CONJONCTURE. Alors que les entrepreneurs commencent à s'inquiéter du niveau de leur activité en début d'année prochaine, la Fédération nationale des travaux publics tire à nouveau la sonnette d'alarme. Car les appels d'offres ne sortent toujours pas, et sans une accélération des projets, le secteur pourrait être en difficulté au premier semestre 2021.
Après l'interruption des activités au début du confinement, une chute des appels d'offres qui est allée jusqu'à 70% et les nombreuses incertitudes qui ont prévalu au cœur de la crise sanitaire, les entreprises de travaux publics ont pensé que la situation pouvait s'améliorer rapidement : "l'Etat a soutenu massivement le monde économique grâce aux prêts garantis par l'Etat et le chômage partiel. Puis, en avril et surtout à partir de mai, nous avons pris le chemin de la reprise et avons rattrapé en partie le retard accumulé. Et beaucoup ont espéré que cela irait mieux à partir de septembre", a rappelé Bruno Cavagné, président de la FNTP, lors d'une conférence de presse le 15 octobre 2020.
Les espoirs se sont cependant vite estompés, et l'état d'esprit des entrepreneurs change même rapidement depuis la rentrée, a-t-il constaté, évoquant même un certain "affolement général". En cause : des appels d'offres qui restent encore inférieurs de 35% par rapport à leur niveau habituel, "voire 45% dans certains secteurs, s'est alarmé le président de la fédération. Dans certains départements, certaines entreprises n'ont même plus rien à partir de ce mois d'octobre".
Des groupes de travail départementaux pour assurer le suivi du plan de relance
Principale explication à cette baisse des appels d'offres, selon Bruno Cavagné : "dans les collectivités locales, le télétravail protège les salariés, mais il ralentit la sortie des appels d'offres", et ne permet pas d'accélérer les projets, même ceux qui sont pourtant quasi-prêts, a-t-il remarqué. C'est pourtant l'un des objectifs affichés du plan de relance : aller vite, pour relancer l'économie.
"Nous avons un problème de temporalité : peu importe le montant du plan de relance, nous devons surtout réussir à dépenser cet argent dans les 18 mois", a réitéré le président de la FNTP. Pour assurer ce décaissement rapide, en plus d'une reprise générale des appels d'offres dans les territoires, et faute de "sous-préfets à la relance" comme il avait été envisagé initialement, Bruno Cavagné aimerait que soient remis sur pied des groupes de travail, similaires à ceux qui avaient permis localement d'organiser la reprise.
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Ces groupes de travail départementaux pourraient associer les préfets, les fédérations professionnelles, les Dreal, et les collectivités locales. "Pour les travaux publics, il s'agirait de faire un état des lieux et de regarder régulièrement, toutes les semaines ou tous les 15 jours, où nous en sommes dans le lancement des appels d'offres. Sans cela, nous n'y arriverons pas. Ce ne sont pas les tableaux de suivi de Bercy qui accélérerons la concrétisation des idées dans les territoires".
Vers un accord de branche sur le chômage longue durée
Et ne venez pas parler de compensation des entreprises à Bruno Cavagné : "Je rappelle que nous sommes engagés depuis plusieurs années pour la formation, l'apprentissage, pour accueillir des stagiaires de 3e, et que nous devons toujours embaucher 200.000 personnes dans les 5 ans. Malgré la crise, l'emploi a jusqu'à présent été préservé dans nos métiers, les entreprises ont continué à jouer le jeu." Mais l'inquiétude commence à se faire sentir pour l'année prochaine.
En effet, alors que l'activité des travaux publics devrait déjà affichée une baisse de 16% pour 2020, le premier semestre 2021 ne s'annonce pas bon pour le moment. Il pourrait même être "vraiment catastrophique", selon les retours d'entrepreneurs auprès de la fédération. Si bien que pour continuer à préserver l'emploi, "nous avons entamé des négociations au niveau de la branche concernant le chômage longue durée", a annoncé le président de la FNTP. Ce qui permettrait de passer les "6 mois compliqués qui se profilent" alors même que la seconde moitié de l'année 2021 est elle aussi incertaine.
Mesures incitatives
Ce choc espéré de la commande publique est d'ailleurs d'autant plus nécessaire que "les travaux publics, comme le bâtiment sont probablement les secteurs qui sont capables de reprendre le plus vite, d'embaucher et de former rapidement", et de tirer l'économie vers le haut, a estimé Bruno Cavagné. Ce qui rend l'accélération des investissements et de la traduction en actes du plan de relance d'autant plus nécessaire selon lui.
Si l'appel n'est pas suffisant, des mesures toujours plus incitatives peuvent encore être imaginées, afin que les pouvoirs publics locaux ne craignent pas d'investir, malgré l'expression d'une inquiétude concernant l'impact de la crise sur leurs comptes. Agir sur le fonds de compensation de la TVA est une idée que la FNTP défend de longue date.
Des mesures de simplification peuvent être aussi envisagées. Et notamment pour aller au-delà du seuil de dispense de publicité pour les marchés publics. Fixé temporairement à 70.000 euros depuis cet été, des députés ont proposé de le passer, provisoirement toujours, à 100.000 euros lors des discussions autour du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (dit Asap). "Bercy estime déjà que c'est compliqué d'aller jusqu'à 100.000 euros, mais il faudrait faire encore plus, provisoirement." Car tous les moyens sont bons pour accélérer la relance.