploi dans leur domaine d'activité mais 61% qui pensent néanmoins changer de poste dans l'année, les analystes parlent d'un "optimisme relatif" pour un exercice 2021 où il risque d'y avoir du mouvement, en dépit de nombreuses incertitudes qui planent encore sur les acteurs économiques. Sur le plan des ressources humaines, trois tendances fortes semblent s'être dégagées de l'année dernière : déjà, le recrutement en ligne - en tout cas à distance -, puisque 70% des entreprises qui avaient une procédure d'embauche en cours l'ont tout de même finalisé en dépit de la crise du Covid-19.
Ensuite, le télétravail, "une révolution, sans débats" pour Coralie Rachet, aujourd'hui devenu un acquis pour un très grand nombre de salariés, et notamment de cadres. Ces derniers ont là encore été "préservés", dans la mesure où ils ont pu bénéficier quasi-instantanément de cette pratique qui s'est rapidement généralisée. Le télétravail serait même devenu le deuxième critère d'attractivité des postes à pourvoir, avec l'autonomie et la flexibilité, et devant la rémunération. L'étude de Robert Walters indique que 90% des cadres se disent autant, voire plus productifs en télétravail que sur leur lieu de travail. Mais, dans le même temps, 38% estiment que leur métier a moins de sens depuis l'avènement de la pandémie. D'où une nécessité de relativiser le rôle et la place du télétravail pour la directrice France de Robert Walters : "Le télétravail appauvrit beaucoup l'expérience du travail. Cela ne fait pas non plus débat qu'il faut recréer de l'engagement", prévient-elle. "Il faut donc nuancer l'intérêt du télétravail, surtout quand on voit les risques, non seulement professionnels, mais aussi psycho-sociaux."
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Enfin, la troisième tendance de fond concerne les "soft skills", ou en bon français, les compétences de base - qui renvoient en fait aux caractères, aux attitudes, au relationnel et autres interactions sociales. Celles-ci sont plus que jamais recherchées : la moitié des entreprises interrogées dans l'étude citent la communication comme étant l'atout le plus recherché chez les futurs collaborateurs. "On est dans une période où on a besoin de recréer de la confiance, de la transparence." En 2021, les fonctions cadres les plus demandées devraient in fine tourner autour de l'ingénierie, de la chaîne d'approvisionnement mais aussi des technologies de l'information et du digital, notamment en raison des enjeux de plus en plus cruciaux autour de la data et de la cybersécurité. Les métiers financiers (directeur administratif et financier, comptable...) et juridiques seront également plébiscités, sans oublier bien sûr les postes RH, qui se retrouvent "au coeur de la crise" pour en gérer les conséquences.