ARCHITECTURE. Jean-Michel Wilmotte, qui s'exprimait dans le cadre d'un point presse ce jeudi 7 novembre, a souligné le poids grandissant des aspects financiers dans le choix des maîtres d'oeuvre par les maîtres d'ouvrage, au détriment de l'intérêt architectural des projets.
"Ce n'est plus du tout l'architecture mais l'argent" qui guide le choix des maîtres d'œuvre d'un projet par le maître d'ouvrage. Ce constat amer émane de l'architecte français Jean-Michel Wilmotte, dont l'agence éponyme n'a sans doute jamais totalisé autant de projets qu'en cette fin d'année 2019, d'après son fondateur. Le campus de Sciences Po à Paris, le Grand Palais éphémère, le siège africain de l'ONU près de Kazar, celui du groupe Arcelor-Mittal au Luxembourg, le centre de performances du Paris Saint Germain, l'extension de l'hôpital américain de Neuilly… Les succès remportés par Wilmotte & Associés feraient presque oublier qu'il arrive également à l'agence de perdre des appels d'offres. Notamment à l'étranger, "où nous faisons parfois cinq projets pour en décrocher un", reconnaît sans détours Jean-Michel Wilmotte, qui s'exprimait dans le cadre d'une conférence de presse, ce jeudi 7 novembre, à l'occasion de l'inauguration, par l'agence, d'un nouvel espace dédié aux rencontres entre les professionnels de l'architecture, le Club W&A 89, situé au 89, rue du Faubourg-Saint-Antoine, dans le 12ème arrondissement de Paris.
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"Nous avons dû perdre une dizaine d'appels d'offres relatifs à des musées, en Italie", poursuit l'architecte. "Mais ce n'est pas grave", nuance-t-il aussitôt. "Le chiffre d'affaires de l'agence à l'étranger est très faible, alors que le temps passé est énorme. L'agence ne peut pas être rentable à l'étranger. Mais il s'agit d'un investissement pour le futur, d'un terrain d'expérimentation, cela nous positionne à l'international", explique Jean-Michel Wilmotte. Dont l'agence figure au 65ème rang des 100 plus importantes agences d'architecture mondiales, selon le classement élaboré par le magazine Building Design en 2019 et basé sur des critères de chiffre d'affaires, de nombre de projets et de collaborateurs.
Pas d'inquiétude sur le projet de la gare d'Austerlitz
En France, la perte d'appels d'offres est plus ennuyeuse, compte tenu du poids du pays dans le chiffre d'affaires de l'agence. Surtout, Jean-Michel Wilmotte y voit un intérêt grandissant des maîtres d'ouvrage pour l'aspect financier des projets, au détriment de l'intérêt architectural, ce qui pousse certains d'entre eux à choisir les offres d'acteurs disposant d'importantes marges de manoeuvre financières. "Nous perdons des concours en France aussi, cela a été le cas pour Morland [un ensemble immobilier dans le 4ème arrondissement de Paris ; Ndlr] car nous étions à 130 millions d'euros, contre 170 millions pour celui qui a gagné [l'agence britannique David Chipperfield Architects, avec le groupe Emerige]", relate Jean-Michel Wilmotte. Idem pour l'Hôtel de Dieu de Paris, dont Wilmotte & Associés a perdu l'appel d'offres, remporté par Anne Démians, associée à Novaxia. Le rapport de forces était de 110 millions d'euros d'un côté, et de 135 millions d'euros de l'autre, souligne l'architecte.
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Il cite un autre exemple : le projet de transformation de la gare du Nord, à Paris, pour lequel il s'était associé au promoteur Apsys, mais qui a échu ses confrères architectes Valode et Pistre, et à Ceetrus, filiale immobilière d'Auchan. Un projet devenu si polémique qu'il est peut-être plus confortable de ne pas l'avoir remporté. La conception de l'espace commercial de la gare d'Austerlitz, dans le cadre de la modernisation de celle-ci, n'est en outre pas un mince lot de consolation : la Commission du Vieux Paris a bien formé quelques recours contre le projet, indique Jean-Michel Wilmotte, qui travaille dessus avec Altarea-Cogedim, mais l'architecte n'est pas inquiet pour son devenir.
Jean-Michel Wilmotte est l'invité d'honneur de la Journée de l'Innovation Architecture et Bâtiment à Moscou, DI-Moscou, le 4 décembre prochain. Un événement Batiactu Groupe.