INQUIÉTUDE. Les professionnels de l'assurance semblent assez pessimistes quant à la résolution à court terme des problèmes posés par certains acteurs de l'assurance intervenants en libre prestation de services (LPS) dans le secteur de la construction. C'est ce qui ressort en tout cas d'un colloque qui s'est tenu le 25 juin 2018, à la maison du barreau à Paris.
De nombreux acteurs de l'assurance construction intervenant en libre prestation de service (LPS) ont connu des difficultés ces derniers mois, que ce soit arrêt des souscriptions ou liquidation. Pour rappel, ces structures s'engageaient sur ce marché, en cassant les prix, et sans provisionner assez pour pouvoir assurer les risques tout au long de la durée de la décennale.
Le problème a visiblement pris une dimension endémique dans le BTP : "100.000 professionnels seraient touchés, pour environ 250 millions d'euros de primes, soit plus de 10% du marché de l'assurance construction", a ainsi estimé Christian Bellissen, directeur général d'Ergo France (acteur intervenant en LPS en France) et expert reconnu du sujet, lors d'un colloque qui s'est tenu le 25 juin, à la Maison du barreau à Paris.
Le problème ne se résoudra qu'à l'échelle européenne
Pour autant, malgré la gravité de la situation, la question semble loin d'être réglée, comme l'ont signalé les acteurs du monde de l'assurance lors des échanges.
Ainsi, à mesure que des structures se retirent du marché d'une manière ou d'une autre (Alpha, Gable, CBL, Elite...), il semblerait que de nouvelles sociétés se créent et récupèrent au moins une partie des portefeuilles de contrats de celles-ci. En maintenant la même stratégie dangereuse de croissance rapide sans le souci du long terme. Point troublant : ces nouvelles entités sont parfois fondées par des individus qui étaient à l'origine des anciennes ayant été sanctionnées.
Ainsi, même si les autorités de supervision semblent de plus en plus réactives, elles peinent visiblement à tenir le rythme. Et un autre point semble avoir fait consensus lors des débats : le problème ne sera résolu qu'à l'échelle européenne, par une meilleure coordination, dans un premier temps, des superviseurs nationaux. Davantage d'échanges entre ces structures permettraient ainsi de repérer au plus tôt les acteurs qui ne respectent pas les règles du jeu financières. Mais l'on sait le temps que prennent les évolutions réglementaires à devenir réalité au sein de l'Union européenne.
Enfin, de l'avis de tous, ce n'est pas la transposition prochaine de la directive de distribution d'assurances qui changera la donne, alors même qu'elle avait pour ambition de mieux protéger les clients. Plus que jamais, les acteurs de la construction se doivent donc d'être prudents en choisissant leur société d'assurance.
En effet, Michel Klein, directeur des sinistres au sein de la Mutuelle des architectes français, a rappelé que "l'assureur qui a reçu une prime une année donnée doit la provisionner pour faire face aux sinistres qui surviennent durant les dix ans qui suivent la réception." D'où la pertinence du respect des ratios de solvabilité.
"Un risque de faillite pour l'assuré"
Avant de préciser les risques que représente la défaillance d'un assureur pour tous les acteurs de la chaîne. "En cas de sinistre, l'assuré qui a conclu un contrat avec un assureur LPS défaillant n'aura plus de garantie tant en garantie RC générale pour le passé connu (sinistres déjà déclarés) qu'en décennale pour les chantiers ouverts pendant la période de validité du contrat d'assurance. Les conséquences sont : pour l'assuré un risque de faillite en cas de sinistre financièrement lourd non absorbable par le constructeur responsable (sauf si re-souscription pour les sinistres futurs auprès d'un nouvel assureur) ; pour le maître de l'ouvrage un risque fort d'insolvabilité de l'entreprise ne pouvant bénéficier de la garantie de son assureur ; et pour les autres constructeurs le risque d'une condamnation in solidum."
Quelques jours avant la tenue de ce colloque, l'assureur Acasta, basé à Gibraltar, annonçait l'arrêt des souscriptions à effet immédiat dans l'assurance construction, en France. Un seul assureur en libre prestation de services semble aujourd'hui développer une activité significative dans le secteur, il s'agit de Millenium (Mic insurance). "Une société qui, pour rappel, appartient au groupe Morera Vallejo qui est installé à Séville, est gérée en bon père de famille et a fait une excellente année 2017", nous expliquait Yoann Chéry, fondateur de Leader assurances et agent souscripteur en France de Mic insurance.
Les pouvoirs publics viennent de lancer une plateforme permettant, en quelques clics, à un client ou consommateur d'alerter la DGCCRF, gendarme de la concurrence, au sujet d'un problème rencontré avec une entreprise : https://signal.conso.gouv.fr/. Ce service peut être utilisé, par exemple, en cas de souci avec une entreprise de construction ou un assureur.