RISQUE. Les propriétaires d'un immeuble du front de mer de Soulac (Gironde), évacués en 2014, ont reçu le soutien des sénateurs dans leur demande d'indemnisation. Le gouvernement, opposé à l'utilisation du fonds Barnier destiné aux risques naturels majeurs, explique travailler sur un texte parlementaire plus général.
Les propriétaires de l'immeuble Le Signal de Soulac-sur-Mer (Gironde) ont trouvé un peu de réconfort grâce aux sénateurs qui se sont prononcés, à la quasi-unanimité, en faveur de leur indemnisation partielle. La construction de quatre étages, édifiée au milieu des années 1960 à 200 mètres du rivage est aujourd'hui menacée par l'érosion du littoral et ne se trouve plus qu'à 10 mètres de la limite dunaire. Face à ce péril, les occupants ont été évacués en 2014, par décision du maire, mais jamais indemnisés.
Françoise Cartron, sénatrice du département et auteur d'une proposition de loi allant dans le sens d'une aide exceptionnelle, raconte : "Ne pouvant ni jouir de leur bien, ni bénéficier d'un régime d'indemnisation - car n'ayant pas fait l'objet d'une procédure d'expropriation - [les propriétaires] se retrouvent dans une situation financière désastreuse". En tout 78 familles sont touchées, principalement modestes. "Cet immeuble est ainsi devenu le symbole du phénomène du recul du trait de côte et de l'érosion côtière", assène-t-elle. Aussi, le texte porté par le Parti Socialiste et voté par presque tous les sénateurs prévoit-il de piocher, à titre exceptionnel et dérogatoire, dans le fonds Barnier, dédié aux risques naturels majeurs, afin de compenser les propriétaires, à hauteur de 75 % du prix de leur bien. Les élus de la chambre haute reconnaissent ainsi le préjudice des occupants, qui avaient été débouté en avril 2018 de leur demande auprès du Conseil constitutionnel de reconnaissance du phénomène d'érosion comme un risque naturel…
Seul le président du groupe La République en Marche, François Patriat, a voté contre le texte, suivant la ligne définie par le gouvernement. La secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson, déclare : "Nous entendons travailler avec l'ensembles des parlementaires sur un texte plus complet et plus ambitieux". Une autre bonne nouvelle pour la copropriété menacée ?
Suite aux tempêtes exceptionnelles de l'hiver 2013-2014, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a mené une enquête sur l'érosion des plages et des dunes de la côte Aquitaine. Il a constaté que le recul avait atteint les 40 mètres à Soulac-sur-Mer où le phénomène est le plus marqué, dont 20 mètres imputables aux seuls événements climatiques et 20 autres mètres à un phénomène naturel, chronique. Le BRGM note que les plus forts taux d'érosion sont relevés dans les zones d'embouchures (pointe de la Grave, pointe de la Négade, cap Ferret à Biscarosse).
Selon ses estimations, la vitesse de retrait du trait de côte s'établit à environ 2,5 mètres/an en Gironde. Les projections montrent que le littoral aura reculé de 20 mètres en 2025 (par rapport à la situation au début de 2017) et de 50 mètres en 2050 ! Le bâtiment Le Signal, situé à moins de 10 mètres de la plage, devrait donc basculer dans le vide d'ici 4 ans maximum, à moins que de nouvelles tempêtes ne touchent la région avant.
Sur la côte sableuse de l'Aquitaine, la superficie de littoral exposé à l'aléa d'érosion atteindra les 11 km² en 2025 (soit 1.000 terrains de football), chiffre qui explosera en 2050 avec près de 21 km² (presque 1.900 terrains). L'immeuble de Soulac-sur-Mer ne sera donc que le premier à être sous l'eau…