JUSTICE. Les victimes de l'amiante ont décidé d'enclencher une nouvelle procédure au tribunal correctionnel contre un série de responsables nationaux du scandale, principalement des personnes gravitant autour du Comité permanent amiante (CPA). Explications.

"Les victimes de l'amiante ont été maltraitées par la justice. Il y a une forme d'urgence à agir." C'est ce qu'avance l'avocat Eric Dupond-Moretti, ce 8 janvier 2019, lors d'une conférence de presse qui s'est déroulée dans les locaux du cabinet Dupond-Moretti & Vey, à Paris. L'association des victimes de l'amiante et autres polluants (Ava) a en effet décidé, épaulée par ces avocats, de lancer une nouvelle procédure au pénal contre les responsables nationaux du scandale sanitaire de l'amiante - huit de ces responsables ont vu leurs mises en examen annulées en 2017.

 

Des documents démontrent des "carences et des inerties"

 

L'Ava a décidé de passer par la procédure de la citation directe, dans les semaines à venir. "Elle permet la saisine directe du tribunal correctionnel, sans le filtre du juge d'instruction", explique Eric Dupond-Moretti. "Il appartient alors à la partie civile de donner ce que nous estimons être des preuves. Nous avons des documents qui démontrent des carences et des inerties constitutives, à notre sens, d'infractions pénales."

 

 

L'avocat s'appuie notamment sur un passage du célèbre rapport sénatorial de 2003, intitulé "Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir" : "Enfin, la mission considère que le fait que le dossier de l'amiante ait été officieusement délégué dans le même temps, entre 1982 et 1995, à une structure informelle et singulière - le comité permanent amiante (CPA) - qui n'était en fait qu'un lobby de l'industrie dans lequel siégeaient également des scientifiques, les partenaires sociaux et des représentants des ministères concernés, et qui prônait l'usage contrôlé de l'amiante, a joué un rôle non négligeable dans le retard de l'interdiction de ce matériau en France." L'amiante a été interdit en France en 1997, alors que les doutes sur sa dangerosité n'étaient plus permis dès les années 70.

 

Une reprise à zéro du dossier

 

Les représentants des victimes espèrent voir l'audience se dérouler d'ici un an à un an et demi. "Nous allons nous constituer pour les personnes déjà atteintes de pathologies, des ayant-droits et des victimes exposées indirectement à l'amiante", a ajouté l'avocat. La liste des personnes physiques qui seront mises en cause est en cours de constitution, et tournera "autour de ce 'satané' CPA", explique l'avocat des victimes.

 

C'est donc une reprise à zéro du dossier à laquelle il faut s'attendre. "Nous réunissons tous les documents disponibles pour organiser un récit des faits précis et argumenté, une chronologie, afin de nous interroger sur les qualifications juridiques des faits", explique Antoine Vey, avocat. "C'est le travail que le parquet n'a pas effectué depuis plus de vingt ans. Nous cherchons simplement à comprendre ce qu'il s'est passé. Et souhaitons joindre le maximum de victimes pour la réalisation d'un procès de santé publique où il s'agit d'avoir une fois pour toute une vision des plaignants étayée par des documents et des éléments de preuve."

 

"Nous voulons préserver la santé des générations futures : glyphosate, pesticides, perturbateurs endocriniens..."

Pierre Pluta, président de l'Ava, regrette que l'état actuel des décisions de justice en matière d'amiante "rassure les empoisonneurs, elle leur dit de continuer". "Nous voulons préserver la santé des générations futures : glyphosate, pesticides, perturbateurs endocriniens... Nous sommes en train de reproduire le même scénario qu'avec l'amiante. Il faut qu'ils comprennent qu'il y aura des comptes à rendre !"

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