Le ministre du Travail s'est dit prêt la semaine dernière à suspendre "pendant trois ans" les obligations qui s'imposent aux entreprises passant de 9 à 10 salariés, et de 49 à 50. D'après François Rebsamen, ce gel des obligations permettrait de savoir si les seuils sociaux sont réellement des freins à l'emploi comme le soutient le patronat. Explications et témoignages de l'UPA, qui compte elle sur une "mise à plat" du dispositif.

Un dossier épineux refait surface* : le gel des obligations légales. Dans une interview, parue le 28 mai dans le quotidien régional Le Bien Public, le ministre du Travail, François Rebsamen, jette un pavé dans la mare en proposant de suspendre pendant trois ans les obligations qui s'imposent aux entreprises passant de 9 à 10 salariés, et de 49 à 50.

 

"Garder le principe des seuils"
"Gardons le principe des seuils**, à 10 pour créer des délégués du personnel, et à 50 pour le comité d'entreprise, mais suspendons leur enclenchement pendant trois ans", a proposé le ministre du Travail. Si cela créé de l'emploi, tant mieux, sinon, on remettra les seuils en vigueur et on n'entendra plus l'argument patronal ", a-t-il ajouté.

 

Le Premier ministre, Manuel Valls, lorsqu'il avait reçu l'ensemble des partenaires sociaux le 11 avril dernier, peu de temps après sa prise de fonction, avait déjà mis sur la table le sujet, proposant notamment de neutraliser le seuil des 11 salariés pendant un ou deux ans.

 

Aubaine pour les entreprises ?
Pour les organisations patronales, cette dernière proposition ministérielle est une véritable aubaine car les seuils d'effectifs représentent pour elles un "obstacle" au droit social. En effet, depuis des années, le Medef et la CGPME en tête dénoncent cinq planchers réglementaires (10, 11, 20, 25 et 50 salariés) dont découlent de nombreuses obligations administratives et fiscales auxquels de nombreuses entreprises préfèreraient se soustraire, quitte à bloquer leurs embauches. Côté UPA, la revendication est plus nuancée. "Le fait que cette question des seuils sociaux soit ouverte a toujours été une demande de l'UPA", nous confie de son côté Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA. Nous avons fait partie des premiers à demander une discussion, justement reconnue par la Loi Larcher en 2007."

 

Avant d'ajouter :"Mais contrairement aux deux autres organisations patronales qui souhaitent supprimer le dispositif des seuils, on considère à l'UPA qu'il faut le mettre à plat en partant du principe que ces seuils posent problèmes. En détails, le seuil de 11 salariés est trop bas d'après nous. On préconise la mise en place d'un seuil à 21 salariés, c'est plus réaliste. Prenons le cas du maçon employant plus de 11 salariés, le dispositif est inadapté car dans la majorité des cas il ne dispose pas de service du personnel."

 

Un surcoût de 4,5% de la masse salariale
Maintes autres contraintes** expliquent les organisations patronales, le fait qu'il y ait aujourd'hui, en France, "2,4 fois plus d'entreprises de 49 que de 51 salariés". Au final, le seuil des 50 salariés déclenche 35 obligations légales, ce qui représente un surcoût de 4,5 % de la masse salariale. "Cette analyse se rapproche pour les entreprises de 10 à 11 salariés", confirme Pierre Burban.

 

"Par ailleurs, ce n'est pas ce dispositif qui va créer de l'emploi, reconnaît l'UPA, contrairement au Medef et la CGPME. C'est bien sûr la consommation avant tout et la croissance qui relanceront cette situation difficile."

 

Côté syndicats, la CFDT, la CFE CGC et la CFTC ne sont pas opposés à aborder ce dossier à l'occasion de la grande conférence sociale qui se tiendra les 8 et 9 juillet prochains dans le cadre de la modernisation du dialogue social. "Mais il faudra des compromis sur d'autres points", vient de nouveau souligner la CFDT, lors de son congrès à Marseille. La CGT et FO sont, elles, opposées à une suppression pure et simple. Le débat ne fait que commencer.

 

Un gel des seuils initié en 2008 par Nicolas Sarkozy
Pour rappel, en, 2008, Nicolas Sarkozy avait fait passer dans la Loi de modernisation de l'Economie un certain nombre d'allégements qui visaient, à titre expérimental, à étaler dans le temps les effets du franchissement des seuils : la progression du taux de cotisation était ainsi lissé sur six ans, la cotisation d'aide au logement gelée pendant trois ans, et la dispense de paiement de la taxe transport prolongée lorsque que le franchissement des 10 salariés résultait d'une reprise d'entreprise.

 

Quelques exemples des principales obligations
L'aide au transport : "Une entreprise de neuf salariés ne sera pas soumise à la taxe transport et aura la possibilité de verser ses cotisations une fois par trimestre", poursuit-il. Si cette même entreprise passe à 10 salariés, l'aide au transport lui sera réclamée par le trésor public, le paiement de l'Urssaf interviendra chaque mois et son taux de cotisation pour la formation sera revalorisé, nous explique-t-on à l'UPA.

 

Election du délégué du personnel et formation professionnelle : De plus, à partir de 10 salariés, l'entreprise doit participer au financement de la formation professionnelle et des prestations complémentaires de prévoyance. "A onze salariés, cette fois-ci, c'est l'employeur qui doit organiser tous les quatre ans l'élection de délégués du personnel", nous précise Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA. Par ailleurs, à partir de 20 salariés, s'ajoute aux charges fixes la cotisation au Fonds national d'Aides au Logement et une contribution à l'effort de construction.

 

CHSCT : Ensuite lorsque le cap des 50 salariés est franchi, la mise en place d'un Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est obligatoire pour l'entreprise. Elle doit d'ailleurs financer le comité d'entreprise.

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