AMENAGEMENT. Le programme Action cœur de ville fête ses trois années d'existence, alors que le plan France relance vient d'être présenté. Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, a fait le point lors d'une journée dédiée à cet anniversaire.

"Le programme Action cœur de ville sera amplifié face à la crise" : ce que confiait son directeur, Rollon Mouchel-Blaisot, à Batiactu en juin dernier, semble se réaliser. Ainsi, ce 8 septembre 2020, la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault s'est félicitée de la dynamique de ce programme, lors d'une intervention devant les parties prenantes, à la cité de l'architecture et du patrimoine. "Action cœur de ville va jouer comme un accélérateur du plan relance. Les villes moyennes ne sont plus oubliées, mais constituent la figure de proue des politiques d'aménagement et de cohésion", a-t-elle assuré. A septembre 2020, 1,5 milliard d'euros ont été engagés par l'État dans le programme, sur 5 au total, et 174 opérations de revitalisation du territoire (ORT) ont été signées par 146 villes - 200 autres devraient l'être d'ici à la fin de l'année. L'Agence nationale de cohésion des territoires joue, dans ce schéma, le rôle d'organisme coordonnateur.


Un AMI sur la "sobriété foncière"

 

Le Gouvernement a également annoncé le lancement prochain d'un appel à manifestation d'intérêt "sobriété foncière", proposant aux collectivités d'être accompagnées dans leur "stratégie de réduction de l'artificialisation des sols". La ministre est par ailleurs revenue sur le milliard d'euros de dotations supplémentaires compris dans le plan de relance. Il devrait déclencher à court terme un effet de levier pour accélérer les projets de "soutien aux commerces", de "requalification des centres-villes", de "rénovation des équipements publics" et d'opération de "rénovation urbaine", d'après Jacqueline Gourault. Enfin, un nouveau programme viendra compléter Action cœur de ville, visant cette fois-ci les "petites villes de demain", et basé sur le même principe.

 

 

La journée du 8 septembre a également été l'occasion de faire intervenir, lors de plusieurs tables rondes, des représentants de l'ensemble des parties prenantes du programme. Et tous s'entendent pour dire que le rôle des maires est primordial, et que les décisions doivent se prendre au plus près du terrain. "Rien ne peut se faire sans l'engagement d'un élu", confirme Bruno Arbouet, directeur général d'Action logement.

"Nous n'allons pas bourrer les immeubles existants de systèmes techniques et mécaniques, pas plus que nous n'y ajouterons des bardages carbonés"

 

Mais la prise en compte des habitants, encore plus sensibilisés au confort de leur habitat du fait de la période de confinement, est également un passage obligé, assure l'architecte Philippe Madec. Qui prône la sobriété, la frugalité, dans les interventions de rénovation. "Nous n'allons pas bourrer les immeubles existants de systèmes techniques et mécaniques, pas plus que nous n'y ajouterons des bardages carbonés. Sachons faire mieux avec moins, en jouant sur la lumière naturelle, la ventilation naturelle, l'utilisation de matériaux biosourcés." Le réemploi des matériaux sur place, avec possiblement une déconstruction-reconstruction sur site, est une autre possibilité avancée par l'architecte Nicola Delon. "Sachons prendre des risques collectifs dans les années à venir, mettons en place des tiers lieu qui incarnent les changements à opérer." Il invite les pouvoirs publics à lancer des fonds d'amorçage a priori, permettant de financer des expérimentations.

 

"Nous ne sommes plus face à une lubie écolo"

 

Certains acteurs, comme Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse, demandent également de nouvelles avancées législatives et réglementaires pour pouvoir aller plus vite. Pour lui, le droit de propriété, sacro-saint en France, limite trop la liberté d'action des décideurs. Comment, en effet, rénover un logement vacant si son propriétaire ne le souhaite pas, ou désire le vendre ? "Là-dessus, les propositions de la convention citoyenne pour le climat sont significativement insuffisantes", regrette-t-il. "Nous avons besoin d'un changement de mentalité global. Il faut que chacun comprenne que nous ne sommes plus face à une lubie écolo", insiste-t-il.

 

Quand la désartificialisation entraîne une concurrence déloyale entre communes


Le même élu pointe une autre limite, cette fois-ci concernant le développement de la stratégie de "zéro artificialisation nette". Que faire si, alors qu'une collectivité fait tout pour l'appliquer, une collectivité voisine ne prodigue pas le même effort ? Cette situation entraîne en effet une forme de concurrence déloyale entre les deux agglomérations, puisque certaines entreprises n'hésiteront pas, pour des raisons de praticité et de coût, à aller installer leurs locaux dans la commune n'imposant aucune contrainte foncière. "Il faut donc les mêmes obligations sur tous les territoires", demande-t-il.

 

L'idée d'un basculement dans la perception de chacun sur les questions d'environnement et de rénovation a souvent été développée durant la journée. "Nous devons tous nous faire à l'idée que le demi-siècle qui vient sera celui de la rénovation, de la même manière que le précédent était celui de la reconstruction", a par exemple posé Philippe Pelletier, président du plan bâtiment durable, pendant les échanges. "Il faut donc changer de braquet en adoptant une approche plus collective de l'espace, et l'appareil d'État doit laisser la main aux acteurs locaux de manière à adapter la règle générale en fonction du terrain."

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