INTERVIEW EXCLUSIVE. Plan de lutte contre le travail illégal en 2015, objectif de 500 chantiers contrôlés, 30.000 opérations à venir... Découvrez l'interview de François Rebsamen, ministre du Travail, accordée à Batiactu.

Batiactu : Après un passage au Sénat, et un nouvel examen à l'Assemblée nationale à compter du 16 juin, la loi Macron va-t-elle dans le bon sens pour les travailleurs détachés ?
François Rebsamen :
Je voudrais d'abord revenir sur le principe du détachement. Ce principe encadré par deux directives de 1996 et 2014 permet à 200.000 de nos concitoyens d'aller travailler chez nos voisins. Il n'est pas question de le remettre en cause. Ce contre quoi nous devons lutter avec la plus grande fermeté, c'est le détachement illégal. Il est à l'origine d'un dumping social inacceptable pour les entreprises qui "jouent le jeu", et qui se retrouvent exposées à une concurrence déloyale. La loi Macron permet plusieurs avancées en la matière. Elle prévoit tout d'abord une très forte hausse de l'amende en cas de fraude au détachement : son plafond est désormais fixé à 500.000 euros. Elle prévoit également l'instauration d'une procédure de cessation immédiate d'activité, à la main de l'administration, pour mettre un coup d'arrêt réel à la fraude. Elle prévoit, enfin, comme je m'y étais engagé, une carte d'identification professionnelle dans le BTP pour faciliter les contrôles.

 

On ne peut pas lutter contre les fraudes sans mieux armer l'inspection du travail. C'est pour cette raison que la loi renforce ses pouvoirs, notamment en la dotant d'une nouvelle sanction administrative plus rapide et plus efficace que la voie pénale actuellement existante.

 

Au-delà de la loi Macron, j'ai souhaité renforcer les moyens de l'inspection du travail pour qu'elle puisse mieux lutter contre toutes les formes de travail illégal. L'organisation de l'inspection a fait l'objet d'une réforme l'an dernier pour un fonctionnement plus collectif et des priorités de contrôle mieux définies. Cette réforme est entrée en vigueur au 1er janvier 2015 et prévoit la création de nouvelles unités, les Unités nationales d'action et de contrôle en matière de travail illégal (UNACTI) et les Unités régionales (URACTI) dont la mission est de coordonner les actions de contrôle et d'enquêter. Les montages frauduleux sont en effet de plus en plus complexes, et nous avions besoin de ces nouveaux outils.

 

Chantier parisien et photo d\'illustration du minsitère du Travail
Un chantier parisien. © Ministère du Travail/DICOM/Sipa press
Batiactu : L'obligation de la carte professionnelle pour tous les intervenants d'un chantier viendra-t-elle à bout de la fraude aux travailleurs détachés ? Le Gouvernement annonce le contrôle cette année des 500 plus gros chantiers et la montée à 30.000 opérations conjointes -police, gendarmerie, douanes-, vous confirmez ? Cela va-t-il s'intensifier ?
François Rebsamen :
Je crois, en effet, que la carte d'identification est un outil nécessaire. Elle sera attribuée à tous ceux qui travaillent sur les chantiers : pas seulement aux salariés affiliés à une caisse de congés payés du BTP mais également aux intérimaires et aux salariés détachés légalement par une entreprise située hors de France. C'est le gage de contrôles plus rapides, plus efficaces, et donc, d'un recul des fraudes au détachement.

 

Le Plan national de lutte contre contre le travail illégal en 2015 prévoit également une augmentation du nombre de contrôles conjoints. Vous l'avez rappelé, 30.000 contrôles conjoints auront lieu cette année contre 22.000 en 2013, sur 66.000 contrôles au total.

 

De plus, j'ai souhaité lancer l'opération 500 chantiers. Elle est en cours sur tout le territoire, sur des chantiers qui ont été ciblés parce qu'ils ont recours à la prestation de service internationale. Cette action prévoit des contrôles de nuit, les samedis, les dimanches et les jours fériés, et s'inscrit dans le cadre d'un suivi régulier de ces chantiers. Ces différentes actions témoignent de l'engagement du Gouvernement à faire respecter l'ordre public social.

 

Batiactu : Comment pensez-vous réduire les imbroglios juridiques sur les chantiers de grande envergure comme celui de l'EPR de Flamanville, par exemple ?
François Rebsamen :
Les nouvelles dispositions issues de la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale du 10 juillet 2014 renforcent la responsabilité des donneurs d'ordre et des maîtres d'ouvrage vis-à-vis des infractions commises par leurs sous-traitants et l'information des services de contrôle en matière de recours au détachement. Ce sont là des moyens nouveaux, que le projet de loi Macron va encore améliorer, pour garantir le respect de la réglementation du travail pour les travailleurs détachés.

 

 

La sophistication croissante des montages frauduleux rend nécessaire le renforcement des capacités de contrôle et l'amélioration de la coordination entre tous les corps de contrôle. La nouvelle organisation de l'inspection du travail contribue déjà fortement au renforcement de la professionnalisation des pratiques de contrôle pour les adapter aux organisations frauduleuses les plus complexes. Elle permet le développement de véritables expertises au niveau national et régional à hauteur des nouveaux enjeux et favorise la coopération avec les autres institutions de contrôle.

 

Cette coopération est indispensable pour analyser les mécanismes élaborés par les fraudeurs pour échapper à leurs obligations en matière de droit du travail, de sécurité sociale et en matière fiscale.

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