ENTRETIEN. Le monde de l'assurance construction est actuellement traversé de fortes secousses, avec les difficultés rencontrées par de nombreux acteurs, agissant notamment sur le mode de la libre prestation de services. Comment les entreprises de construction vivent-elles ce moment ? Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment, a répondu à Batiactu.

Batiactu : L'actualité est mouvementée dans le secteur de l'assurance-construction, avec des liquidations en série, notamment du fait de la chute de CBL, basé en Nouvelle-Zélande. Quels messages souhaitez-vous faire passer à vos adhérents dans ce contexte ?

 

 

Jacques Chanut : Nous avons bien sûr une obligation de prévenir, d'alerter nos adhérents sur ce qui est en train de se passer. Nous les avions mis en garde ces derniers mois. En matière d'assurance décennale, si la compagnie qui assure n'est pas fiable, cela peut avoir des effets dévastateurs. Car en cas de sinistre la charge peut retomber sur l'entreprise si son assureur a fait faillite. Et si celle-ci se retrouve elle-même défaillante, c'est toutes les entreprises restantes qui devront se répartir la charge. L'assurance-construction repose sur un équilibre fragile. La pièce maîtresse de ce château de cartes, c'est la fiabilité de l'assureur, de la maison-mère.

 

"En choisissant un assureur pour la décennale, il faut se demander s'il sera encore là dans dix ans." J. Chanut

 

Batiactu : D'autant plus en France, où le système d'assurance-construction est particulier...

 

Jacques Chanut : Effectivement, c'est un engagement sur plus de dix ans, depuis le début des travaux jusqu'à la fin de la décennale. La Fédération française du bâtiment a toujours été claire avec les entreprises, en disant : ne courrez pas après les prix les plus bas ! En matière d'assurance, c'est comme en matière de qualité des travaux, on en a toujours pour son argent. Et je rappelle par ailleurs que la notoriété d'une société n'a jamais été une preuve de sa pérennité. Il faut se renseigner, avant de s'engager, sur la situation de la société, son histoire, son ancienneté, son modèle économique. Sélectionner un assureur, c'est comme choisir un sous-traitant : l'entreprise doit avoir la même recherche de qualité et de fiabilité. En choisissant un assureur pour la décennale, il faut se demander s'il sera encore là dans dix ans.

 

 

 

Batiactu : Comment analysez-vous la période récente, où les faillites et difficultés pour certains assureurs, souvent basés à l'étranger, se multiplient ?

 

Jacques Chanut : J'ai l'impression que nous traversons une période que l'on pourrait résumer par l'expression "Bas les masques !". Nos inquiétudes sont en train de devenir réalité. Ce qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est de savoir si nous pourrons continuer, à l'avenir, à nous assurer. Si le taux de sinistres est trop important, est-ce que les grandes compagnies d'assurance continueront de s'intéresser à notre marché ? Pendant la crise économique, certains acteurs ont joué avec le feu en priorisant les prix bas dans le choix de leurs partenaires. Mais il y a toujours un retour de bâton.

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