CONJONCTURE. Les entreprises de travaux publics de la région déplorent le manque de visibilité pour les prochains mois et la première moitié de l'année 2021. Car les carnets de commandes s'épuisent tandis que le nombre d'appels d'offres lancés est toujours en berne. Un exemple qui illustre l'inquiétude du secteur sur l'ensemble du territoire national.
-37%. Cette tendance correspond au niveau des appels d'offres en Auvergne-Rhône-Alpes sur les dix premiers mois de l'année 2020. Un chiffre un peu en-dessous de la moyenne nationale, elle-même à -34%. "La situation est donc plus que préoccupante", s'alarme Pierre Berger, président de la Fédération régionale des travaux publics Auvergne-Rhône-Alpes (FRTP Aura), présentant ces chiffres lors d'une conférence de presse organisée le 3 novembre 2020.
Elle est par ailleurs assez paradoxale, juge-t-il. En effet, "nous sommes beaucoup moins impactés par ce 2e confinement car nous sommes devenus une activité prioritaire. Nous avons la chance de pouvoir continuer à travailler, mais dans certaines activités, nous avons tellement peu de perspectives que des demandes de chômage partiel sont parfois en cours". Car si depuis la reprise du mois d'avril, la profession avait pu s'appuyer sur des carnets de commandes solides, force est de constater qu'ils fondent de plus en plus rapidement, sans se remplir à nouveau.
Des situations différentes selon le type d'activités et de donneurs d'ordre
"Certaines entreprises ont très peu de visibilité, les activités routières sont particulièrement impactées, avec parfois seulement 3 à 4 semaines de travail devant elles, ce n'est rien. Les canalisateurs commencent aussi à voir ce sujet se dresser devant eux", alerte le président. A l'inverse, les activités autour de l'énergie électrique ou de la fibre optique restent soutenues.
En se penchant plus particulièrement sur les catégories de collectivités locales, on remarque que les départements, donneurs d'ordre importants pour la route, semblent redresser la barre. Bien que les appels d'offres soient en recul de 16% depuis le début de l'année, "la semaine dernière, la croissance était de 100% par rapport à la même période l'an dernier. Ils ont relancé la machine pour rattraper le retard", veut croire Pierre Berger. A l'inverse, c'est du côté des communes, "nos clients les plus nombreux", que la situation est la plus tendue, avec une baisse de 50% du nombre d'appels d'offres depuis le début de l'année.
Un premier semestre encore plus tendu dans le Rhône, en attendant les projets métropolitains
Il est en baisse de 27% pour les EPCI, mais avec un point de vigilance du côté de la métropole de Lyon "où la machine est complètement à l'arrêt, s'inquiète René Coiro, s'exprimant au nom des entreprises du département du Rhône. Nous enregistrerons une baisse de l'activité de 15% cette année, mais nos perspectives sont dramatiques pour 2021 à cause de cela : nous envisageons un recul de 35 voire 40% pour le premier semestre".
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Pourtant, la métropole a des projets importants, et "nous dialoguons beaucoup avec les nouveaux élus", se satisfait-il. Le Sytral, le syndicat mixte en charge des mobilités, doit presque doubler ses investissements et 60km de tram sont prévus durant le mandat. Les aménagements de voirie, notamment en faveur des mobilités douces, remplaceront de leur côté les gros travaux routiers. Mais les projets ne sont pas lancés, "et donc nous avons au moins 6 mois d'inertie devant nous", se lamente René Coiro.
Des outils sous-utilisés
Pourtant, les outils et certains financements sont là et devraient faciliter le lancement de projets. "Le plan de relance est lancé, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ont été augmenté. Les départements proposent également des subventions d'investissement. Cela permettrait d'accélérer certaines décisions, mais ils sont sous-utilisés, regrette Pierre Berger. Par ailleurs, en dix ans, la santé financière des collectivités locales s'est nettement améliorée, avec des niveaux de trésorerie important et de meilleures capacités d'endettement."
Sans parler des marchés à bon de commandes, qui permettent "d'éviter des démarches administratives" et d'aller vite, ajoute-t-il. Mais "même s'il n'y a aucune raison objective autre qu'une certaine frilosité pour ne pas relancer la machine", rien n'y fait. Pierre Berger implore presque les collectivités locales : "il faut qu'elles reprennent confiance, que nous les encouragions à prendre des décisions. Elles doivent avoir conscience que nous arrivons bientôt au bord de la falaise et que nous pourrions tomber".
Une campagne de communication nationale dans la presse quotidienne régionale
Et à court terme, ce sont des emplois qui sont directement menacés. Situation là encore paradoxale puisque, alors que les TP ont longtemps souffert d'un manque d'attractivité de la part des jeunes notamment, "dans la totalité de nos organismes de formation, nous recevons plus de demandes que ce que nous pouvons satisfaire. Mais si les entreprises ont peu de travail, elles ne seront pas encouragées à embaucher des jeunes. Elles ont d'ores et déjà des difficultés à s'engager sur du long terme, à cause du manque de visibilité".
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Ce qu'il se passe en Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas propre à la région. Les travaux publics sur l'ensemble du territoire sont confrontés aux mêmes difficultés. La Fédération nationale martèle pourtant elle aussi le message depuis plusieurs semaines désormais, en vain pour le moment. Et c'est toujours dans l'optique de sensibiliser un peu plus sur la problématique des appels d'offre qu'une campagne de communication doit être publiée le 4 novembre 2020, dans l'ensemble des titres de presse quotidienne régionale.
L'appel de la FRTP de Bourgogne-Franche-Comté aux élus locaux