STRATÉGIES TERRITORALES. Arep, agence d'architecture rattachée au groupe SNCF, est sélectionnée pour la dernière phase de "Luxembourg in Transition", consultation internationale et pluridisciplinaire visant à développer des scénarios territoriaux de transition écologique et bas carbone pour le Grand-Duché de Luxembourg et ses territoires frontaliers.
Arep, en groupement avec Taktyk, Quattrolibri, Institut de la transition environnementale Sorbonne Université (SU-ITE) et Mobil'homme, sont parmi les quatre lauréats de la dernière phase de "Luxembourg in transition - Visions territoriales pour le futur décarboné et résilient de la région fonctionnelle luxembourgeoise", consultation internationale et pluridisciplinaire lancée en octobre 2020 par le Département de l'aménagement du territoire (Dater) du ministère de l'Énergie et de l'aménagement du territoire du Luxembourg.
Les trois autres groupements lauréats (menés respectivement par MVRDV, Université de Luxembourg et 2001) et celui piloté par Arep, ont été choisis au terme d'un processus de sélection qui a vu concourir dix groupements internationaux. Leur mission d'ici à décembre 2021 consistera à produire un scénario territorial de transition écologique et bas carbone à l'horizon 2050 pour le Grand-Duché de Luxembourg et ses territoires frontaliers qui aura vocation à doter le Dater de méthodes, de règles et de scénarios susceptibles d'orienter sa politique d'aménagement du territoire en concordance avec les engagements environnementaux du gouvernement tant au niveau national qu'à l'échelle européenne et mondiale.
Paysage capital, le projet de l'équipe f(lux)
Le projet Paysage capital conçu par l'équipe f(lux), menée par Arep, est basé sur l'idée que "le sol est la matière première de la transition et de la décarbonation". Il se traduit ainsi par l'élaboration d'une stratégie "à partir de chaque mètre carré de la région fonctionnelle". Il s'agit de "le protéger, de l'enrichir, et de le reconnecter aux dynamiques locales, mitoyennes, voisines, pour révéler son pouvoir au sein du métabolisme du territoire".
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Quatre grands principes d'action structurent le projet. Ils se basent sur le modèle de mesure de l'empreinte carbone - le modèle f(lux) - conçu par Arep qui "quantifie et analyse les grandes métriques de la région fonctionnelle, identifie ses principaux postes d'émissions et les découpe en secteurs et en différentes parts de la population". Le modèle de mesure de l'empreinte carbone se caractérise par "de nombreux liens entre secteurs à explorer, qu'il s'agisse de l'intensité carbone de l'électricité qui change l'intérêt du véhicule électrique ou encore des logements et des locaux d'entreprises à construire ou rénover dans le cadre d'une stratégie d'équilibrage des mobilités".
Tendre vers le Zéro artificialisation brute (Zab)
Alors que les parlementaires français viennent d'inscrire dans la loi le principe entendu comme objectif lointain, du Zéro artificialisation nette (Zan), Arep et son groupement proposent au Luxembourg de "tendre vers le Zéro artificialisation brute (Zab), c'est-à-dire sans prise en compte de la renaturation éventuelle d'espaces artificialisés". Ils ont en effet constaté qu'entre 2009 et 2015, l'artificialisation des sols s'est poursuivie à un rythme de 2,7% au Luxembourg, contre 2,1% en Lorraine, 2,3% en Rhénanie-Palatinat, 1,8% dans la Sarre et 1,6% en Wallonie. Dans cette optique, le projet Paysage capital fait "la proposition de construire moins, de questionner fondamentalement les besoins et les programmes, d'intensifier intelligemment l'usage du bâti existant, de lutter contre l'obsolescence des lieux, en multipliant les fonctions, en privilégiant la réhabilitation et en faisant évoluer les référentiels culturels".
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Le deuxième axe du projet consiste à "réinvestir la forêt" : les forêts luxembourgeoises "constituent un véritable capital à préserver pour parvenir à la neutralité carbone (elles représentant 34.3% du territoire). Pour répondre au triple impératif d'activation de leur potentiel de séquestration carbone, d'adaptation au changement climatique et de préservation de la biodiversité", l'équipe f(lux) combine plusieurs propositions, parmi lesquelles : la coordination de nouveaux modes d'exploitation (sylviculture irrégulière) favorisant une plus grande diversité spécifique, génétique et générationnelle des forêts, et le développement de nouvelles filières d'utilisation des matériaux biosourcés au sein du secteur de la construction.
Mobilités et autonomie alimentaire
Décarboner les mobilités en transformant l'affordance du territoire, c'est-à-dire "en réorientant sa propension à susciter certains usages plutôt que d'autres", nommément la voiture plutôt que les transports collectifs ou modes actifs, constitue le troisième axe. L'équipe propose notamment de stimuler la vie de proximité pour réduire le besoin de déplacements de longue portée ("ville du quart d'heure"), ou encore de réaffecter 50% des surfaces de voirie au profit des mobilités bas carbone (marche, vélos, transports en commun électrifiés).
Enfin, le projet Paysage capital souhaite "inventer un nouvel urbanisme agricole", le territoire cultivé représentant 52% de sa superficie. Pour autant, l'autonomie alimentaire du pays en ce qui concerne la production de fruits et légumes est de seulement 3%. Le projet vise une transition vers des régimes alimentaires moins carnés qui doit permettre la réduction de l'empreinte carbone de l'alimentation des habitants, et la relocalisation de la production agricole à proximité immédiate des villes et villages.
Quatre sites démonstrateurs
Afin d'expérimenter la mise en œuvre de cette stratégie à l'échelle locale, l'équipe f(lux) a sélectionné quatre sites d'étude (démonstrateurs) dont un en France, à proximité immédiate du Luxembourg, choisis à la fois "pour leur diversité et pour leur représentativité de la région fonctionnelle luxembourgeoise". Chaque site se voit associé à une mise en œuvre spécifique de la stratégie définie par le projet.
"Le projet Paysage capital est un plaidoyer pour une reconquête de l'usage raisonné du sol, comme ressource de la transition écologique, dans lequel tout le territoire du Luxembourg devient démonstrateur d'une transition écologique souhaitable, désirable et concrète", explique Madeleine Masse, directrice territoires d'Arep. "Avec Taktyk, Quattrolibri, SU-ITE et Mobil'homme, Arep a conçu une stratégie spatiale d'intervention sur les sols sur mesure applicable sur toutes les échelles, chacune étant démonstratrice d'un urbanisme post-carbone. En phase avec la vision de la transition écologique portée par le Luxembourg, nous sommes concrets : plus que des intentions ne devant voir éventuellement le jour qu'en 2050, ce sont des résultats sur la descente du carbone que nous aurons à partager dès l'année prochaine, en 2022, et progressivement".
Maîtrise d'œuvre : le groupement f(lux) composé des partenaires suivants :
Arep (mandataire)
Taktyk, paysagistes-urbanistes (Thierry Kandjee et Simon Auperpin)
Quattrolibri, conseil en stratégies de transition écologique
Institut pour la transition environnementale - Sorbonne Université SU-ITE, changement climatique, écologie et biodiversité, agro-écologie (Luc Abbadie et Jean-Jacques Perrier)
Mobil'homme, sociologie urbaine des mobilités (Marc-Antoine Messer)