PARLEMENT. Résiliation à tout moment, suppression sous conditions du questionnaire de santé, délai du droit à l'oubli réduit : députés et sénateurs sont tombés d'accord jeudi pour faire évoluer l'assurance emprunteur pour les prêts immobiliers au bénéfice des assurés.

Portée par la députée Patricia Lemoine (Agir) et soutenue par le gouvernement, la proposition de loi "pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur" vise à introduire davantage de concurrence dans le secteur bancaire, en position de force dans ce domaine (88% de part de marché), et celui des assurances, afin de faire baisser les coûts pour le consommateur. Pour être définitivement adopté, le texte de compromis validé en commission mixte paritaire (CMP) doit encore être voté une dernière fois par les deux chambres, l'Assemblée nationale jeudi prochain et le Sénat le 17 février.

 

 

"Cette proposition de loi représente une nouvelle perspective pour soutenir le pouvoir d'achat des Français, mais aussi une mesure de justice envers toutes les personnes souffrant de pathologies les empêchant de mener à bien leurs projets, faute de crédit immobilier", a réagi la majorité présidentielle dans un communiqué. Sa mesure phare, la possibilité de changer d'assurance emprunteur sans frais à tout moment, et non plus seulement à la date anniversaire, avait été retoquée en première lecture par le Sénat dominé par l'opposition de droite.

 

Amélioration de l'information des assurés

 

Les députés et les sénateurs ont pu trouver un terrain d'entente sur le texte en CMP, comprenant sa mesure phare. Elle entrera en vigueur le 1er juin prochain pour les nouveaux contrats, et à compter du 1er septembre pour les autres. Conformément à la volonté du Sénat, les obligations d'information des assurés sur leur droit à résiliation sont renforcées. Les assureurs devront ainsi les informer chaque année de l'existence de ce droit et de ses modalités de mise en œuvre.

 

"Nous considérions qu'élargir le droit à résiliation sans augmenter l'information des assurés était un coup d'épée dans l'eau : [...] nous pouvons désormais considérer que tous les éléments sont réunis pour que le marché de l'assurance emprunteur soit véritablement fluide", a déclaré le rapporteur pour le Sénat Daniel Gremillet (LR).

 

Volet santé musclé

 

À l'initiative des sénateurs, le volet santé de la proposition de loi sort musclé de la CMP. Le questionnaire médical est ainsi supprimé pour les prêts immobiliers inférieurs à 200.000 euros et dont le terme intervient avant le 60e anniversaire de l'emprunteur. Le délai du "droit à l'oubli" pour les cancers et l'hépatite C est réduit de dix à cinq ans. Le "droit à l'oubli" permet aujourd'hui aux anciens malades de cancer de ne plus avoir à déclarer leur maladie à leur assureur dix ans après la fin de leur protocole thérapeutique.

 

L'avancée, qui ne figurait pas dans le texte voté en première lecture par les députés, a donné lieu à une petite bataille de communiqués. La majorité présidentielle s'est glorifiée de mettre "en œuvre l'engagement" d'Emmanuel Macron, tandis que le Sénat se vantait d'avoir "contre l'avis initial du gouvernement, concrétisé la promesse de campagne du président de la République".

 

Les signataires de la convention Aeras (s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) auront en outre l'obligation d'engager d'ici 31 juillet 2022 une négociation sur les pathologies autres que cancéreuses. Sophie Primas, la présidente LR de la commission des Affaires économiques du Sénat, a salué des avancées "historiques" qui "viennent mettre fin à un grand nombre de situations très injustes".

 

Réactions

 

 

La Fédération bancaire française (FBF) a assuré dans un communiqué son attachement "à l'accès au crédit immobilier sécurisé et à un modèle mutualisé d'assurance pour tous". Elle a appelé à "maintenir ces objectifs" avec le nouveau cadre. Côté assureurs, Eric Maumy, président du courtier grossiste en assurances April et membre de l'Association pour la promotion de la concurrence en assurance des emprunteurs (Apcade) s'est félicité d'une décision qui va renforcer "le droit des emprunteurs".

 

"La mise en concurrence des acteurs bancaires traditionnels, qui pratiquent des tarifs deux à trois fois plus chers, avec les assureurs externes, ne peut être que favorable au consommateur", a quant à lui déclaré Olivier Moustacakis, cofondateur d'Assurland.com. Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux, a salué l'extension du droit à l'oubli mais rappelé que la suppression du questionnaire de santé concernait les problèmes de santé actuels et non passés. Elle a donc appelé le secteur à être "vigilant" face à une potentielle augmentation des tarifs.

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