CULTURE. Un colloque international rend hommage à l'immense architecte français Auguste Perret. Organisé durant deux jours à Paris, cet événement revient sur l'ensemble de son œuvre.
L'œuvre et la carrière de l'un des plus grands architectes de l'histoire française sont actuellement célébrées à Paris. À l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance et du 70e anniversaire de son décès, Auguste Perret est mis à l'honneur lors d'un colloque international. Ce dernier, organisé les 28 et 29 novembre 2024 par la fondation Auguste Perret - Académie des beaux-arts, vise à rendre hommage à cet architecte et entrepreneur qui a révolutionné l'architecture française.
Une quarantaine d'intervenants racontent l'histoire de cet ancien membre de l'Académie des beaux-arts de la section d'architecture, né en 1874 à Ixelles (Belgique) et auteur de plusieurs édifices célèbres, dont le théâtre des Champs-Elysées (1913), l'église du Raincy (1923) et du musée des Travaux publics (1937), actuel Conseil économique social et environnemental (Cese).
Un architecte-entrepreneur
"Auguste Perret est un héritage, un objet patrimonial. Son œuvre est considérée comme un chef d'œuvre", témoigne Pierre-Antoine Gatier, membre de l'Académie des beaux-arts et directeur de l'appartement d'Auguste Perret - Paris, ce jeudi 28 novembre 2024 au Palais de l'Institut de France à Paris.
"Le patrimoine de cet architecte, entrepreneur, décorateur, professeur, intellectuel engagé et maître du béton armé, mérite de penser sa conservation", affirme Sébastien Cherruet, membre du bureau de la Fondation Auguste Perret - Académie des beaux-arts et co-organisateur du colloque.
Une histoire familiale
L'œuvre d'Auguste Perret s'inscrit dans celle de son histoire familiale. C'est ce que s'attache notamment à raconter cet événement. L'architecte mène, avec ses frères Gustave et Claude, une entreprise de construction et d'architecture. "À l'époque, les sociétés familiales ne sont pas rares dans le secteur mais celle des Perret n'est pas commune car elle associe agence d'architecture et entreprise de construction", met en avant Guy Lambert, maître de conférences à l'École nationale supérieure d'architecture (Ensa) Paris-Belleville.
Le père, Claude-Marie Perret, "est l'artisan de cette structure". Le tailleur de pierre originaire de Bourgogne devient contremaître puis chef d'entreprise, et construit les serres royales au château de Laeken, le palais de justice de Charleroi (Belgique) ou encore des immeubles sur le boulevard Montparnasse, à Paris.
Auguste et Gustave Perret ont fait leurs armes à l'École des beaux-arts, et commencent à construire avec leur père, en parallèle de leurs études. "Les Perret conjuguent une maîtrise savante architecturale et constructive", estime Guy Lambert. 1902 marque la liquidation de l'entreprise et la naissance d'une nouvelle, baptisée Perret et Fils. L'entreprise signe la conception de l'immeuble 25 bis rue Franklin à Paris (1903-1905) et réalise les projets d'autres architectes comme la cathédrale d'Oran (1908-1912) d'Albert Ballu.
Un théâtre emblématique
Appelés comme entrepreneurs pour l'édification du théâtre des Champs-Elysées (1911-1913), les Perret "reprennent les plans de l'édifice et gagnent en visibilité avec cette construction".
Ce théâtre en béton armé est considéré par Auguste Perret comme "une usine américaine, avec un système de poteaux et de planchers. Il vide la structure avec des pylônes et des ponts, suspend l'énorme lustre de Maurice Denis qui donne l'illusion d'une coupole. On n'a jamais conçu un théâtre de cette façon avant", décrit Joseph Abram, architecte et professeur émérite de l'Ensa Nancy.
Auguste Perret s'illustre également par la diversité de ses projets, comme la salle Cortot (1926), une salle de concert parisienne et "l'un des rares projets cubistes", le Mobilier national (1937), "un projet remarquable qui renvoie à des nouvelles méthodes de travail", et le Palais d'Iéna (1937). L'entreprise familiale travaille, quant à elle, sur de nombreuses opérations en Algérie, où elle ouvre pendant un temps une succursale.
De l'architecture au mobilier
Par ailleurs, Auguste Perret réimagine les villes d'Amiens et du Havre. La zone détruite durant la Seconde guerre mondiale de la ville normande a été reconstruite entre 1945 et 1964, d'après le plan d'une équipe d'architectes et d'urbanistes dirigée par Auguste Perret.
Une zone de 150 hectares du centre-ville est réédifiée, qui comprend l'Hôtel de Ville, une tour de 18 étages culminant à 72 mètres, et l'église Saint-Joseph et ses 6.500 vitraux et sa tour-lanterne de 107 mètres de haut. En 2005, le centre reconstruit du Havre est inscrit sur la liste du patrimoine de l'humanité à l'Unesco.
L'architecte a aussi accordé une grande importance au mobilier dans sa carrière, en dessinant de nombreux éléments pour ses projets d'architecture. "Le rationalisme se vérifie dans son architecture et mobilier, qui semblent pensés en cohérence", commente Sébastien Cherruet, co-organisateur du colloque et maître de conférences à l'Ensa Normandie.
Ce sujet n'est pas le seul à être mis en lumière lors de ce colloque. L'événement a également évoqué, le 29 novembre, la question de la matérialité (bétons, bois et verres) chère à l'architecte mais aussi ses voyages à l'étranger et inspirations. Une œuvre riche et complète qui n'a cessé d'inspirer des architectes après lui.
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