FAKE NEWS. "Les éoliennes ne se recyclent pas !", "la proximité d'une maison avec un méthaniseur lui fait perdre de la valeur !", "les renouvelables ne créent pas d'emplois en France puisque tout est produit à l'étranger…". Autant de phrases que l'on entend souvent, y compris dans les commentaires des articles de Batiactu, qui s'avèrent être des contre-vérités. L'Ademe répond point par point.
Appelez ces phrases "infox", "hoax", "fake news" ou "contre-vérités", mais le résultat est le même : des informations erronées qui circulent à la vitesse de l'éclair sur les réseaux sociaux et dans les conversations de comptoir. Et les énergies renouvelables sont souvent au centre de l'attention, en cette période d'urgente transition écologique. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a donc décidé de faire œuvre de pédagogie pour démentir quelques-unes de ces idées reçues. David Marchal, le directeur adjoint Production & Energies durables, explique : "Il existe de multiples filières pour produire de l'électricité, du biogaz, de la chaleur… Elles sont porteuses d'enjeux mais critiquées. Pourtant éolien et méthanisation par exemple seront indispensables à la transition énergétique".
Les éoliennes, des usines à gaz ?
L'Ademe répond succinctement mais précisément à certaines affirmations inexactes, telle : "En fin de vie, les éoliennes ne sont pas recyclables". Le responsable affirme : "Dans l'éolien terrestre, la durée de vie des machines est de 20 ans. En France, où les premières installations ont eu lieu au début des années 2000, cela concerne quelques dizaines de machines. Le flux sortant est donc faible, alors qu'en Allemagne, il est aujourd'hui de 1.000 machines par an". Le parc français, plus récent et moins développé, s'élève aujourd'hui à un peu moins de 7.000 turbines installées sur le territoire. David Marchal n'est pas inquiet : la France pourra bénéficier de l'expérience de ses voisins européens sur cette question, confrontés plus tôt que nous à la problématique de la fin de vie des engins. La législation française oblige l'exploitant à déposer une garantie financière couvrant la déconstruction du site, à hauteur de 50.000 € par éolienne, un montant jugé faible par certains opposants. "Mais les machines sont constituées majoritairement d'acier, de béton et de cuivre, à hauteur de 90-95 % de leur masse. Des matériaux qui se recyclent et se réutilisent très bien, y compris le béton des fondations", assure l'expert. Le démontage pourrait ainsi se transformer en chasse aux composants et matières affichant une certaine valeur et, de ce fait, des revenus.
"Que reste-t-il ? Les pales en résine et fibres de verre ou de carbone d'un côté, et les aimants permanents de l'autre", énumère David Marchal. Les pales, qui pèsent 10 tonnes pièce, sont valorisées de façon énergétique en Allemagne, où elles servent de carburant dans les cimenteries. "La voie existe donc, et elle est industrialisable en France, même si elle n'est pas optimale", reconnait-il. D'où un effort de R&D dans des projets de recyclage des composites ou de développement de résines alternatives, thermoplastiques, recyclables. Sur la question des terres rares, retrouvées dans les aimants permanents, le directeur adjoint répond : "Le problème se posera davantage dans l'éolien offshore que dans l'éolien terrestre. Mais il faut mettre en parallèle la quantité de 70 tonnes de néodyme retrouvées dans les éoliennes françaises des 32.000 tonnes annuelles de demande mondiale, principalement pour la micro-électronique ou l'automobile". D'autant que, là aussi, beaucoup d'efforts sont entrepris en R&D pour mettre au point des turbines utilisant moins de terres rares ou pour parvenir à les recycler efficacement. "Nous avons presque 20 ans pour développer des solutions industrielles. Les volumes, aujourd'hui, sont trop faibles pour être économiquement pertinents mais ils seront suffisants à partir de 2025", estime-t-il.
Des méthaniseurs qui sentent le soufre
De son côté, la méthanisation, est elle aussi souvent accusée de générer des nuisances. Là encore, l'Ademe répond, par la voix de Valérie Weber-Haddad : "C'est une technologie mal connue. Les déchets sont mis dans un digesteur, une cuve étanche, et sont transformés par des bactéries qui produisent du gaz et du digestat". De nombreux intrants peuvent être utilisés : effluents d'élevage, déchets agroalimentaires, déchets verts… L'économiste souligne : "Il y a une richesse des gisements et donc une plasticité du modèle économique. Et le biogaz qui est produit peut servir à différents usages, que ce soit pour générer de la chaleur ou de l'électricité, voire les deux en cogénération, ou pour de la mobilité durable sous la forme de bio-GNV". Les craintes se focalisent souvent sur l'utilisation du digestat, à la composition hautement variable, et dont la concentration de certaines substances comme des métaux lourds pourrait être problématique. "Ce sont des matières qui sont surveillées avant épandage. Si les contrôles ne sont pas satisfaisants, elles sont employées en remblais", détaille-t-elle. Blandine Aubert, la directrice régionale de l'Ademe en Bourgogne-Franche-Comté, renchérit : "Le digestat devient en fait un amendement pour les sols qui a une valeur agronomique supérieure à celle des engrais ou du lisier. Son azote est assimilé plus facilement par les plantes". Les agriculteurs peuvent ainsi réaliser des économies sur les produits chimiques qu'ils ajoutent à leurs cultures. Cependant, leurs pratiques doivent évoluer et leur gestion devenir plus rigoureuse.
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Des entreprises étrangères qui volent le pain des Français
L'Ademe répond également à la question des emplois des filières renouvelables, qui ne seraient pas assez "locaux" au goût de certains. David Marchal rétorque : "Le bois énergie, par exemple, c'est un emploi pour 1.000 tonnes de bois valorisées. L'éolien, ce sont 18.000 emplois - directs et indirects - en France aujourd'hui. Au total, pour toutes les EnR, on dénombre 80.000 emplois directs". Le spécialiste avance que l'industrie française serait une grande pourvoyeuse de composants et que pas moins de 600 entreprises participeraient en tant que sous-traitantes à la fourniture de pièces pour les machines éoliennes. Une activité à laquelle s'ajoute celle de maintenance des parcs installés, qui permettrait elle-aussi la création de nouveaux postes, à raison d'un technicien pour chaque dizaine de mâts implantés. En termes d'acceptabilité, les renouvelables peuvent enfin avancer un autre argument : celui des financements participatifs. Blandine Aubert relate : "Les élus et citoyens accompagnent les projets de valorisation d'énergies locales. Des EnR ancrées et participatives connaissent très peu de recours en justice. Leur appropriation est plus importante et porteuse de sens pour le territoire, avec à la clé une création d'activité et d'emplois". Concernant une éventuelle dépréciation des biens immobiliers situés à proximité de parcs éoliens ou de méthaniseurs, l'Ademe est catégorique : aucune étude n'a, à ce jour, été menée sur le sujet. Impossible donc, pour l'heure, de déterminer s'il y a bien un impact, en dehors du désintérêt général des acheteurs pour certaines zones rurales. Les "anti-" trouveront certainement d'autres arguments pour s'opposer à la transition écologique ; une énergie dépensée en vain ?