ANALYSE. Lors de la présentation de son bilan d'activité 2017, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) n'a pas manqué d'évoquer le sujet des difficultés rencontrées par des assureurs intervenant en libre-prestation de services dans le secteur de la construction. Et pointe notamment le rôle des courtiers grossistes.
L'affaire est "grave", nous confie l'un des responsables de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), gendarme des assurances. Il s'agit des difficultés rencontrées ces derniers mois par des assureurs agissant en libre prestation de services (1) dans le secteur de la construction, situation qui fait peser une menace sur des milliers de contrats d'assurances passés en France. Cela a fait l'objet d'une mise au point lors de la présentation du rapport annuel 2017 de l'ACPR, qui s'est tenue le 28 mai 2018 dans les locaux de la Banque de France.
Un acteur a déjà fait faillite
"Le marché de l'assurance construction est marqué par une série de défaillances touchant plusieurs assureurs intervenant en LPS à partir de différents pays de l'UE", a introduit Bernard Delas, vice-président de l'ACPR. Certains de ces acteurs ne sont plus autorisés à passer de nouveaux contrats, ou à renouveler des contrats existants, et l'un d'entre eux a fait faillite (Alpha insurance a été mis en liquidation). "C'est une crise sur laquelle nous nous mobilisons pour que les assurés français puissent faire valoir leurs droits auprès d'assureurs et liquidateurs étrangers."
Pour l'ACPR, ces difficultés font affleurer deux problématiques qu'il faudra rapidement résoudre pour qu'une telle crise ne se reproduise pas. Un premier problème est celui d'une défaillance dans la supervision des professionnels du secteur. Bernard Delas parle en effet d'un manifeste "dysfonctionnement du système européen" en la matière. Les autorités des pays hôtes n'ont ainsi pas connaissance des spécificités locales des marchés, dont celui de l'assurance construction en France, particulièrement exigeant du fait de la décennale. "C'est pourquoi nous multiplions les initiatives auprès de l'Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (Eiopa) et des superviseurs des pays concernés pour traiter le sujet de façon coordonnée au niveau européen", affirme Bernard Delas. L'Eiopa a d'ailleurs décidé de faire de ce sujet l'une de ses priorités.
"Le modèle d'affaires du courtier grossiste [...] doit faire objet d'un examen attentif"
L'autre problématique tient à l'activité des courtiers grossistes, à nouveau pointée par Bernard Delas - il avait évoqué ce sujet dans une tribune récente. "Le modèle d'affaires du courtier grossiste, qui a joué un rôle central dans cette crise, doit faire objet d'un examen attentif. Non seulement au regard des dispositions de la directive distribution d'assurances mais aussi en regard de la directive Solvabilité II sur les activités déléguées", a-t-il lancé.
Pour rappel, les difficultés rencontrées par des assureurs en LPS pourraient avoir de multiples conséquences pour l'ensemble du secteur, entreprises, promoteurs, maîtres d'ouvrage, particuliers... Ces derniers, en tant que maîtres d'ouvrage ayant souscrit une dommages-ouvrage, sont d'ailleurs nombreux à solliciter les services de la Banque de France pour obtenir des informations liées aux remous dans l'assurance-construction, preuve que les conséquences sur le terrain se font d'ores et déjà sentir.
Enfin, les difficultés posées par le régime de la libre prestation service pourraient toucher d'autres secteurs que celui du BTP, comme par exemple le domaine de la responsabilité civile médicale, qui fait l'objet d'une surveillance accrue par l'ACPR.
(1) La libre prestation de service est une opération par laquelle une entreprise d'un État membre de l'Espace économique européen (EEE) couvre ou prend, à partir de de son siège social ou d'une succursale située dans un État, un risque ou un engagement situé dans un autre de ces États.