TRANSITION ÉCOLOGIQUE. Dans un monde où les ressources s'épuisent comment le bâtiment peut-il faire pour s'inscrire dans une logique d'économie circulaire et même aller plus loin, en générant un impact positif ? Eléments de réponse avec le collectif C2C qui organisait ce 18 septembre 2018 une matinée sur le sujet.
La réduction de l'empreinte environnementale n'est pas suffisante et viser un simple "0", qu'il s'agisse de déchets, d'énergies ou d'émissions de gaz à effet de serre, n'est pas motivant. De la même façon que les constructions à énergie positive produisent encore plus qu'elles ne consomment, permettant d'en faire profiter d'autres aux alentours, tout le secteur du bâtiment pourrait-il envisager une révolution vertueuse où son impact serait positif, sur l'environnement et sur la société ? Oui, répondent en chœur les membres de la Cradle to Cradle Community (C2C) qui présentaient, ce mardi 18 septembre 2018, différents exemples de démarches d'économie circulaire appliquée au BTP.
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L'analogie de l'arbre et de la feuille morte
Dans ce nouveau paradigme, le déchet ne serait plus un sous-produit dont il faut payer pour se débarrasser mais, au contraire, une ressource nouvelle, valorisable qui aurait un intérêt pour un autre acteur économique. Les spécialistes réunis livrent l'analogie suivante : "Les feuilles mortes qui tombent de l'arbre ne sont pas un déchet à éliminer : elles viennent nourrir le sol et d'autres organismes de l'écosystème". D'où l'idée d'adopter certains principes de base pour convertir le secteur de la construction. Eric Allodi, directeur général d'EPEA France (Environmental Protection Encouragement Agency), déclare : "Tout d'abord, il faut vouloir avoir une empreinte positive et ne pas penser en termes de déchets mais de ressources. Il est possible de rendre l'air et l'eau plus sains, d'améliorer la mobilité, la flexibilité, la qualité de vie ou l'activité économique et l'innovation". Ensuite, lors de la conception des bâtiments, il faudra considérer l'édifice comme une banque de matériaux. "Les choix initiaux sont donc importants, avec des matériaux sains et upcyclables". Car il ne faudra plus seulement chercher à valoriser énergétiquement les rebuts mais bien à envisager un autre usage, potentiellement créateur de plus-value. Stéphanie Chevallier, qui mène un projet pilote chez Nexity, ajoute : "Les composants, produits et systèmes devront être démontables, remplaçables ou réemployables à l'infini". Car il n'y a que des bénéfices à ce type de démarche : "Cela consomme moins de matière première et moins d'énergie, cela émet moins de gaz à effet de serre, cela génère moins de nuisance et cela évite la production de déchets. Il y a donc un intérêt économique et de multiples opportunités", énumère Thierry Laquitaine, président de Circolab.
Autre priorité : penser de manière "écosystémique" globale. Eric Allodi reprend : "Cela consiste à mutualiser les espaces et les compétences, les réseaux d'approvisionnement en eau, chaleur ou énergie". Dans le cadre du projet de l'îlot Magellan, ZAC de l'Arc Sportif à Colombes (Hauts-de-Seine), Nexity expérimente une démarche circulaire avec constitution d'un écosystème d'acteurs industriels variés et complémentaires. La déconstruction sélective d'anciens bureaux de Thales (pour les remplacer par des logements neufs) approvisionnera différentes filières d'upcyclage et de réemploi. C'est l'ingénieure Chloé Bosquillon d'EPEA France, qui résume les étapes : "Tout d'abord, il faut définir les responsabilités. Ensuite, recenser et caractériser les matériaux et ressources disponibles. Puis identifier les besoins existants sur d'autres chantiers. Il sera alors possible de créer un écosystème en mettant en relation les acteurs. Vient une étape de contractualisation avant la dépose sélective. Il faut enfin assurer le suivi du processus, développer une assurance qualité et dresser le bilan de l'expérience". C'est la plateforme numérique Upcyclea qui est employée pour mener à bien ce projet de diagnostic et de constitution des filières. Thierry Laquitaine rappelle toutefois qu'un gros travail restera à mener avec les assureurs et le CSTB pour parvenir à qualifier et réassurer en toute confiance les matériaux réutilisés.
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Demain la ville transformée
A la métropole européenne de Lille, on pense même déjà à l'échelle supérieure, celle de la cité et des territoires à impact positif. C'est Jamila Bentrar, prospectiviste, qui le dévoile : "Jusqu'alors le processus de création de la ville était linéaire : études - montage - réalisation - commercialisation - usage. Une approche lente, sur des dizaines d'années, qui consomme des ressources foncières, matérielles, humaines et financières, qui ne permettait pas de s'adapter à l'évolution des usages. Un nouveau processus sera une approche circulaire de transformation de la ville, avec la réutilisation du foncier - qui est la richesse des territoires - et de la matière - qui est celle des constructeurs". La spécialiste ajoute qu'il sera indispensable de faire participer les futurs utilisateurs finaux pour bien répondre à leurs besoins. A défaut, "il faudra privilégier la modularité et les modes constructifs agiles". L'idée force pour tous les membres du collectif C2C est donc de changer de paradigme et passer du cercle vicieux "Éviter, réduire, compenser" au cercle vertueux "Préserver, améliorer, développer sans dégrader". Une idée plus positive, à-même de mobiliser toutes les énergies collectives.