Pour les organisations italiennes de défense de l'environnement, le projet de ce pont qui doit relier la Sicile au reste de l'Italie est jugé irréaliste, dangereux et trop cher.

Et voilà l'Italie repartie dans le bon vieux clivage nord-sud. Le responsable ? Un Pont devant relier la Sicile au reste de l'Italie. Mais pas n'importe quel pont. Ce pont suspendu routier et ferroviaire ne serait pas moins que le plus grand pont suspendu au monde avec une portée centrale de 3.360 mètres à 64 m au dessus de la mer pour une longueur totale de 3.690 mètres.

La réalisation de ce pont figurait dans les promesses électorales du candidat Berlusconi pour les élections législatives de 2001. Mais pour les verts italiens, représentés par Ermete Realacci, président de Legambiente, le chef du gouvernement "veut faire manger la brioche au sud de l'Italie", en référence au propos de la reine de France Marie-Antoinette lors d'émeutes de la faim à Paris peu avant la révolution. "Le sud a besoin d'autre chose, pas de ce pont. Cette histoire ne fera pas du bien à Berlusconi", a ajouté Ermete Realacci au cours d'une conférence de presse.

Anna Donati, une élue écologiste au Sénat italien, a annoncé mercredi 19 février le dépôt par son parti d'un recours au niveau européen contre ce projet pour non respect de règles européennes en matière d'évaluation de l'impact environnemental et avoir entrepris une démarche similaire auprès des ministères italiens compétents.

Sa construction de cet ouvrage, pour lequel le groupe français Vinci a postulé, doit commencer en 2005 et il devrait être ouvert au trafic en 2011. Selon la société concessionnaire, il permettra un gain de temps d'une heure pour les voitures, de 90 minutes pour les camions et de deux heures pour les trains dans la traversée du détroit, actuellement effectuée par ferries.
Mais Gaetano Benedetto, un responsable du WWF-Italia, l'accuse d'avoir "gonflé les chiffres des prévisions sur le transport pour justifier la faisabilité économique du projet".
"La société a gonflé les chiffres de 25% à 55% pour le transport ferroviaire, de 42% à 66% pour le transport des passagers sur route et de 51% à 68% pour les marchandises", indique également une étude des Verts italiens."Le pont devrait coûter 4,6 milliards d'euros sans les frais financiers et accessoires. En partant de 10 millions de passages par an sur ce pont et d'un prix moyen de 10 euros par transit, il faudrait 50 ans pour l'amortir", a souligné M. Benedetto. "Or, actuellement, nous sommes à 7 millions de passages par an avec une tendance à la baisse", a-t-il déclaré.

Autre point d'échauffement : les défenseurs de l'environnement mettent en garde contre la vulnérabilité du pont face à l'importante activité sismique dans cette région et contre la difficulté de le protéger contre d'éventuelles attaques terroristes.

Au vu des besoins de la Sicile, les adversaires du pont estiment qu'il y a "de nombreux projets plus urgents". "De Messine (nord) à Agrigento (sud) il faut cinq heures de train, et six heures jusqu'à Raguse (sud). Toutes les villes siciliennes importantes sont à plus de trois heures de train de Messine (point de départ et d'arrivée des ferries) et le gouvernement dit qu'il n'y aura certainement pas de financements des chemins de fer avant 2005", s'est ainsi indigné l'urbaniste Vezio De Lucia de l'organisation Italia Nostra.
"La volonté de construire ce pont n'est que du prestige mal compris", a-t-il ajouté.

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