ENVIRONNEMENT. La série de séismes enregistrée le 4 décembre 2020 au matin aura finalement eu raison du projet de centrale géothermique portée par l'entreprise Fonroche sur les communes de Reichstett et Vendenheim, au nord de l'agglomération strasbourgeoise. Un arrêté préfectoral ordonnant "l'arrêt définitif" des opérations a été pris ce 7 décembre. Les professionnels de la filière, eux, s'expliquent sur le fonctionnement des activités et les enjeux de cette source d'énergie.
Ce furent les séismes de trop : après la série de secousses enregistrée le 4 décembre 2020 au matin - car deux tremblements de magnitude 3,5 et 2,6 ont d'abord été enregistrés à 06h59, avant qu'un autre de magnitude 2,8 ne survienne à 11h10 -, les autorités locales ont décidé de mettre un terme aux activités de l'entreprise Geoven, filiale de Fonroche Géothermie, qui construisait jusqu'alors une centrale de production d'électricité sur les communes de Reichstett et Vendenheim, au nord de l'agglomération strasbourgeoise. Présentée comme une énergie locale et renouvelable, et inscrite dans les plans locaux de transition énergétique, la géothermie est devenue depuis quelques temps, et a fortiori depuis le début du mois, la cible de virulentes critiques, aussi bien des citoyens que des responsables politiques.
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Face à cette situation, la préfète du Bas-Rhin (qui est aussi préfète de la région Grand Est) a pris ce 7 décembre un arrêté "ordonnant l'arrêt définitif des opérations de forages géothermiques, de simulation hydraulique des puits et de tests" menées par Fonroche. "Ce projet, implanté dans une zone urbanisée, n'offre plus les garanties de sécurité indispensables et doit donc être stoppé", a annoncé la préfecture dans un communiqué cité par l'AFP. Une décision qui doit permettre d'"éviter au maximum tout nouveau mouvement sismique", alors que les tremblements de terre se sont multipliés ces derniers mois dans la région de Strasbourg suite au creusement de deux puits de 5 kilomètres de profondeur chacun. Toujours d'après l'agence, le projet porté par Fonroche devait à terme approvisionner de 15.000 à 20.000 logements en électricité et 26.000 en chaleur directe. Les investissements de l'entreprise étaient montés à une centaine de millions d'euros, pour une mise en service de la centrale programmée en 2021.
Des réactions sismiques qui seraient "principalement" dues aux tests de mise en route
Les professionnels de la filière géothermique, qui ont reconnu dès le 4 décembre auprès de Batiactu que les secousses du jour-même étaient incontestablement liées aux activités de mise en route de la centrale de Geoven, confirment maintenant le déroulé de la procédure administrative amorcée par l'arrêté préfectoral : "Suite à l'évènement du 4 décembre et à la demande des autorités, l'opérateur a décidé de procéder à l'arrêt progressif et complet de la circulation d'eau géothermale entre les deux puits forés à 5 km de profondeur. Il procédera ensuite aux analyses détaillées avec les experts de l'État, des milieux académiques et industriels pour comprendre l'origine de ce phénomène et en tirer toutes les conséquences", explique un communiqué de l'Association française des professionnels de la géothermie (AFPG) envoyé à Batiactu.
Le secteur tient malgré tout à faire preuve de pédagogie en rappelant le fonctionnement des opérations de forage et les enjeux de l'énergie souterraine : "La géothermie profonde dans les réservoirs géologiques de la Plaine du Rhin a montré que la sismicité est un processus associé principalement aux phases de test sur les forages et de mise en route. Cette sismicité est mesurée et contrôlée durant toute la phase de construction des installations et également en phase d'exploitation, durant laquelle les évènements ne sont généralement pas ressentis." L'AFPG rappelle au passage que les travaux de forage sont "strictement" encadrés par les autorités et menés en concertation avec les acteurs locaux, publics comme privés.
Un évènement malvenu à l'heure des choix de transition énergétique
Si les réservoirs géologiques du bassin rhénan ont fait l'objet d'opérations récentes de géothermie profonde, les professionnels insistent pour ne pas créer d'amalgame avec les autres types d'activités qu'ils sont amenés à réaliser et qui participent de l'approvisionnement énergétique des ménages français. Ainsi, les "opérations de géothermie de surface comprise entre 0 et 200 mètres de profondeur" alimentent les réseaux de chaleur et de froid de "milliers d'habitations", pendant que les "opérations de géothermie profonde sur des nappes aquifères situées dans des couches géologiques sédimentaires" fournissent du chauffage à "plus d'un million d'habitants". À l'heure des débats autour de la stratégie énergétique de la France et de la transition écologique, l'AFPG estime que "ces épisodes sismiques ne remettent pas en cause la pertinence de la géothermie profonde dans ce type de géologie comme solution décarbonée pour la transition énergétique des territoires français".
Et de citer des sites déjà exploités aujourd'hui, comme ceux de Rittershoffen et de Soultz-sous-Forêts côté français, et de Landau et de Insheim côté allemand. Afin d'actualiser "les règles de l'art" de la géothermie et de mieux faire accepter ce genre de projets, un groupe de travail composé de professionnels a en outre été institué au sein de l'association. Pour autant, le secteur admet que des leçons doivent être tirées du cas Vendenheim, une démarche à ses yeux "d'autant plus nécessaire qu'elle permettrait à la France de disposer d'atouts importants pour faire face au colossal défi des enjeux climatiques".
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Produire de la chaleur renouvelable... et extraire des matériaux "stratégiques"
Ceci dit, la production de chaleur renouvelable n'est pas le seul aspect à considérer dans ce domaine : en effet, les activités géothermiques et les opérations de forage qu'elles impliquent permettent aussi de procéder à l'extraction de minéraux dits "stratégiques", comme le lithium. Ce qui n'est pas négligeable dans un contexte où les besoins en électricité - pour les batteries des voitures rechargeables par exemple - ne cessent de grimper. Et ce qui fait dire à la filière géothermique qu'elle a d'ores-et-déjà engagé "une montée en puissance sur le long terme" afin de pouvoir justement répondre aux enjeux énergétiques.