INTERNATIONAL. Au Bénin, l'agence d'architecture française Arte Charpentier collabore avec les pouvoirs publics pour réaliser la modernisation d'un réseau de marchés dans le pays. Ces espaces ont été repensés pour être modernes, accueillants même lors des horaires de fermeture, et correspondre aux besoins des vendeurs, principalement des femmes.
Le projet est immense. Depuis six ans, l'agence Arte Charpentier mène la construction, modernisation et extension de 29 marchés au Bénin, dont 21 à Cotonou, la capitale économique et plus grande ville de ce pays d'Afrique de l'Ouest.
Le gouvernement béninois souhaite doter 11 communes d'équipements marchands à la fois modernes et fonctionnels. Le projet doit contribuer à l'arrêt de l'occupation anarchique des espaces publics, et permettre une meilleure fluidité des déplacements autour des marchés et une meilleure intégration de ces équipements dans l'environnement urbain. Il vise aussi à réduire l'insécurité et à accroître les ressources financières des communes, en permettant la création d'emplois connexes au fonctionnement de ces espaces.
Tout mener en même temps
"L'un des enjeux de ce projet national est de réussir à gérer autant de projets - très variés en termes de taille, de formes de parcelle et de localisation géographique - dans un temps très court, avec huit agences d'architecture locales et régionales", raconte à Batiactu Nahla Jajo-Legrand, directrice régionale de l'Afrique et du Moyen-Orient pour Arte Charpentier. Ce défi a constitué le point de départ de la réflexion de l'agence. "Nous avons choisi de créer une image commune qui marquerait cette opération."
Ces équipements publics ont pour but de créer "des repères urbains dans la ville et le quartier", dans des cités où "le tissu urbain, très dense, est de très petite échelle, composé de bâtiments R+1 et R+2". Il fallait toutefois respecter le contexte urbain, à la fois climatique et architectural, des sites. Des marchés étaient déjà présents sur les sites choisis, parfois insalubres, très denses et à ciel ouvert. "Ils étaient en tôle et structure bois, montés par les marchands eux-mêmes. D'autres étaient un peu plus structurés mais ne répondaient plus aux besoins, notamment d'hygiène", précise Martin Jover, architecte HMONP chez Arte Charpentier. Les structures existantes n'ont pu être conservées, mais les architectes ont choisi de réutiliser un maximum d'éléments, "pour ne pas perturber les habitudes des usagers". C'est le cas, par exemple, des entrées existantes.
L'agence a également mené "une opération de sensibilisation des usagers, surtout les vendeuses, pour changer leurs habitudes, en respectant les règles d'hygiène et les nouvelles réglementations", continue Nahla Jajo-Legrand. Son équipe a rencontré des vendeurs, des responsables de marchés, les autorités et architectes locaux, afin de réfléchir ensemble à la conception de ces structures.
Une même signature architecturale
L'opération est harmonisée au niveau national, avec une même signature architecturale et l'utilisation de matériaux identiques. Une manière d'aller plus vite dans la phase de réalisation. "Tous les sites ont ainsi le même gabarit, vocabulaire, trame et les mêmes éléments constructifs", précise Nahla Jajo-Legrand. "Deux typologies ont toutefois été imaginées : l'une en forme de halle et l'autre en forme de shed [hangar]", ajoute Martin Jover. "Nous avons eu la démarche d'utiliser des matériaux géosourcés mais il était assez compliqué de se fournir sur place. Nous avons insisté pour mettre en œuvre des briques de terre cuite, qui rappellent la terre locale et font partie de l'identité des marchés. La quantité nécessaire à cette opération a permis de créer une filière et des emplois", se réjouit l'architecte.
Les briques, disposées de façon à créer des parties de murs ajourées, participent aussi à la ventilation naturelle. À l'intérieur des bâtiments, elles créent un jeu de lumière et d'ombre. L'agence voulait aussi déployer du bois du Bénin pour la structure mais a dû se raviser. "Malheureusement, il n'y a pas le savoir-faire local et le bois n'est pas exploité comme il le faudrait", reprend Nahla Jajo-Legrand. La structure est donc finalement réalisée en acier. Tous les projets sont ventilés et éclairés naturellement. En outre, il était important de diviser les activités au sein des édifices. "Nous avons dessiné une zone spécifique pour les sanitaires, une autre pour la réserve, et encore une autre pour les livraisons, alors qu'auparavant, tout était au même endroit."
Un "organisme vivant"
L'agence considère les marchés comme un "organisme vivant". "Ils sont le cœur battant de la vie quotidienne des habitants, qui se rendent tous les jours dans ces zones. Plutôt que d'ériger des murs et clôtures autour comme cela était prévu, nous avons proposé de laisser la zone ouverte aux habitants. Cela permet un lieu de vie, même après la fermeture du marché", explique l'architecte en charge du projet.
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L'agence pour laquelle elle travaille a imaginé une "ceinture" de boutiques (espaces de restauration, salles d'exposition, fablabs, etc.) ouvertes vers l'extérieur, rendant l'équipement urbain "interactif". L'ouverture de ces boutiques sur la rue anime le quartier et aide au contrôle de l'espace public par le marchand lui-même. Toujours sur cette "ceinture", les artistes de chaque ville sont invités à dessiner l'histoire du marché et du quartier, à travers, par exemple, la réalisation de fresques.
De la nature en ville
À cela s'ajoute un traitement paysager mené par Arte Charpentier, avec des parvis plantés et des voies arborées. Une manière d'encourager le vivre-ensemble et de lutter contre les îlots de chaleur. Toutes ces actions ont pour but de générer une "insertion urbaine" des marchés dans leur environnement immédiat et dans la ville, et provoquer in fine un "renouvellement urbain". Ces infrastructures peuvent, à terme, constituer "un repère significatif dans le tissu urbain". Aujourd'hui, neuf bâtiments ont été livrés, d'autres sont encore en travaux ou en consultation. "Le projet a un tel succès que les pays voisins commencent à venir voir à quoi ressemblent ces marchés", sourit Nahla Jajo-Legrand.
Type de projet : Réhabilitation et neuf
Programme : Equipement
Maîtrise d'ouvrage : Ministère du Cadre de vie et du Développement durable (Bénin)
Architecte mandataire : Arte Charpentier
Architectes partenaires : SARA Consult, Champs Urbain, CASA Archi, E-Space, Triumphus, K2AI-A4, Derou Partners, Urba Tropic
Lieu : Bénin
Livraison : 2022 pour certains marchés, d'autres toujours en construction
Surface : 500 m² à 100.000 m²
Démarches environnementales : HQE