Martine Aubry s'est rendue ce mardi 6 novembre au bureau de la magistrate du pôle Santé publique de Paris, afin d'y être entendue en qualité d'ancienne haut fonctionnaire du ministère du Travail, pour la période 1984-1987. Cette audition, liée à une enquête sur les effets sanitaires de l'amiante, a mené à sa mise en examen pour homicides et blessures involontaires.

Martine Aubry, après avoir répondu à la convocation de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy et passé plus de sept heures d'audition, a finalement été mise en examen pour « homicides et blessures involontaires » dans le cadre d'une enquête sur les effets de l'amiante. Déjà interrogée par des policiers en janvier 2010, l'ex-Première secrétaire du PS et actuelle maire de Lille est mise en cause en tant qu'ancienne directrice des relations du travail (DRT) au ministère du Travail entre 1984 et 1987. En 2005, un rapport sénatorial accablait les pouvoirs publics de l'époque pour leur gestion défaillante de l'amiante dont on savait qu'il était nocif. Un premier décret réglementant son usage en France avait été introduit en 1977 mais son interdiction définitive n'était intervenue que 20 ans plus tard. La juge reproche une transposition trop tardive d'une directive, datant de 1983, qui abaissait le seuil limite d'exposition de 2 à 1 fibre par millilitre d'air.

 

La question de l'influence du Comité Permanent de l'Amiante
La magistrate s'intéresse particulièrement à l'action des pouvoirs publics pendant la période 1980-1990 et à l'influence, réelle ou supposée, du Comité Permanent de l'Amiante (CPA), un lobby industriel qui aurait défendu un usage « contrôlé » du matériau, afin de retarder au maximum son interdiction. Jean-Luc Pasquier, l'un des adjoints de Martine Aubry à l'époque siégeait dans cette structure. La responsable socialiste, plaidant sa bonne foi, avait déjà déclaré : « Aucune alerte n'est venue de la Caisse d'assurance maladie, du ministère de la Santé, d'autres acteurs ou des chercheurs », pour prévenir que la santé des salariés n'était pas efficacement protégée. Du côté des associations de victimes, un responsable de l'Andeva - partie civile dans l'enquête - estime que le dossier d'instruction ne permettrait pas de prouver une responsabilité pénale individuelle de Martine Aubry. La responsabilité serait plus générale et partagée, au niveau de la DRT notamment, qui ne se serait pas donnée les moyens de « recueillir des informations objectives indispensables pour prendre des mesures adéquates », a déclaré Michel Parigot, vice-président de l'Andeva. « La DRT a pris 15 ans de retard sur les mesures qui auraient dû être prises pour protéger adéquatement les travailleurs », a-t-il dénoncé.

 

Les avocats de Martine Aubry ont demandé à la chambre d'instruction de la cour d'appel d'annuler la mise en examen de leur cliente qui estime avoir œuvré, durant sa carrière, à la protection des salariés et de la population. Les autorités sanitaires estiment que de 10 à 20 % des cancers du poumon seraient causés par l'amiante et que ce matériau, couramment employé dans la construction à l'époque pour ses propriétés de résistance au feu, pourrait provoquer des dizaines de milliers de décès d'ici à 2025.

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