Tombé en désuétude pendant des années, le viager revient au goût du jour en France, porté par le difficile financement des retraites et les prix élevés de l'immobilier. La vente en viager associe un vendeur âgé qui transfère la propriété de son bien, en gardant la plupart du temps le droit d'y vivre, à un acheteur en contrepartie du versement d'une somme fixe (le bouquet) et d'une rente qu'il perçoit jusqu'à son décès.

«Il n'existe pas de statistiques précises, mais nous sommes passés de quelques centaines à environ 8.000 transactions par an ces dernières années» en France, explique Pierre Bazaille, notaire à Lyon. «Cette tendance va se poursuivre. Vu le financement de plus en plus incertain des retraites, la rente viagère représente un complément financier non négligeable pour de nombreuses personnes âgées», ajoute-t-il.

Si la hausse des prix de l'immobilier ralentit depuis quelques mois, le boom de ces dernières années a profité aux seniors (plus de 60 ans). Leur patrimoine immobilier est valorisé à 700 milliards d'euros et 65% d'entre eux sont propriétaires de leur résidence principale, selon l'Insee. «Mais ces retraités ne sont pas riches pour autant. Ils ne disposent souvent pas des revenus qui accompagnent leurs actifs immobiliers. Il est donc logique qu'ils se tournent vers la formule du viager», souligne Corinne Griffond, membre du Conseil économique et social qui vient de rendre un rapport sur la question.

«La pratique a profondément évolué»
La fiscalité attrayante de la rente viagère et l'indexation de cette dernière sur l'inflation sont autant d'autres avantages pour les seniors. Et les agences immobilières sont de plus en plus nombreuses à se spécialiser dans ce type de contrat. «La pratique a profondément évolué. Les vendeurs sont plus jeunes et mettent parfois leur bien en viager alors qu'ils ont à peine 60 ans contre 70 en moyenne auparavant», constate Hélène Leraitre du cabinet France Viager. «Certains croulent sous les crédits et n'ont pas d'autres solutions».

Une pratique qui attire les investisseurs
Le viager attire aussi des investisseurs soucieux de diversifier leurs placements depuis la chute des marchés boursiers. «Certains de mes clients achètent 10 voire 20 appartements, car cela leur permet de se procurer un bien avec des décotes de 20 à 50% par rapport au prix du marché», explique Michel Artaz, président du centre européen du viager. L'Etat se penche depuis peu sur ces types de transactions. Il a mis en place, en 2006, le prêt hypothécaire viager qui permet à une personne de plus de 65 ans d'obtenir un prêt auprès d'une banque garanti par une hypothèque sur son bien immobilier. «Mais les taux d'intérêt (8,5%, ndlr) sont dans ce cas beaucoup trop élevés. Il vaut mieux favoriser le viager classique», estime Mme Griffond, qui préconise «un abattement fiscal pour l'acheteur» et «une meilleure sensibilisation du public».

Garde-fous
«Des garde-fous existent : le vendeur peut s'engager à toucher la rente pendant 20 ans ; même s'il est encore en vie à l'expiration de ce délai l'acheteur n'aura plus rien à acquitter. A l'inverse, une clause peut prévoir que l'acheteur payera pendant au moins dix ans même en cas de décès prématuré du vendeur», rappelle-t-elle. De même, le viager n'a pas toujours des conséquences irrémédiables pour les héritiers. «Certes, dès la vente signée, le bien sort définitivement de la succession mais des parades existent, le bouquet pouvant être reversé aux enfants sous la forme de donations ou d'assurance-vie», tempère M. Artaz.

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