PORTRAIT. Deux jeunes architectes travaillent à mieux préparer les futurs professionnels à la réalité du métier. Avec leur association Archicare, elles informent les lycéens sur ces années d'études et accompagnent les étudiants vers la vie active et des études plus saines.
Elles sont, depuis février 2025, diplômées de l'École nationale supérieure d'architecture (Ensa) de Marseille et veulent mieux informer les lycéens et étudiants en architecture sur la réalité du métier d'architecte. Delphine Bourgeois et Léa Fiorucci ont, pour cela, fondé l'association Archicare. L'objectif ? Accompagner les jeunes "pour améliorer la santé, l'efficacité et la pérennité de la profession".
"Mieux préparer les lycéens"
La France compte une vingtaine d'Ensa, et la sélection est difficile. "10% des postulants sont acceptés, rappellent Delphine Bourgeois et Léa Fiorucci, jointes par Batiactu. De nombreux lycéens rêvent de faire des études d'architecture. Nous voulons les accompagner et les préparer au mieux pour qu'ils sachent dans quoi ils s'engagent réellement."
Si Léa Fiorucci considère les études d'architecture comme "passionnantes", elle regrette que "la santé des étudiants soit parfois relayée au second plan. Avant d'entrer en école, on pense qu'on va avoir deux ou trois maquettes à réaliser, qu'on va dessiner, que ce seront des études amusantes, créatives. La réalité est tout autre."
La culture de la charrette (soit travailler jusqu'à épuisement) est "toujours très forte", selon les deux jeunes femmes. "C'est aussi ce que montrent les dernières données de l'Union nationale des étudiants en architecture et en paysage (Uneap). Les premières années, on doit apprendre un vocabulaire architectural qu'on ne connaît pas et des professeurs nous poussent, sans s'en rendre compte, à la charrette en nous donnant une charge de travail trop importante", témoignent-elles, même si elles concèdent que "certains enseignants échelonnent les rendus".
La pression ressentie par les étudiants et la désillusion que peuvent ressentir certains les poussent parfois à abandonner avant la fin de la première année. Un phénomène qui concerne "un étudiant sur quatre", souligne Léa Fiorucci.
Des outils concrets
Les deux architectes ont écrit un guide "ludique" à destination des lycéens intéressés par le métier, et le présentent lors de leurs interventions en milieu scolaire, comme au lycée Denis-Diderot, dans le XIIIe arrondissement de la cité phocéenne. Elles abordent des sujets concrets pour "déconstruire les idées reçues et les rassurer", aident à l'écriture de la lettre de motivation et à la préparation des entretiens, présentent une semaine type en école ou encore décryptent les métiers possibles après l'obtention du diplôme.

Des quiz et ateliers maquettes sont également réalisés avec eux. Les conseils des deux architectes sont, en outre, diffusés sur les réseaux sociaux, dont sur Tik Tok, largement plébiscité par les plus jeunes. "Nous recevons de nombreux messages. Ces canaux sont un autre moyen d'échanger et de les conseiller", estime Delphine Bourgeois. À plus grande échelle, son associée et elle espèrent que les vidéos publiées par Archicare permettront de sensibiliser le grand public à l'architecture.
"Vivre plus sereinement les études"
Delphine Bourgeois et Léa Fiorucci interviennent aussi en écoles d'architecture. Sensible à la santé physique et psychologique des étudiants, leur association vise à aider ces jeunes à vivre "plus sereinement leurs études". Une enquête édifiante de l'Uneap et de la Fédération sportive des écoles d'architecture (FSEA) avait mis en lumière, fin 2023, la détresse de certains étudiants. Ils dorment peu (6h29 par nuit en moyenne) et un apprenant sur quatre a déjà eu recours à des médicaments, tels que des anxiolytiques, des anti-douleurs ou des antidépresseurs, pour pallier les problèmes liés aux études.
Pour les aider, Archicare organise des conférences sur "l'organisation des études et la gestion de projet pour permettre une meilleure autonomie et un plus grand équilibre vie étudiante-vie personnelle, et faciliter la transition vers la vie active, indique Delphine Bourgeois. Les projets imaginés durant nos études ne s'appuient pas sur les réglementations actuelles. L'écart entre ce qui est mené en école et sur le terrain est alors énorme."

Faire rencontrer des étudiants et des ouvriers
L'idée est aussi de mieux les préparer à la réalité du métier, notamment aux chantiers. "Durant nos cinq années de formation, nous rencontrons peu de professionnels de l'architecture, et d'autres acteurs du secteur", rappelle Delphine Bourgeois. "Les cabinets dans lesquels nous effectuons nos stages doivent nous apprendre les bases", pointe Léa Fiorucci. Archicare organise ainsi des rencontres entre ouvriers et étudiants en architecture.
A terme, l'association a pour ambition de devenir "une référence nationale pour former mieux et autrement les architectes de demain". Elle espère prochainement décrocher un rendez-vous avec la direction générale des patrimoines et de l'architecture, qui dépend du ministère de la Culture, pour discuter des sujets brûlants qui l'animent.
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